42e Congrès annuel de l'ADBU

Anne-Marie Bertrand

L’ADBU a réuni son congrès annuel à Toulouse du 5 au 7 septembre 2012. La première journée a vu le déroulement des activités statutaires et le compte rendu des travaux des commissions : la commission Recherche (Marie-Dominique Heusse), la commission Pilotage et système d’information (Grégory Miura), la commission Pédagogie universitaire (Pierre-Yves Cachard), la commission Moyens (Laurence Boitard). Quant à la commission Évolution des métiers, elle avait pris en charge la journée d’étude du lendemain.

La traditionnelle journée d’étude portait en effet sur le thème « Quels métiers dans les bibliothèques universitaires ? » (« un des défis essentiels à relever dans les BU », soulignait Dominique Wolf, présidente de l’ADBU). De cette journée très dense, on nous permettra de ne retenir que quelques moments, forts, drôles ou étonnants, pessimistes ou optimistes.

Fonctions/statuts. Les professionnels se positionnent davantage selon leur statut (leur grade) que selon les fonctions qu’ils exercent. Pour les cadres, on constate « une réelle polyvalence aussi bien que la multiplication des profils émergents » (Bertrand Calenge, Enssib) ; plus que des compétences, les professionnels auraient besoin de qualités et de dispositions (« l’intelligence, la curiosité intellectuelle, la réactivité, la rigueur, le goût du travail en équipe »). Ont été abordées aussi les questions de polyvalence et spécialisation, ou de rééquilibrage entre catégories et filières. Sans oublier l’avenir de la catégorie C, sujet récurrent et difficile.

Dedans/dehors. Quelles solutions pour bénéficier des nouveaux métiers dont les BU ont besoin ? Les intégrer ou les externaliser ? Les positions divergent. Hélène Calmès (DRH de l’université Toulouse 1) plaide pour que chacun reste chez soi : « Il est préférable de travailler avec les services compétents plutôt que créer de nouveaux profils dans les SCD. Les informaticiens doivent être à la DSI, où ils ne sont pas coupés de leur environnement, de leur métier, de leur évolution, pas à la bibliothèque. » Inversement, Silvie Delorme (directrice de la bibliothèque de l’université Laval, au Québec) préconise une intégration volontariste, dont sa bibliothèque est l’exemple : outre les professionnels des bibliothèques, son service emploie huit informaticiens, un technicien en administration, un chargé de communication, un responsable des expositions, un technopédagogue, un géomaticien et bientôt un statisticien ; elle plaide pour que des chercheurs soient affectés à la BU.

Quelques gentillesses. Marie-France Barthet (présidente du PRES université de Toulouse) : « Vous êtes de grands professionnels, et c’est parce que vous êtes de grands professionnels que l’évolution ne vous fait pas peur. » Anne Fraïsse (vice-présidente de la Conférence des présidents d’université – CPU) : « Les bibliothèques sont au cœur de la vie universitaire. » Le projet d’« atrium » à Montpellier sera « le cœur de la maison : la place que doivent prendre nos bibliothèques dans l’ensemble de la communauté éducative ». Et de souligner « la volonté de la CPU de travailler avec vous ».

Quelques difficultés. Les personnels des BU ne sont pas assez conscients et informés de ce qui n’est pas eux, par exemple les collectivités territoriales ou les entreprises – même l’université ! (Isabelle Westeel, SCD Lille 3). Le numérique bouleverse tout : « La métamorphose des bibliothèques, à l’âge du numérique galopant, est porteuse d’une crise d’identité » (Vincent Hoffman-Martinot, directeur de l’Institut d’études politiques de Bordeaux). « La documentation est trop souvent reléguée au rang de fonction de soutien. On joue trop souvent petit bras dans ce secteur » (le même). Le recours à d’autres métiers que ceux des bibliothèques peut entraîner « un sentiment de perte de la spécificité et de reconnaissance » (Silvie Delorme). La journée a eu du mal à « aborder de front le cadre de la fonction publique et le statut du personnel » (Yves Alix).

Quelques anecdotes. À Nanterre, la moquette a(vait) 40 ans. À la BNUS, il y a(vait) de la poussière impériale sur les livres. Qu’est-ce qu’une présidente d’université attend des futures bibliothèques ? Que les enseignants continuent à avoir accès aux magasins. Le directeur d’une grande bibliothèque : « Je suis respectueux du contribuable, mais je ne suis pas payé pour ne pas dépenser. » Un conservateur dans un SICD : « Modifier les pratiques professionnelles vient heurter de front la culture professionnelle. » Silvie Delorme : « Le e-learning, que chez nous, au Québec, on appelle formation à distance. »

Le changement. Yves Alix, « grand témoin », assurait la synthèse de cette journée. Après avoir souligné que les débats s’étaient polarisés sur « les métiers et la situation des cadres » et avaient « porté très peu d’attention aux autres bibliothèques », notamment la BnF et les BM, il insistait sur le changement : « La volonté de réforme se heurte à l’inertie des pratiques professionnelles 1 » ; or, « pour les bibliothèques, c’est le changement ou la disparition ! »

La matinée « institutionnelle » du 7 septembre fut l’occasion de faire le point sur quelques dossiers ou projets. Michel Marian (MISTRD) développa les deux priorités du ministère de l’Enseignement supérieur : la documentation pour la recherche (grâce aux deux dispositifs que sont l’ISTEX et la BSN) ; la documentation pour la réussite de tous les étudiants, en allant plus loin que la modernisation (les Learning Centres) ou l’augmentation des horaires d’ouverture, notamment en faisant des BU des partenaires de l’innovation pédagogique ou des acteurs de la diffusion de la culture scientifique – il faut mieux faire connaître ce que font les BU et, pour ce faire, mettre en place des dispositifs d’évaluation du rôle des BU dans la réussite des étudiants. Il concluait sur l’impact marginal du passage aux RCE (responsabilités et compétences élargies – nom officiel du passage à l’autonomie des universités) sur les transformations d’emplois, contrairement aux craintes qui s’étaient exprimées : « Les équipes dirigeantes reconnaissent le professionnalisme de la filière. »

Dominique Arot (doyen de l’IGB) fit le point sur l’activité de l’Inspection et suggéra quelques pistes de réflexion en lien avec la journée d’étude : convergence des métiers/divergence des statuts, le rapport à la fonction enseignante, la fonction d’encadrement, la mobilité fonctionnelle, la mixité croissante des emplois, le temps de travail (et le télétravail). Vaste programme… •

  1. (retour)↑  Interrogée sur les réactions au changement, les réticences au changement, Anke Berghaus-Sprengel (université Humboldt de Berlin) répondait abruptement : « Le personnel ne veut pas changer, ne veut plus changer, pas encore ! »