Colloque international sur le document électronique

Entre permanence et mutation

Camille Claverie

Le treizième Colloque international sur le document électronique (Cide) 1 s’est tenu les 16 et 17 décembre 2010 à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) à Paris. L’objectif de l’événement, comme chaque année depuis 1998, était d’aborder le document numérique sous le regard croisé des chercheurs et industriels des différentes disciplines concernées par sa conception et ses usages, et de diffuser les derniers résultats de la recherche académique et industrielle. Plus particulièrement, l’édition 2010 se proposait de discerner, dans un univers en pleine mutation technologique, quels sont les invariants caractérisant les supports documentaires.

Pérennisation de l’archivage

La conférence s’est ouverte par l’intervention de Benoit Habert, chargé de mission veille scientifique chez Électricité de France, sur le thème de l’archivage numérique pérenne. Ce dernier exposa le paradoxe entre l’obstination mémorielle pour la transmission de l’existant rendue possible par le développement grandissant des technologies numériques et l’extrême fragilité de ces dernières, qui ne peuvent garantir un accès pérenne à cette mémoire. Il dénonça la fragilité des supports d’enregistrement, qui ont une durée de vie limitée, et l’obsolescence technologique des formats d’enregistrement et de consultation des documents numériques. Au travers de deux exemples précis, Benoit Habert exposa les dimensions de cette pérennisation. Il présenta le modèle de référence OAIS (Open Archival Information System), cadre conceptuel indispensable pour l’archivage et la préservation à long terme de documents numériques, ainsi que sa mise en œuvre pour l’infrastructure mutualisée du TGE-Adonis  2. Son intervention se conclut par une réflexion sur l’importance de la sélection dans le travail de mémoire, pour « savoir reconnaître et préserver ce qui est réellement précieux, ce qui doit rester vivant ».

Médiation des dispositifs numériques

Pour Bernadette Dufrêne (université Paris Ouest), étudier la médiation numérique des institutions patrimoniales, c’est considérer l’ensemble des médiations de l’édition électronique et admettre que la technique traduit et reconfigure des formes de médiations préexistantes dans l’espace réel de ces institutions. Sarah Labelle (université Paris 13) et Aude Seurrat (université Paris 4) ont montré, quant à elles, comment le cadre normatif et restrictif de la base de données peut inhiber la médiation et imposer une manière de penser et de représenter des expériences.

La table ronde intitulée « Système d’information et écritures numériques en entreprise : les mutations du travail informationnel », animée par Manuel Zacklad (Conservatoire national des arts et métiers), regroupait Dominique Cotte (université Lille 3), Benoit Habert (Électricité de France), Yves Chevalier (université de Bretagne) et Yves Jeanneret (université Paris 4). Les mutations engendrées dans l’organisation du travail par l’omniprésence de l’information accompagnent les nouveaux environnements numériques. Au système d’information tel qu’il apparaît dans l’entreprise dans les années quatre-vingt, notamment à travers la méthode Merise, se substituent de nouveaux dispositifs numériques de communication et d’accès à l’information. Face à la démultiplication de l’information et à la dissémination des outils, l’utilisateur se voit contraint de recréer son propre système d’information. L’augmentation des volumes et les changements de rythme créent une surcharge de travail liée au traitement et à la gestion des documents par des outils non interopérables. L’individualisation du rapport à l’information, la diminution des fonctions de médiation documentaire, concourent à la diffusion d’une information non contrôlée. Les dangers des dérives « évaluatoires », rendues possibles par des analyses quantitatives portant sur des informations consignées dans les systèmes d’information, font l’objet de débat.

La question de la préservation et de l’accès aux documents non textuels

Elaine Ménard (université McGill, Montréal) présenta les résultats d’une enquête portant sur les comportements informationnels des usagers en situation de recherche d’images. C’est à la pérennité d’un tout autre type de document que s’intéresse le patch, module logiciel de commande et de traitement du signal utilisé en musique ou en vidéo. Les apports du datamining pour la construction d’une ontologie des traitements musicaux et audio-numériques sont nombreux.

La dernière session, plus théorique, a permis de faire le point sur le document numérique, son cadre épistémologique, son cadre juridique et son environnement économique.

La table ronde qui a clôturé la conférence sur le thème « Lire numérique : nouveaux dispositifs – nouvelles pratiques ? » était animée par Alexandra Saemmer (université Paris 8) avec Joël Gardes (Orange), Claire Bélisle (université Lyon 2), Caroline Courbière (université de Toulouse), Emmanuël Souchier et Étienne Candel (université Paris-Sorbonne). Les nouvelles possibilités de lecture qu’offrent les dispositifs numériques et surtout l’intérêt et les émotions qu’elles suscitent chez les lecteurs ont fait l’objet du débat. La lecture numérique constitue un double défi : pour les créateurs et les éditeurs, qui sont amenés à inventer des formes et figures nouvelles de l’écrit numérique ; pour les lecteurs, dont les attentes et habitudes se retrouvent régulièrement remises en question. •