La tour des temps

par Christelle Di Pietro

Thierry Grillet

Paris, Anne Carrière, 2010, 294 p., 24 cm
ISBN 978-2-8433-7544-6 : 19,50 €

Un jeune gardien de nuit de la Très Grande Bibliothèque et une conservatrice débutante enquêtent sur le mystère de la Tour des Temps : alors qu’une faille béante dans les sous-sols menace le bâtiment d’effondrement, des âmes en peine hantent les couloirs, la nuit, tandis qu’un ancien livre de divination disparaît.

Entre polar et science-fiction

Thierry Grillet, directeur des affaires culturelles de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et excellente plume, livre un premier roman qui hésite entre polar et science-fiction, et dont le principal personnage est la BnF. Entre lieu fantasmé (la bibliothèque aurait été construite sur un ancien camp nazi) et espace concret (six cents kilomètres de rayonnages), la BnF devient prétexte à une intrigue qui n’est pas sans rappeler le Da Vinci Code : un passé historique trouble, de jeunes héros courageux et érudits, des lieux imposants et énigmatiques, des événements étranges et mystiques où se mêlent magie africaine et ésotérisme nostradamien. Si le temple du savoir est dépeint de façon minutieuse et vivante, l’argument du roman peine à trouver son rythme. L’intrigue ne se noue vraiment qu’aux deux tiers de l’œuvre et semble comme expédiée, laissant le lecteur avec un goût d’inachevé.

Les personnages sont bien campés mais ne convainquent pas vraiment. Isabelle, la jeune conservatrice effacée mais brillante, offre une vision passéiste de son métier, telle qu’elle subsiste dans l’imaginaire collectif, pratiquant la « religion du papier » contre celle d’internet (en quoi d’ailleurs les deux sont-elles antagoniques ?). La fascination qu’elle éprouve pour l’aspect conservateur (au sens littéral du terme) de son métier balaie son apprentissage fraîchement acquis : alors qu’elle sort d’un entretien avec un conservateur retraité de la « Nationale », elle avoue en avoir plus appris que dans ses années de formation.

Sékou, jeune métis lettré mais éjecté du système scolaire, qui tente de trouver un boulot stable pour acquérir son indépendance, apparaît bien plus moderne, tiraillé qu’il est entre traditions familiales et désir d’intégration. Sauf qu’il est tout autant improbable que le personnage d’Isabelle (doté d’une mémoire eidétique, il est aussi un virtuose du piratage de fichiers), tout autant que l’idylle shakespearienne qui naît entre les deux jeunes gens.

L’exploration des coulisses de la BnF

Être à la fois bibliothécaire et lecteur gêne la lecture de l’œuvre, car on est sans cesse tenté de porter un regard professionnel sur cet ouvrage qui demeure une œuvre de fiction. Mais il n’est pas certain que le lecteur amateur du genre « thriller surnaturel » puisse y trouver son compte, tant l’omniprésence de la dimension professionnelle dans ses moindres détails catalographiques gêne une immersion sans retenue dans l’intrigue. Les nombreuses références littéraires amplifient ce décalage qui laisse au final une impression de déjà-vu. Demeure l’exploration des coulisses de la BnF, comme vous ne les avez sûrement jamais vues.