Sciences et démocratie : doculivre

par Christelle Di Pietro
Caen, C&F, 2010, 91 p., 21 cm
ISBN : 978-2-915825-07-7 : 28 €
Accompagné d’un DVD et d’un site compagnon : http://cfeditions.com/sciences-et-democratie

Entre actes de colloque et brochure d’accompagnement, ce livret de 91 pages assorti d’un DVD présente quelques documents de référence du premier Forum mondial sciences et démocratie  * (FMSD) qui s’est déroulé à Belém (Brésil) les 26 et 27 janvier 2009. Certaines des contributions individuelles recueillies sur le site du Forum y sont retranscrites, et l’essentiel des débats est repris dans un reportage vidéo.

Une approche plus philosophique que scientifique ou politique

Le thème général annoncé, sciences et démocratie, pourrait laisser envisager une vaste rencontre entre scientifiques, politiques et citoyens sur l’impact de la science sur les préoccupations quotidiennes et les degrés d’influence mutuels des uns sur les autres. Le Forum social mondial, lancé en 2001 au Brésil, qui est l’organisateur de cet événement, est un sommet biennal des mouvements altermondialistes. L’orientation donnée à cette édition 2009 est résolument tournée vers une réflexion sociale et économique.

Le postulat général du Forum est l’affirmation que la science appartient à tous, en ce qu’elle est synonyme de progrès social et économique. Il pose le concept de « bien commun des connaissances » qui confère un statut universel et partagé au savoir humain.

À ce titre, l’appropriation par les firmes commerciales (pharmaceutiques et biotechnologiques en particulier) des découvertes scientifiques est néfaste au développement global, et les dépôts de brevets ultra-protégés constituent un vrai risque vital lorsque cela prive les populations les plus défavorisées d’accès au soin (comme par exemple dans le cas des traitements contre le virus du sida). Au fil du forum, d’autres risques sont abordés, comme la militarisation de la recherche, et plus largement la « vassalisation » de la science et la diminution de l’intervention publique.

L’exemple du chercheur en action

L’un des thèmes abordés est celui de la responsabilité (responsabilisation) du chercheur. Il est illustré par un reportage qui s’attache à suivre une jeune chercheuse en biodynamique des sols de l’université de Québec au Brésil, où elle rejoint les communautés avec lesquelles elle accomplit son travail de recherche. Si l’on comprend que l’objet du reportage est d’affirmer que la recherche peut associer en bonne intelligence les populations locales à ses travaux, la démonstration peine à dépasser le stade du story-telling et demeure un cas particulier peu généralisable. Par ailleurs, la rencontre entre le monde occidental et une population autochtone demeure trop caricaturale pour ne pas laisser circonspect sur l’avenir des échanges Nord-Sud.

Une vision partielle

En limitant le dialogue entre sciences et démocratie aux seules perspectives altermondialistes élaborées à l’aune des risques environnementaux ou économiques – et le choix de Belém, à l’embouchure de l’Amazone, n’est à ce titre pas anodin –, le Forum ne convainc pas sur l’urgence d’un dialogue entre chercheurs et société civile. La délimitation des débats aux aspects philosophiques et sociaux ne permet pas de prendre la mesure des enjeux scientifiques, ni d’appréhender le paradoxe entre développement technologique et conservation de l’intérêt général. Le savoir scientifique n’est envisagé qu’à travers son instrumentalisation commerciale, en négligeant les demandes pourtant pressantes et réelles du citoyen d’une toujours plus grande technicisation des processus.

On regrette que les contributeurs n’aient pas été plus variés : davantage d’interventions de scientifiques (très minoritaires) ou de firmes commerciales (totalement absentes) liés à la recherche technologique ou médicale auraient certainement débouché sur des débats, peut-être moins consensuels, probablement plus fructueux.

Le site du Forum : http://fm-sciences.org/spip.php?rubrique30