Trop tôt, trop tard

Yves Desrichard

Ce numéro du Bulletin des bibliothèques de France vient trop tôt : l’octroi à un nombre pour l’instant réduit d’universités des responsabilités et compétences élargies, la mise en œuvre pour l’instant embryonnaire des différents projets retenus dans le cadre du plan Campus, la mise en place trop récente d’une nouvelle administration centrale dévolue au réseau documentaire, ne permettent pas d’avoir un recul suffisant sur les sujets abordés pour proposer avis étayés et opinions consolidées sur les mutations à l’œuvre en matière de documentation, universitaire ou de recherche.

Ce numéro du Bulletin des bibliothèques de France vient trop tard : de l’épuisement du modèle économique d’abonnement aux ressources en ligne, des fractures idéologiques liées à la contestation abondante de la loi sur les libertés et responsabilités des universités brutalement révélées, des changements accélérés d’habitus en bibliothèque universitaire des étudiants, il fallait rendre compte avec plus d’actualité, pour proposer avis étayés et opinions consolidées sur les mutations à l’œuvre en matière de documentation, universitaire ou de recherche.

Ce numéro du Bulletin des bibliothèques de France vient – donc – parfaitement à point pour s’inscrire dans un mitan foisonnant, éphémère et contradictoire, transitoire et effrayant, momentané et confortant, de la vie des bibliothèques universitaires et des grands organismes documentaires liés à la recherche.

Sur ce ramassement sans cesse recommencé du paysage, le Bulletin propose quelques points de vue, organisés autour de trois axes : la prise en compte d’évolutions institutionnelles majeures, fortement publicisées ou souterraines, déterminantes à plus d’un titre ; quelques rapports d’étape, inscrits tout à la fois dans les acquis passés et dans les incertitudes futures ; enfin, une série d’opinions sur ce moment que chacun s’accorde à considérer crucial, à des titres divers, avec des espoirs parfois opposés et des peurs souvent divergentes.

Il serait facile d’en retenir quelques gestes : la nostalgie de tutelles ministérielles trop pesantes, et le soulagement mêlé d’appréhension et d’espoir de les voir désormais résolument engagées dans une démarche de projet, et non plus de gestion ; la grand-peur de l’autonomie renforcée des universités, des pouvoirs étendus du président et de son conseil d’administration, et l’exaltation secrète ou affirmée des changements qu’ils pourraient induire ; le constat amer ou dynamique des bouleversements affirmés dans les comportements des usagers, étudiants, enseignants, chercheurs.

C’est le souhait et la mission de l’équipe du Bulletin, désormais installé dans les locaux de l’Enssib à Villeurbanne, que d’inviter chacun de ses lecteurs à découvrir, sur un sujet où les avis sans nuance sont promis à des fortunes médiatiques plus intenses que les réflexions apaisées, une série de variations argumentées qui éclairent sans épuiser, invitent sans imposer, pour s’interroger sur ce que peuvent bien être les « urgences universitaires ».

 

* Le présent dossier du Bulletin des bibliothèques de France a été élaboré en collaboration avec la rédaction de l'Officiel de la recherche et du supérieur.