Guide de la coopération entre bibliothèques

par Yves Alix
Sous la direction de Pascal Sanz
Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 2009, 315 p., 24 cm
Coll. Bibliothèques
ISBN 978-2-7654-0952-6 : 37 €

Les auteurs de cet ouvrage, rassemblés sous la houlette du directeur du département Droit, économie, politique de la Bibliothèque nationale de France partagent la conviction, énoncée en quatrième de couverture, que « la coopération pénètre toutes les fonctions de la bibliothèque ou du centre de documentation, jusque dans ses activités les plus quotidiennes ». Poussé au bout de sa logique, ce raisonnement porte un double risque. Le premier est de vouloir agréger à tout prix chacune de ces activités à un schéma coopératif ; le second est de vouloir faire de la coopération à tout prix, fût-ce sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisant de la prose. Si le livre sait éviter ces écueils, c’est d’une part grâce à sa rigueur méthodologique et d’autre part en raison de la qualité des contributions, qui permettent de dresser un état des lieux remarquablement complet et précis de la question.

Une première partie présente en deux chapitres le cadre institutionnel et le socle professionnel de la coopération entre bibliothèques : tout d’abord le cadre juridique, que Franck Hurinville (bibliothèque Cujas) qualifie justement de « mosaïque inachevée », puis le rappel, par Anne-Marie Bertrand, de la construction dans la culture professionnelle de la conception contemporaine de la coopération, prenant comme point de départ la journée « Perspectives pour la coopération » de 1991 à Orléans.

Le cœur de l’ouvrage est constitué par une analyse fonctionnelle de la coopération documentaire, en onze chapitres. Il est important de souligner au passage, car l’ouvrage s’y tient avec beaucoup de rigueur, que le propos est bien circonscrit, dans ce panorama, aux fonctions documentaires de la bibliothèque. Ce centrage n’est pas destiné à éliminer ni à considérer comme dépourvues de sens les initiatives de coopération non directement liées aux ressources documentaires et à leur traitement, mais à opérer une distinction entre deux logiques : celle de la coopération documentaire (présentée comme indispensable) et celle plus large du partenariat, dont l’utilité ou la nécessité s’apprécie au cas par cas et déborde souvent le périmètre de la seule bibliothèque.

L’analyse traite en premier des fonctions liées au traitement et à la communication des données documentaires : signalement par les catalogues informatiques et communication des données (Philippe Le Pape et Françoise Leresche), catalogues collectifs et fourniture à distance (Yves Desrichard). L’accent se porte ensuite sur les collections, avec des contributions de Caroline Rives, Jean Bernon, Nicolas Morin et, pour le volet préservation, Bernard Huchet et Marie-Lise Tsagouria. L’action culturelle et sociale, projection vers les publics et « exposition » des ressources (B. Huchet), la coopération avec l’école, dont Geneviève Bordet expose les enjeux tant institutionnels que fonctionnels, enfin la coopération documentaire entre bibliothèques des pays développées et des pays en développement (Françoise Danset) complètent cette description fonctionnelle très détaillée des modalités de coopération. Au passage, on rendra grâce aux auteurs, qui avaient à traiter une matière souvent technique et multiforme, pour la clarté de leurs exposés, qui confère à ce guide, au-delà de sa richesse informative, de réelles vertus pédagogiques.

Le salut est dans la coopération

Je mettrai à part, dans cette partie, le chapitre de Béatrice Pedot sur l’interprofession au sein de la chaîne du livre, non qu’il n’y ait pas sa place, mais dans la mesure où c’est le seul qui dessine un modèle coopératif où la bibliothèque n’est qu’un acteur parmi d’autres. Au vrai, rien n’interdit de penser que ce ne soit pas le modèle de l’avenir : non seulement les bibliothèques doivent coopérer entre elles pour survivre, mais elles devront certainement, demain, coopérer sur des modes identiques avec tous les autres acteurs de la production et du traitement de l’information. Cependant, pour paraphraser Anne-Marie Bertrand, le dire, ce n’est pas le faire.

Pour le faire, la volonté des individus ne suffit pas, non plus que la mise au point des outils les mieux adaptés. Il faut aussi construire des réseaux, fonctionnels et institutionnels, consolider les actions en les finançant et en leur donnant le cadre qui leur convient, professionnaliser, stabiliser et pérenniser. À qui s’adresser, avec qui et comment monter un projet, à quel réseau s’adosser, que peut-on apporter et recevoir, comment former à l’esprit coopératif ? À toutes ces questions, la dernière partie de l’ouvrage apporte des réponses plus directement pratiques, sous la forme de fiches présentant les différents acteurs de la coopération : administrations, organismes de formation, associations professionnelles, grands établissements documentaires (BnF, BPI, Inist, Abes), structures régionales pour le livre, structures de coopération internationale, etc., au total 44 fiches regroupées par familles. Sur un tel corpus, cette typologie paraît un peu artificielle et même inutile. Un index alphabétique des titres des fiches pouvait peut-être suffire. Un index général des organismes cités eût été un vrai plus. Au vrai, ce Guide de la coopération est à la fois un ouvrage à lire et un guide à consulter. L’équilibre d’un tel objet n’est jamais tout à fait satisfaisant. Mais l’abondante matière traitée est au moins mise en ordre et structurée, ce qui est déjà beaucoup. Quant à la conviction des auteurs, que nous relevions d’entrée, nul doute qu’ils et elles sauront vous la faire partager à votre tour.