Relier les mondes du manuscrit et de l’imprimé : catalogues de manuscrits et de livres anciens10e séminaire annuel du Cerl
Fabienne Queyroux
Le Cerl, Consortium of European Research Libraries, né en 1992 à l’initiative de grandes bibliothèques de recherche européennes, a pour vocation de faire partager aux bibliothèques des ressources et des connaissances dans le domaine du patrimoine imprimé européen à l’époque de la presse à bras, soit la période 1450-1830 environ 1. En plus d’offrir des ressources bibliographiques en ligne, comme la base HPB (Heritage of the Printed Book), le Thésaurus ou le Portail, le Cerl organise chaque année, en marge de son assemblée générale, un séminaire ouvert à tous, sur des sujets d’intérêt général pour les utilisateurs et les responsables de collections patrimoniales. Le séminaire 2008, organisé le 7 novembre 2008 à la Bibliothèque nationale de France, proposait une matinée consacrée aux catalogues de manuscrits, tandis que l’après-midi était dévolu aux imprimés 2.
Catalogues de manuscrits allemands et français
Les trois communications de la matinée, suivies d’une séance commune de questions-réponses, ont permis de mettre en parallèle de façon éclairante les expériences allemande et française. Claudia Fabian (Bayerische Staatsbibliothek) a retracé l’histoire du catalogage informatisé des manuscrits dans le réseau des bibliothèques publiques allemandes, en insistant sur le catalogue collectif des manuscrits médiévaux, Manuscripta Medievalia 3. En Allemagne, plusieurs bases de données nationales ou locales ont été créées selon le type de documents : manuscrits médiévaux, autographes, archives littéraires… Un gros effort de normalisation des descriptions a été fourni. Manuscripta Medievalia, conçu d’abord pour gérer les reproductions photographiques des manuscrits, est devenu ensuite la traduction informatique d’un catalogage scientifique approfondi, mené systématiquement depuis les années cinquante, de façon normalisée et centralisée, par des spécialistes sous les auspices d’un organisme national (Deutsche Forschungsgemeinschaft).
Mais, par ailleurs, de grandes bibliothèques comme la Bayerische Staatsbibliothek ont souhaité constituer pour l’ensemble de leurs collections de véritables catalogues intégrés, dans le souci de toucher un public plus large que celui des chercheurs. Les notices de manuscrits ont donc été saisies dans leurs SIGB (système intégré de gestion de bibliothèque) sous une forme simplifiée, avec des liens vers des descriptions plus complètes. De vastes programmes de conversion rétrospective et de numérisation des manuscrits eux-mêmes sont en cours. Le résultat est un ensemble très riche mais morcelé, voire redondant, qui doit évoluer vers plus de cohérence technique et intellectuelle.
Par rapport à la situation allemande, l’informatisation a été menée en France de façon plus tardive, mais plus globale et plus concertée, a expliqué Florent Palluault (BnF-CCFr), et s’oriente vers une interface commune de consultation des catalogues de manuscrits dans le CCFr (Catalogue collectif de France). Si l’adoption d’un format unique, l’EAD 4, devait garantir une certaine interopérabilité, la normalisation des descriptions a suivi les actions de rétroconversion, puisqu’un groupe d’experts achève actuellement la mise au point d’une norme de catalogage des manuscrits modernes et contemporains.
Le programme national de rétroconversion du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France a avancé en même temps que la mise en œuvre du catalogage informatisé des archives et des manuscrits à la BnF, et les notices de la base Palme, issue du Répertoire des manuscrits littéraires français du xxe siècle, sont venues rejoindre les catalogues généraux.
Actuellement, trois interfaces différentes, correspondant à autant de réservoirs, permettent d’accéder aux catalogues : le CCFr, pour le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques municipales et les notices Palme de ces dernières 5 ; BnF Archives et manuscrits, pour trois départements de la BnF (Manuscrits, Arts du spectacle et Arsenal) ; enfin Calames 6, pour le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de l’enseignement supérieur et pour leurs notices Palme.
Calames, présenté par Yann Nicolas (Abes) se veut aussi un réseau : pour le catalogage, grâce à une interface ad hoc développée spécifiquement par l’Abes, et pour la recherche, grâce à la mise en place d’outils web 2.0.
À terme, l’interface de consultation du CCFr permettra d’accéder simultanément aux notices des trois composantes. Un groupe de travail national a été constitué pour rédiger un guide de bonnes pratiques de l’EAD en bibliothèque.
Livres anciens : de nouvelles possibilités pour la recherche
L’après-midi, deux exemples des bénéfices que la recherche peut tirer de l’existence des bases bibliographiques de livres anciens ont été exposés.
Zoran Velagic (université d’Osijek) a présenté les résultats d’une étude sur les livres religieux populaires en Croatie au XVIIIe siècle, et sur leurs auteurs, le plus souvent très difficiles à cerner. Otfried Czaika (Bibliothèque royale de -Stockholm) a pour sa part cherché à évaluer l’influence réelle de Melanchthon sur la théologie suédoise aux XVIe et XVIIe siècles. Son étude s’appuie principalement sur un usage judicieux des informations de provenance portées sur les ouvrages présents aujourd’hui dans les collections des bibliothèques suédoises, combiné avec une nécessaire connaissance de l’histoire de ces collections.
En contrepoint à ces expériences d’utilisateurs, Éric Dussert (BnF) a retracé les grandes étapes de la formation et de l’évolution de Gallica, jusqu’à Gallica 2 : considérables élargissements dans la définition des corpus concernés, ajout à présent systématique du mode texte au mode image, fonctionnalités nouvelles.
Cette journée, à laquelle assistaient de nombreux collègues européens, a donné l’occasion d’échanges animés, tant d’ailleurs dans l’auditorium que pendant les pauses. On regrette qu’elle n’ait pas fait l’objet d’une plus large publicité dans notre pays.