5e Journée nationale Rameau

Esther De Climmer

La 5e Journée nationale Rameau a rassemblé le 30 mai 2008 près de 120 participants dans le petit auditorium de la Bibliothèque nationale de France, un taux de participation important pour un sujet pointu ! Une assemblée représentative de la diversité des bibliothèques utilisatrices du langage d’indexation Rameau sur notre territoire comme à l’étranger, avec une prime tout de même aux personnels de la BnF et des bibliothèques universitaires et spécialisées qui représentaient approximativement les deux tiers des inscrits. Les 15 % d’inscrits de la lecture publique témoignent manifestement de la difficulté à mobiliser ses acteurs à participer aux grandes réunions nationales. La brièveté de l’intervention d’Armelle Thévenot, représentante de la lecture publique, viendra plus tard confirmer ce sentiment.

Le Centre national Rameau

En introduction, une présentation du Centre national Rameau est proposée par Michel Mingam, son responsable. L’équipe du Centre consacre près de 60 % de son temps au travail sur un langage riche de 154 000 vedettes, dont la grande majorité est composée de noms communs (95 000) et de noms géographiques (51 000). Les 8 000 noms propres du fichier Rameau n’échapperont pas à une réflexion sur les frontières à établir entre les différentes autorités.

L’équipe s’attelle à des chantiers de corrections par domaines : 2 500 notices ont ainsi été revues en 2007 dans les domaines de l’ethnologie et des langues d’Afrique.

L’équipe prend également en charge les vedettes provenant des différentes sources d’enrichissement. Au premier chef, du FNPR (Fichier national des propositions Rameau) – on ne rappellera jamais assez le caractère collaboratif de Rameau, une « œuvre collective » selon Michel Mingam. Ouvert depuis 2000, il enregistrait en 2007 près de 10 000 propositions des 224 établissements inscrits et participant au réseau national. Soit près de 1 400 propositions par an, traitées dans des délais resserrés  1, ainsi que le confirmera Pierre Pouliquen lors de la présentation des statistiques du FNPR. L’intégration des vedettes issues des départements spécialisés de la BnF et de près de 1 000 vedettes multiples du Sudoc contribue encore à enrichir cette liste.

L’ouvrage ne manque donc pas et les consignes sont précises : cohérence, fiabilité, qualité des données pour garantir leur stabilité, voire leur universalité.

Un mot clé pour une double transition vers l’international et le web…

Rameau, l’international et le web

L’intervention de Maria Nasilowska sur le langage Kaba atteste de la présence de Rameau hors de nos frontières. Kaba est un vocabulaire d’indexation inspiré de Rameau, même s’il a pris son indépendance depuis quelques années, utilisé par le réseau polonais Nukat. Ce réseau, riche de près de 80 bibliothèques en Pologne – bibliothèques universitaires ou spécialisées et quelques grandes bibliothèques publiques – permet cependant la cohabitation, au sein du catalogue collectif, de deux autres langages d’indexation dont celui de la Bibliothèque nationale de Pologne. Les gestionnaires de Kaba travaillent activement à la cohérence des vedettes d’autorité et à la stabilisation de la syntaxe de vedettes matière construites (VMC). Si le travail sur la terminologie est une problématique locale, les liens avec le bureau Rameau restent forts, au niveau méthodologique.

Michel Mingam avait déjà annoncé, lors de son intervention, la prochaine mise en ligne du Guide d’indexation Rameau, à l’automne 2008. Thierry Bouchet revient en détail sur cette information et évoque les développements à venir : la conversion du langage Rameau en Skos  2 pour l’intégration de la liste dans le cadre du web sémantique. Ce projet expérimental met en œuvre un format de représentation standardisé pour différents langages contrôlés et structurés (thésaurus, listes d’autorités, etc.) permettant également d’exprimer des alignements entre différents vocabulaires.

Bilans d’activité

Après cette parenthèse « virtuelle », retour vers les utilisateurs réels. La parole est à la lecture publique, à l’Abes et enfin à la BnF, pour une présentation à trois voix des bilans d’activité de ces réseaux d’utilisateurs.

La lecture publique, représentée par Armelle Thévenot et François Nawrocki, déplore le manque d’information sur les pratiques d’indexation des bibliothèques publiques, le relatif isolement de chacune d’entre elles, faute d’un réseau aussi bien structuré que le Sudoc et leurs pratiques très variées d’une bibliothèque à l’autre. Elle suggère d’intégrer au questionnaire de la Direction du livre et de la lecture pour l’élaboration du rapport annuel quelques questions d’ordre bibliothéconomique, de manière à avoir une meilleure vision des usages de chacun.

Pour le Sudoc, en revanche, Olivier Rousseaux présente un bilan plutôt satisfaisant. Le réseau, composé de 146 établissements regroupant plus de 1 100 bibliothèques, s’appuie sur un catalogue collectif riche de 8 millions de notices bibliographiques et de 1,8 million de notices d’autorité, dont des notices Rameau. Notices fournies par la BnF ou créées en interne et doublées par une demande de création au FNPR, curieusement baptisées « notices détruites » – ah ! le jargon des bibliothécaires… Le suivi de l’intégration des demandes de création auprès du FNPR est rodé, en atteste la formalisation de l’assistance par l’Abes au réseau de catalogage.

Claudine Quivillic présente la coordination Rameau au sein de la BnF, dont les missions, axées sur le contrôle de qualité des notices d’autorité, de l’indexation et plus généralement du catalogue BN-Opale Plus, sont réparties auprès de vingt coordinateurs. Ils assurent le lien avec le CNR et participent aux chantiers de réflexion comme à l’élaboration des outils, à la formation… Leur fonction, transversale entre le CNR et les catalogueurs de la BnF, se révèle d’autant plus importante que l’intégration dans BN-Opale Plus de BN-Opaline et la diversité de ses supports (musique imprimée, estampes, cartes et plans…) imposent une révision générale des accès pour garantir la cohérence de l’ensemble.

Deux temps forts encore au cours de cette journée : le bilan d’activités du FNPR et les résultats de l’enquête sur les produits Rameau. On retiendra du premier que, malgré le volume croissant de propositions, le Centre national Rameau fait face de manière réactive aux demandes émanant essentiellement de la BnF et des bibliothèques universitaires, et ce quel que soit le domaine. Quant à l’enquête sur les utilisateurs des produits Rameau, elle s’appuie malheureusement sur un faible nombre de réponses. Seulement 79 bibliothèques y ont répondu, dont 55 de lecture publique – proportion étonnamment inversée. Dès lors faut-il en tenir compte ou attendre une prochaine édition, dans laquelle les questions « évitées » seront reformulées de manière plus appropriée ?

En guise de conclusion, l’équipe Rameau a offert aux participants un beau débat de spécialistes où il fut indifféremment question du statut des Jésuites par rapport à la Compagnie de Jésus, de la Tapisserie de Fécamp à laquelle on appliquera sans doute la jurisprudence de la Vénus de Milo, des chartes, concordats, édits qui deviendraient des Titres alors qu’on hésite encore sur le statut des déclarations, comme celle de Balfour, par exemple…

Une jolie manière de pénétrer le quotidien du CNR et d’apprécier la précision avec laquelle Rameau se construit jour après jour grâce à des érudits modestes et passionnés.

  1. (retour)↑   Une proposition est traitée en moyenne au bout de dix jours.
  2. (retour)↑   Simple Knowledge Organisation System : ensemble de futures recommandations du W3C pour les systèmes d’organisation des connaissances.