Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis

Florence Bianchi

La 23e édition du Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis 1, coproduction du Centre de promotion du livre de jeunesse et du conseil général, s’est déroulée du 28 novembre au 3 décembre 2007 à Montreuil, avec une programmation centrée sur le Royaume-Uni (son invité), le jeu (son thème) et les littératures adolescentes. De nombreuses rencontres étaient organisées avec les auteurs et illustrateurs invités, notamment dans l’espace VO/VF où la librairie anglaise W.H. Smith proposait une large sélection d’ouvrages en VO.

La présentation, par la ministre de la Culture, Christine Albanel, lors de l’inauguration, de quelques-unes des manifestations consacrées à la littérature jeunesse en 2008 (Lire en fête, exposition à la Bibliothèque nationale de France) et des actions qui seront menées dans le cadre de sa politique en faveur du livre de jeunesse et de la lecture, notamment en direction des plus démunis, a permis à Sylvie Vassalo, directrice du Salon, de glisser qu’il est de plus en plus difficile de trouver des subventions pour les chèques-livres (3 300 distribués cette année, contre 5 884 l’an dernier), dispositif essentiel des valeurs défendues par le Salon, la ville et le département.

Le jeu

Le thème du jeu était largement porté par l’exposition « Play> », qui transformait les 1 500 m2 de la Fabrique, « le cœur du Salon » (S. Vassalo), en salle de jeu géante, constituée des installations d’Olivier Douzou et de huit autres auteurs-illlustrateurs, née d’une volonté de ne pas présenter les expositions dans des cadres, mais de « faire circuler les enfants, leur permettre d’investir les lieux et de jouer avec leur corps ».

Le rôle fondamental du jeu dans la construction des enfants et des adolescents a été souligné à maintes reprises. Or, comme l’a indiqué le psychiatre Patrice Huerre, « le fait de jouer est en fait très rare, de plus en plus rare ». Si « jouer comme manière d’apprendre est tout à fait utile et pertinent », il faut « qu’il reste de la place pour le plaisir partagé et gratuit ». D’autres vont plus loin, rejetant cette dimension du jeu par laquelle « on tente toujours de leur apprendre quelque chose en douce », selon la formule employée par Aline Pailler (France Culture) en introduction de la table ronde « Jouez jeunesse ! ». Nathalie Roucous (Paris-XIII) a en effet rappelé qu’une des caractéristiques du jeu est précisément la frivolité (ou la gratuité) : dès lors qu’un jeu est « mené pour atteindre un apprentissage, on sort de la dimension ludique », alors que notre société – écoles primaires, bien sûr, mais également écoles maternelles, crèches, centres de loisirs, environnement familial – « transforme l’enfant en élève permanent ».

Après la présentation de l’histoire du jouet par Michel Manson (Paris-XIII) et des familles de jeux par Sophie Lamoureux (auteur du Livre des jeux  2), « Génération écran », la table ronde animée par Véronique Soulé (Livres au trésor) a abordé l’utilisation des jeux vidéos dans le travail thérapeutique, notamment celui de Patrice Huerre et de Michaël Stora (« le psy qui console ») et tenté de démonter les stéréotypes : s’il existe bien des jeux construits sur la violence, le sexisme, le racisme, etc., il s’agit essentiellement de certains jeux interactifs conçus pour être « chronophages et addictogènes » (Loïk Tanguy, Ouat Entertainment) et pour générer énormément d’argent, qui « ne sont plus des jeux » (M. Stora) et concernent une faible proportion des joueurs.

Littératures adolescentes

Sur fond de polémique naissante autour de l’article du Monde des livres « Un âge vraiment pas tendre 3 » et de la menace d’interdiction aux moins de 15 ans de deux ouvrages d’Actes Sud Junior, le Juke-Box littéraire de l’espace Ados, installation sonore, visuelle et interactive proposait la découverte de neuf auteurs et de leur univers. L’attractivité du dispositif – appelé à être renouvelé et à constituer une sélection au fil des ans – et celle des auteurs et ouvrages, issus de tous les genres, laissaient espérer une soirée spéciale ados plus stimulante qu’elle ne l’a été : les conseils de lecture des auteurs du Juke-Box (Jack London pour presque tous), les questions (« Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ? ») et les lectures des ados étaient sympathiques – et après tout, c’était leur soirée – mais ont laissé peu de place au débat interprofessionnel, malgré les interventions de Marion Mazauric (Au diable vauvert). Celle-ci était notamment venue soutenir Thomas Gunzig – l’un des auteurs du Juke-Box et le seul publié en collection adulte – et ses 10 000 litres d’horreur pure  4, et organiser des débats abordant de front les littératures et les questions qui dérangent : « Pourquoi les ados aiment le sang et pourquoi ça leur fait du bien ? », et « Succès foudroyant de la fantasy : le retour du conte de fées ». Elle a ainsi évoqué le récurrent « divorce entre institution et parents déphasés et enfants qui aiment naturellement des choses que leurs parents méprisent ou qui les inquiètent », Stephen King, sur lequel « se jetaient les jeunes sous le regard de bibliothécaires effrayés », le lancement de la collection « Chair de poule », l’arrivée des mangas et cette « incompréhension totale de la France qui regarde sa jeunesse comme stupide, ce qui est grave ». Car, si ces littératures connaissent un tel succès, c’est qu’elles sont « adaptées au monde dur dans lequel nous vivons » et proposent « des rites de passage de l’enfance à l’âge adulte beaucoup plus diversifiés que les contes de fées de notre enfance ».