Poussière, moisissures et infestations dans les collections patrimoniales

Réunion satellite Ifla, Durban

Christiane Baryla

Cette réunion était organisée les 15 et 16 août par Johann Maree, chargé de la conservation à l’université du Cap (Afrique du Sud) et directeur régional du programme Préservation et conservation (PAC) de l’Ifla. Articulée autour de trois grandes conférences données par les spécialistes de la question, parfaitement organisée, elle fut remarquablement intéressante. D’emblée, je ne souhaite qu’une chose, voir une rencontre identique se dérouler en Europe. Ces deux journées très denses ont permis de faire le point sur des agressions communes à nos établissements (bibliothèques, archives et musées), quel que soit le pays concerné.

Grâce aux intervenants venus des États-Unis, du Royaume-Uni, de France et d’Afrique, nous avons pu découvrir toute une gamme de scénarios allant de la présentation des problèmes à leurs solutions ainsi que des travaux pratiques pour examiner et identifier les différents types de menaces.

En matière de conservation, la première étape, majeure, consiste à identifier et évaluer les agresseurs. Ce furent là les deux mots-clés du séminaire, martelés et illustrés par des intervenants qui nous ont proposé les outils nécessaires à cette évaluation, ainsi que des solutions pour traiter les « attaquants silencieux » que sont poussière, moisissures et insectes.

Poussière

Depuis 1999, en Angleterre, le National Trust mène une étude scientifique sur les effets de la poussière dans les sites patrimoniaux (demeures historiques et châteaux). Helen Lloyd nous présenta ces travaux qui permettent d’évaluer le degré de propreté d’un site mais aussi de comprendre comment et pourquoi la poussière peut être un problème. Pour reprendre une expression de Jeanne Drewes (Bibliothèque du Congrès) : « to dust or not to dust », voilà la question. À quel moment dépoussiérer, quel est le degré acceptable de poussière, d’où vient-elle, où se dépose-t-elle, comment s’incruste-t-elle, quels en sont les composants ? Voici quelques-unes des questions abordées. De façon tout à fait inhabituelle, nous avons assisté à une analyse scientifique du « ménage » : diagrammes, microscopes et éprouvettes à l’appui. Toutes ces études permettent d’établir un rythme de nettoyage selon les salles et les objets, d’analyser l’environnement et de prendre des décisions quant à la communication des collections 1.

Infestation

David Pinniger 2 est un entomologiste anglais spécialiste de la gestion intégrée des infestations (IMP, Inte-grated Pest Management). Il propose des méthodes non invasives pour prévenir ou du moins minimiser les risques. Contrôler, décourager l’infestation, modifier l’environnement, cibler les traitements : les principes de cette méthode ont été adaptés pour les bibliothèques et les archives. Ce type d’approche beaucoup moins nocif pour les hommes et l’environnement s’avère être au final beaucoup plus économique. David Pinniger insista sur quelques points-clés : l’implication de tout le personnel et à tous les niveaux dans la stratégie IMP (d’où l’importance des sessions de formation qu’il organise régulièrement). Ensuite il faut empêcher l’installation et la reproduction des insectes, bloquer leur accès aux collections et au bâtiment mais également bien savoir identifier toute trace et tout signe de présence, par conséquent connaître le cycle de vie des insectes et savoir les identifier. La mise en quarantaine de certains dons, des astuces architecturales, des prescriptions quant à la végétation qui entoure un bâtiment, toute une série de techniques de prévention nous ont été proposées, allant dans une même direction : les mesures les plus efficaces se prennent en amont et sont prioritaires car les traitements après infestation sont toujours lourds.

Moisissure

Diane Vogt O’Connor, responsable de la conservation à la Bibliothèque du Congrès (États-Unis) présenta la question des moisissures. Tout en réaffirmant l’importance de la prévention et de l’identification des différents types de moisissures, elle insista beaucoup sur la protection des personnels en termes de santé. Elle nous présenta ainsi toutes les précautions qu’il est nécessaire de prendre lorsqu’un établissement se lance dans un traitement de grande ampleur des moisissures : une intervention 3 très « américaine » ! Helen Lloyd, David Pinniger et Diane Vogt O’Connor animèrent chacun à tour de rôle une séance de travaux pratiques.

À la suite des conférences, quelques études de cas nous ont été proposées. Molly Bothole, du Bostwana, présenta une intervention sur les « attaques silencieuses » dans les archives et bibliothèques de son pays. Philippe Vallas, très compétent dans ces domaines, exposa les travaux et recherches du laboratoire de la BnF 4. Peter Coates (Afrique du Sud) présenta le dépôt d’archives de la ville du Cap et les problèmes rencontrés dans le domaine des moisissures.

L’essentiel des interventions et surtout les très complètes bibliographies distribuées aux participants seront prochainement en ligne sur le site de l’Ifla 5.