Des livres électroniques pour les étudiants

Une action de l’Université numérique en Région Bretagne

Laurent Jonchère

Les services communs de documentation de Bretagne ont mené sur deux ans une expérience de mise à disposition d’un fonds partagé de livres électroniques en français pour tous les étudiants bretons. En parallèle à l’acquisition de titres disponibles à la vente, les SCD ont tenté de négocier auprès des éditeurs la fourniture d’une offre de livres électroniques plus élargie. Les résultats obtenus sont prometteurs : alors que les statistiques montrent un usage élevé des titres mis en ligne, le dialogue avec les éditeurs a progressé vers une meilleure prise en compte de leur part des enjeux du numérique et de la nécessité d’y apporter une réponse.

Over the last two years, university libraries in Brittany have been conducting an experiment providing a pooled collection of e-books in French for students throughout the region. As well as purchasing titles on sale, the libraries have also tried to negotiate with publishers directly to broaden the offer of e-book titles. The results are promising. The statistics demonstrate a high use rate of titles available online, while discussions with publishers have led to greater awareness on their behalf of digital issues.

Die Universitätsbibliotheken der Bretagne haben während zwei Jahren ein Experiment mit dem allen bretonischen Studenten Zurverfügungstellen eines Bestands an elektronischen Büchern in französisch durchgeführt. Parallel zur Anschaffung lieferbarer Titel haben die Bibliotheken versucht, bei den Verlagen die Bereitstellung eines erweiterten Angebots an elektronischen Büchern auszuhandeln. Die erzielten Resultate sind vielversprechend: während die Statistiken eine erhöhte Benutzung der online zur Verfügung gestellten Titel aufweisen, hat der Dialog mit den Verlagen Fortschritte hin zu einer besseren Berücksichtung ihrerseits der digitalen Herausforderung und der Notwendigkeit, ihr eine Antwort entgegenzubringen, gemacht.

Los servicios comunes de documentación de Bretaña han llevado en dos años una experiencia de puesta a disposición de un fondo compartido de libros electrónicos en francés para todos los estudiantes bretones. En paralelo a la adquisición de títulos disponibles en venta, los SCD han tratado de negociar ante los editores el suministro de una oferta de libros electrónicos más amplia. Los resultados obtenidos son prometedores: mientras que las estadísticas muestran un uso elevado de los títulos puestos en línea, el diálogo con los editores ha mejorado en el sentido de mejor tomar en cuenta por su parte los retos de lo digital y de la necesidad de dar una respuesta a ello.

De février 2005 à décembre 2006, les services communs de documentation (SCD) de Bretagne ont uni leurs efforts autour d’un projet expérimental de mise en ligne d’ouvrages électroniques en langue française. Cette initiative commune des SCD de Rennes-I, Rennes-II, Bretagne-Sud (Vannes, Lorient), Bretagne occidentale (Brest, Quimper) et de l’institut universitaire de formation des maîtres de Bretagne, s’inscrivait dans le projet global d’Université numérique en Région Bretagne (UNRB) 1 soutenu par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Le principal objectif de l’action « Livres électroniques » de l’UNRB était de permettre aux 72 000 étudiants de la région, où qu’ils soient et quand ils le veulent, d’accéder gratuitement à des ouvrages en ligne en se connectant à leur environnement numérique de travail (ENT). Il s’agissait, dans le même temps, de tester la création d’un modèle innovant de fonds partagé de livres électroniques, en vue d’en étudier les applications possibles à un niveau national.

L’action UNRB se déclinait en trois axes, le premier étant l’acquisition de titres en ligne existant chez les éditeurs et les agrégateurs de contenus. L’originalité du projet se manifestait dans un deuxième axe par la tentative de l’UNRB de remédier aux insuffisances de l’offre commerciale en langue française, en tâchant de convaincre les éditeurs de proposer un choix d’ouvrages plus riche et mieux adapté aux besoins des étudiants. Le troisième axe, dont la réalisation a dû être finalement reportée, envisageait la numérisation d’ouvrages épuisés et anciens, ainsi que d’œuvres aux programmes des concours du Capes et de l’agrégation, à partir des collections des SCD partenaires.

Plusieurs démarches ont contribué en amont à la préparation et à la mise en œuvre du projet : la constitution de fiches d’information détaillant le profil de chaque fournisseur, afin de mieux guider le choix des offres éditoriales ; la rédaction en 2005 d’un rapport d’étude 2 traitant de projets analogues menés antérieurement par des bibliothèques universitaires anglo-américaines, de manière à pouvoir identifier et prévoir les difficultés inhérentes à ce type d’expérimentation ; la diffusion d’une veille trimestrielle sur le livre électronique 3 de 2004 à 2006, consultable sur le site web du SCD de l’université de Rennes-I.

Projet d’UNRB

« Ce projet prévoit de déployer dans les établissements le même environnement numérique de travail, Esup Portail, et se fixe 5 objectifs principaux :

  • 1. développer les services d’enseignement et créer un intranet de formation des établissements partenaires de l’“Université de Bretagne” ;
  • 2. développer en commun un ensemble de services accessibles via l’ENT concernant la vie étudiante et universitaire ;
  • 3. créer un portail d’aiguillage pour l’accès aux ressources éducatives (portail ETUDE) ;
  • 4. constituer un réseau de points ETUDE où les apprenants pourront se connecter gratuitement à leur environnement numérique de travail ;
  • 5. expérimenter des mises en situation diversifiées dans les établissements.

L’enjeu est donc de faciliter l’accès aux services grâce à une authentification unique, de favoriser l’usage des TIC par les apprenants et la formation tout au long de la vie, de participer à la réduction de la fracture numérique en permettant à tous d’accéder à son espace dans des conditions optimales de haut débit. L’équipement récent des universités en bornes d’accès wifi et le plan ministériel “micro portable étudiant” complètent parfaitement ce projet. »

Extrait de la présentation du projet sur le site de l’UNRB, consulté le 16 avril 2007 (http://unrb.univ-bretagne.fr/presentation.htm)

    Constitution d’un fonds partagé régional de livres électroniques

    Le premier axe de l’action UNRB concernait l’acquisition d’ouvrages en ligne disponibles à la vente, soit auprès des éditeurs eux-mêmes, soit par l’intermédiaire de diffuseurs ou d’agrégateurs de contenus. Le consortium universitaire Couperin a été associé de manière étroite à la phase initiale de sélection des offres, puis de négociation des contrats. Adoptant une approche résolument critique, les SCD bretons ne se sont pas contentés d’acquérir des ouvrages aux conditions proposées, mais ont aussi incité les fournisseurs à modifier leurs modèles pour les adapter aux besoins spécifiques des bibliothèques universitaires.

    Cependant, la difficulté majeure restait l’absence ou l’insuffisance d’une offre commerciale pluridisciplinaire en langue française, notamment pour les titres les plus utiles aux étudiants de licence et master, principaux publics visés par l’UNRB. La sélection des offres éditoriales devait répondre à quatre critères essentiels : la possibilité de mutualiser tant les achats que les accès, au sein de l’UNRB ; la fourniture d’un accès distant, permettant aux usagers de consulter les ouvrages à tout moment et de n’importe quel poste informatique, grâce à l’ENT et au réseau régional des « points étude » déployé dans les bibliothèques municipales 4, deux actions phares de l’UNRB ; la mise à disposition d’un accès en ligne, sans contrainte de téléchargement de fichiers ; la préférence donnée à l’acquisition définitive plutôt qu’à l’abonnement, afin d’assurer la pérennité du fonds commun et d’éviter le renouvellement de frais liés au maintien des ressources.

    Le catalogue de l’UNRB s’est progressivement enrichi au cours des deux années du projet. Les bibliothèques ont tout d’abord souscrit un abonnement aux 14 Mémentis de l’éditeur Francis Lefebvre, versions numérisées des Mémentos imprimés, puis elles ont acquis de façon pérenne ou semi-pérenne plus de 350 titres, en français et en anglais, de l’agrégateur américain OCLC-NetLibrary, principalement dans les matières économiques, scientifiques et médicales – une offre de titres français en littérature s’est ajoutée sur le tard. Le choix s’est opéré à partir d’une liste commune, constituée et validée par les SCD en fonction des disciplines couvertes par l’ensemble des quatre universités. Le fonds a été complété en 2006 par l’achat définitif de deux licences Softissimo-Lexibase, correspondant à un dictionnaire de langue anglais-français et à un dictionnaire de gestion anglais-français. Ces dernières ressources constituent les premières briques d’un « cartable électronique », auxquelles viendront bientôt s’ajouter d’autres dictionnaires et encyclopédies de référence.

    Les propositions des agrégateurs Cyberlibris et Numilog, quoique très riches en ouvrages français, n’ont pu être retenues. Le premier présentait des tarifs trop élevés ; le second, un modèle inadéquat, dont les défauts majeurs étaient d’une part l’impossibilité de mettre en partage les livres entre les bibliothèques, d’autre part le système jugé anachronique du « prêt électronique » calqué sur l’emprunt des ouvrages papier, système qui impose une durée d’utilisation à l’usager, quel que soit le temps dont il a besoin pour consulter un titre. Or, les étudiants sont aujourd’hui habitués à l’accès en ligne sans limite de temps pour les revues et les bases de données.

    Les fournisseurs sélectionnés, il restait à négocier avec eux des contrats « sur mesure », adaptés aux attentes spécifiques des bibliothèques universitaires. L’opération fut menée avec la participation active du consortium Couperin. L’éditeur Francis Lefebvre a tout de suite accepté le principe d’une facturation unique, ainsi que l’accès distant et le partage des ressources entre les SCD, sans imposer de supplément par rapport à la proposition déjà négociée dans Couperin. Pour NetLibrary, en revanche, la négociation fut plus longue et plus difficile ; les bibliothèques ont obtenu que soit modifié le contrat-type pour qu’y apparaisse en toutes lettres la désignation des universités réunies sous le sigle UNRB. Cette disposition leur permet d’effectuer des acquisitions au nom de l’UNRB, soit sur le budget commun, soit sur la contribution d’un établissement membre.

    Ainsi, en 2005 et 2006, le SCD de Rennes-I a contribué à enrichir le fonds commun de livres électroniques avec les crédits prévus dans son contrat quadriennal, en négociant l’élargissement à la Bretagne de l’accès à tous les titres achetés pour son public. Enfin, au terme de plusieurs semaines de discussion, l’UNRB a bénéficié d’un tarif global avantageux pour l’acquisition groupée de dictionnaires bilingues chez Softissimo.

    Rencontre avec les éditeurs français

    Le second axe de l’action UNRB visait à obtenir des éditeurs la commercialisation, au format électronique, d’ouvrages en français utiles aux étudiants. À cette fin, les établissements partenaires du projet ont élaboré chacun dans ses disciplines une liste commune de suggestions de titres, disponibles à la vente ou épuisés, pour la soumettre aux éditeurs.

    Les SCD avaient parfaitement conscience des difficultés qu’une telle démarche soulèverait. Au moment du choix des fournisseurs, l’UNRB avait organisé une réunion à laquelle participaient les directeurs de NetLibrary France et de Numilog. Leur témoignage était intéressant car eux-mêmes avaient déjà rencontré des éditeurs en vue d’enrichir leur catalogue et s’étaient en général heurtés à d’assez fortes résistances. La majorité des éditeurs français s’étaient montrés plutôt défiants à l’égard du livre électronique. Une poignée s’était laissée convaincre de vendre des livres électroniques, mais en ne s’engageant que sur quelques titres, de façon plus ou moins expérimentale. C’est donc avertie du caractère délicat de l’entreprise que l’UNRB adressait en 2005 une première lettre aux éditeurs, accompagnée de la liste de suggestions de titres constituée par les SCD qui se positionnaient dans ce courrier en tant que consommateurs demandeurs d’une offre à créer, à destination d’un public d’étudiants en licence et master, sur la base des suggestions concrètes proposées dans la liste jointe.

    Dans les semaines qui ont suivi, l’UNRB a reçu des lettres de quelques éditeurs désirant avoir plus de précisions sur le projet du fonds de livres électroniques, ainsi que deux réponses franchement hostiles. Les responsables de l’action UNRB ont pu rencontrer des éditeurs à trois reprises, avec une première entrevue, fin 2005, au siège des Presses universitaires de Rennes. Le directeur des PUR a opposé une série d’objections : l’étroitesse du marché francophone, la fragilisation du réseau des petites librairies, la mise en péril du chiffre d’affaires que créerait la concurrence entre les formats papier et numérique. Pour les PUR, il n’était donc pas envisageable de diffuser le catalogue en version électronique.

    En janvier 2006, les dirigeants du groupe belge De Boeck avaient rencontré à Paris les responsables de l’action UNRB. L’éditeur avait conclu l’année précédente un accord avec Google pour permettre la recherche en texte intégral et la consultation partielle de l’intégralité de son fonds d’ouvrages sur le site Google Livres. Après avoir évoqué le problème de la rémunération des auteurs dans le contexte du numérique, les interlocuteurs belges n’excluaient pas de s’engager dans l’expérience UNRB aux côtés du Syndicat national de l’édition (SNE), si celui-ci y apportait une réponse favorable. L’UNRB devait rencontrer les éditeurs du SNE quelques jours plus tard, lors d’une réunion présidée par François Gèze, PDG des éditions de La Découverte et président du groupe universitaire au SNE. Les éditeurs ont critiqué le manque de financement pour la numérisation et la mise en ligne des ouvrages, estimées par eux à 1,5 million d’euros. Ils ont évoqué les aspects techniques de conversion de fichiers et de formats de diffusion. Ils ont voulu voir une « absence de politique documentaire » dans le projet UNRB, aussi bien en matière d’acquisitions que de valorisation du fonds auprès des usagers, sans prendre en compte le soin apporté à la sélection des titres, l’utilité avérée des catalogues de bibliothèque et surtout de l’ENT, dont le principe n’a visiblement pas été compris.

    Le SNE attendait de l’UNRB des propositions techniques, financières et juridiques concrètes, autant de problèmes dont la résolution ne relève pas des bibliothèques. Mais ce discours ne fut pas bien entendu.

    Quelques mois après cette rencontre, en mars 2006, au Salon du livre, lors d’un débat sur les bibliothèques numériques, F. Gèze prenait acte du retard pris par l’édition française dans le domaine du numérique, mais dénonçait à ce titre la mauvaise volonté de l’État en matière de financement et d’aide à la numérisation. Il reprochait également aux universités de vouloir obtenir la gratuité de la reproduction électronique des ouvrages encore sous droits.

    À la suite de ces interventions, l’UNRB a adressé une seconde lettre au SNE pour mieux souligner ses intentions et éviter les erreurs manifestes d’interprétation. Après un échange d’explications par messagerie électronique, le SNE a délégué ses deux représentantes à la 3e Journée Couperin sur le livre électronique, organisée à Rennes le 23 octobre 2006.

    Sans nouvelle depuis, on constate cependant, à la lecture de la presse professionnelle, que la réflexion des éditeurs français évolue : ils semblent enfin accepter le passage au numérique comme inévitable. En témoigne, entre autres exemples, l’adhésion fin 2006 du groupe Éditis et de quelques éditeurs au programme de numérisation de la firme Amazon, « Chercher au cœur ! », qui permet la recherche en plein texte et la consultation partielle d’ouvrages en ligne. Flammarion, « l’un des éditeurs français à croire fermement à l’intérêt et à l’avenir du livre électronique », selon un article du Monde 2 5, déclare se préparer aux bouleversements que promet l’arrivée prochaine des technologies basées sur l’encre électronique, même si son exemple reste encore marginal. Des éditeurs auparavant assez hostiles au numérique, comme Michel Prigent, directeur des Presses universitaires de France, l’envisagent désormais de façon sérieuse 6.

    La visibilité sur le réseau mondial devient un enjeu stratégique, comme moyen d’atteindre un public plus large et d’augmenter ainsi le chiffre des ventes, tant du livre papier que du livre électronique. Plus généralement, ce sont les développements technologiques de ces dernières années qui exercent à présent un impact. Les nouvelles générations d’étudiants consommateurs d’internet introduisent de nouvelles façons d’apprendre et de rechercher l’information, auxquelles doit répondre une évolution des pratiques pédagogiques et documentaires. En Bretagne, les 72 000 étudiants de la région disposent à présent d’un ENT sécurisé qui leur permet d’accéder à tout un ensemble de ressources et de services en ligne : messagerie, cours en ligne, inscription, agenda, planning, espace de stockage, baladodiffusion, etc. Ils sont de plus en plus nombreux à se connecter en dehors des campus universitaires, notamment via le réseau de « points étude ». Tout est donc en place pour favoriser un usage accru des livres électroniques.

    Au niveau mondial, l’édition se trouve à la veille de profonds changements avec l’émergence de gigantesques bibliothèques numériques, celles de Google, de Microsoft et, demain, la Bibliothèque numérique européenne (BNUE) ; avec également, dans les années qui viennent, la « révolution » annoncée de l’encre électronique. Aujourd’hui, l’augmentation de 14 millions d’euros du budget du Centre national du livre, prévue en 2007, et l’attribution par le ministère de la Culture et de la Communication d’une subvention de 10 millions d’euros à la future bibliothèque numérique européenne, devraient permettre de lever l’obstacle financier qu’opposait le SNE à la demande de l’UNRB. Un accord vient en effet d’être signé avec le SNE pour la difusion d’ouvrages sous droits sur une plate-forme payante, dont un prototype sera présenté au Salon du livre 2008.

    Visibilité et accessibilité des ouvrages électroniques

    En attendant, il n’en demeure pas moins que l’UNRB a réussi à mettre en place le premier fonds interuniversitaire d’ouvrages électroniques. L’UNRB s’est appliquée à offrir le meilleur accès possible aux étudiants en respectant cinq principes : le refus de limiter la durée de consultation des livres électroniques, impliquant le rejet du système de prêt électronique ; la disponibilité d’un fonds commun, accessible à tous les étudiants de la région Bretagne, sans restriction à un établissement ou à une population particulière ; l’accès distant aux ouvrages de n’importe quel lieu et à n’importe quel moment, grâce au déploiement de l’ENT et des « points étude » ; la garantie à terme pour les éditeurs d’un accès régulé et contrôlé aux ressources, par l’intégration progressive du système de fédération d’identités « Shibboleth » dans les universités françaises 7 ; la pérennité de l’accès, qui a conduit l’UNRB à préférer chaque fois que possible les acquisitions définitives aux abonnements, dans l’incertitude de financements ultérieurs pour le maintien des ressources acquises.

    Tout a été mis en œuvre pour valoriser et augmenter la visibilité du fonds de livres électroniques auprès des usagers. En premier lieu, des liens et des listes de titres sont proposés dans un onglet spécifique de l’ENT, mais également sur le site web des SCD et sur la plate-forme de l’agrégateur NetLibrary, dont la liste alphabétique apparaît cependant difficile à exploiter du fait de l’importance du fonds, riche de plus de 350 ouvrages. Qui plus est, le site de NetLibrary n’offre pas d’outil satisfaisant pour indexer et localiser les titres en français.

    Pour remédier à cet inconvénient, l’UNRB a décidé de recourir au signalement des ouvrages dans les catalogues des bibliothèques, ce qui devait notamment permettre d’effectuer des recherches par disciplines. Des études montrent en effet que le catalogage des livres électroniques a généralement des conséquences positives sur leur usage. Susan Gibbons, de l’université de Rochester 8, a, par exemple, constaté une augmentation de 755 % de l’utilisation des livres électroniques au cours des cinq mois qui ont suivi l’intégration de notices dans le catalogue de la bibliothèque. Toutefois, le signalement des ouvrages de l’UNRB dans le système universitaire de documentation (Sudoc) s’est révélé plus complexe que prévu ; il a fallu renoncer au projet initial de rassembler toutes les notices du fonds sous une désignation unique « UNRB », pour en revenir à une solution plus classique consistant à charger dans le Sudoc les notices Marc délivrées par NetLibrary, puis à les rapatrier dans le catalogue de chaque établissement. L’usager qui repère un ouvrage électronique dans l’Opac peut cliquer sur l’URL de la notice pour accéder directement à son contenu.

    Communication et information

    Pour accroître l’usage des ressources, il ne suffit pas de les rendre plus visibles et mieux accessibles, il faut encore s’assurer que les étudiants sont bien informés de leur existence. À cette fin, l’UNRB a développé plusieurs types d’actions : la diffusion de prospectus dans les bibliothèques, l’envoi de messages sur les listes de diffusion, la création de pages spécifiques sur le site web des SCD, la présentation du livre électronique dans les sessions de formation documentaire délivrées aux usagers.

    Il importait en parallèle de faire connaître l’action UNRB et ses enjeux auprès des professionnels de la documentation. Un descriptif du projet « Livres électroniques » a été diffusé en 2005 sur le site du SCD de Rennes-I, suivi cette année de la diffusion intégrale du rapport d’étude final il y a quelques mois 9. Plusieurs présentations ont été faites de l’action de l’UNRB, une première fois dans un article de la revue Documentaliste–Sciences de l’information 10, puis lors de la 2e Journée Couperin sur le livre électronique à Marseille en 2005 et de la 3e Journée Couperin de Rennes en octobre 2006. Le rapport d’étude final a été remis à Benoît Sillard, sous-directeur des technologies de l’information et de la communication pour l’éducation (SDTICE), puis adressé à différents experts et responsables concernés par le sujet, parmi lesquels le président de la Bibliothèque nationale de France, le président du Centre national du livre, le sous-directeur des bibliothèques, et la présidente de l’Association des directeurs de bibliothèques universitaires.

    Le livre électronique : quels usages ?

    Pour l’usager, l’intérêt du format électronique ne réside pas seulement dans la possibilité de consulter des ouvrages à distance, mais également dans la valeur ajoutée qu’il apporte, comparé au format traditionnel. De ce point de vue, on peut regretter que la plate-forme NetLibrary n’exploite pas davantage les potentialités du numérique, en n’allant pas au-delà des fonctionnalités de base telles que la navigation, la recherche en texte intégral, l’annotation, la modification de la taille du texte.

    Les livres électroniques devraient offrir plus d’interactivité, ainsi que des contenus multimédias. La remarque vaut pour la plupart des éditeurs du marché. En outre, l’intégration de systèmes automatiques de protection des fichiers contre une utilisation abusive limite considérablement certains usages, en imposant notamment l’impression page à page et l’ouverture d’un fichier PDF encapsulé pour chaque nouvelle page.

    L’ergonomie du logiciel de lecture se révèle défaillante à bien des égards : la présentation des données est confuse, toutes les informations ne sont pas traduites, et le moteur de recherche ne donne aucun résultat pour des mots sujets en français. En comparaison, le logiciel de lecture Google Livres apparaît beaucoup plus performant et agréable d’utilisation.

    Conformément aux dispositions du contrat NetLibrary, qui prévoit l’obtention de certains avantages en matière de tarifs et d’accessibilité, applicables seulement au titre de l’UNRB et non pour chaque établissement du groupe, l’agrégateur impose en conséquence une gestion centralisée des statistiques, sans possibilité d’une ventilation des données par établissement. Pour les deux années du projet, seules les statistiques de NetLibrary étaient disponibles. L’éditeur Francis Lefebvre n’en proposait pas encore. Les dictionnaires Lexibase ayant été acquis en fin de projet, il était trop tôt pour en mesurer l’usage. Les relevés statistiques indiquent une utilisation intensive de la ressource NetLibrary. Sur une période de onze mois, de février 2006, date du lancement de la collection, à décembre de la même année, on compte plus de 2 500 connexions, pour un total de 301 titres consultés, sur les 352 que compte la collection.

    Il reste donc une cinquantaine d’ouvrages n’ayant fait l’objet d’aucune connexion. S’agit-il d’un problème de contenu ou de visibilité ? De fait, on observe que les titres les plus consultés figurent généralement en tête de la liste alphabétique proposée sur le site de NetLibrary, laquelle constitue pour les lecteurs le moyen d’accès privilégié aux ouvrages de l’UNRB, en l’absence d’un moteur de recherche par disciplines et, provisoirement, d’un signalement dans les catalogues de bibliothèques.

    L’examen des statistiques de consultation par disciplines révèle sans surprise un usage reflétant l’état des collections de l’UNRB, dans lesquelles les sciences, la médecine, l’économie et la gestion sont les mieux représentées. Il reste que les statistiques fournies par l’agrégateur sont des données quantitatives, pour lesquelles on peut tenter des interprétations, mais qui n’apportent pas d’informations suffisantes sur les usages du livre électronique ; il est donc nécessaire de les compléter par des mesures de nature qualitative.

    L’UNRB envisageait ainsi de mettre en place un dispositif d’observation suivie des usages, méthode jugée plus scientifique que le traditionnel questionnaire aux usagers, utilisé notamment dans l’enquête nationale sur le prêt électronique d’ouvrages en 2006, mais qui amène souvent des réponses trop subjectives liées au contexte de l’évaluation. Les SCD de Bretagne ont rencontré Nicolas Guéguen et Thierry Morineau, responsables d’une unité de recherche à l’université de Bretagne Sud, le Lestic (Laboratoire d’études sur la santé, le travail, l’information et la cognition), et auteurs en 2003 d’une étude sur les aspects ergonomique et fonctionnel d’un outil de lecture Pocket PC 11. Les chercheurs du Lestic ont accepté de collaborer au projet UNRB pour la mise en œuvre du dispositif d’observation, dont le principe consiste à suivre les usagers « à la trace », à partir de l’envoi de stimuli.

    Les SCD devaient préciser le choix des ressources, les publics visés, ainsi qu’une liste d’indicateurs, dont les principaux étaient : la découverte du support, autrement dit la manière dont les lecteurs ont eu connaissance de l’offre ; le type de recherche, à partir d’une référence donnée ou de mots-clés, dans un titre ou dans l’ensemble de la collection ; le type de lecture, selon que l’usager préfère lire sur écran ou imprimer la page pour en lire le contenu ; le mode de consultation, sa durée, le nombre de pages visionnées, le nombre de connexions par usager sur un même titre ; le type d’ouvrage consulté, usuel, manuel, monographie, etc. ; le lien avec le travail universitaire effectué, travaux dirigés, cours, préparation d’examen, rédaction d’un mémoire, etc. ; les avantages et inconvénients constatés du support électronique par rapport au format papier.

    Le temps imparti à l’action UNRB ne permettait raisonnablement pas d’intégrer avant son terme un dispositif dont la durée serait au minimum d’un semestre, et qui devait logiquement prendre place en conclusion de toute la série d’étapes évoquées précédemment : choix des fournisseurs, négociation des contrats, acquisitions, communication auprès des usagers, etc. L’évaluation qualitative des usages a donc été reportée à la rentrée 2008.

    Les SCD ont également prévu de l’inscrire de façon commune dans les projets de contrats quadriennaux 2008-2011 (vague B), mais sous une forme élargie, tant pour le choix des ressources – qui ne se limiterait plus aux livres électroniques mais engloberait d’autres types de ressources, pédagogiques et documentaires, en français et en anglais – que pour les publics observés, étudiants, enseignants, chercheurs. Une proposition de projet pourrait être déposée à cet effet auprès de Marsouin, groupement d’intérêt scientifique qui fédère différentes structures de recherche localisées dans les universités bretonnes, parmi lesquelles on retrouve le Lestic.

    Des résultats encourageants

    Malgré les difficultés attendues, qu’elle a bien su anticiper, l’UNRB a obtenu des résultats encourageants. Les SCD de Bretagne ont offert l’exemple d’une collaboration réussie pour la mise en ligne d’un fonds commun d’ouvrages. À l’issue d’une longue et patiente négociation, ils auront contribué à faire avancer la réflexion des éditeurs sur la nécessité de proposer une offre nationale de livres électroniques en français répondant aux besoins d’un public universitaire. En 2007, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui finance l’UNRB, a décidé la poursuite du projet global, dont l’action « Livres électroniques », et demandé qu’il soit inscrit dans les prochains contrats quadriennaux des universités. Le dialogue instauré avec les éditeurs continue donc, avec la perspective, à plus long terme, de la réalisation de tous les objectifs de l’action UNRB.

    Septembre 2007