Lire et penser ensemble

sur l’avenir de l’édition indépendante et la publicité de la pensée critique

par Thierry Ermakoff

Jérôme Vidal

Paris : Éd. Amsterdam, 2006. – 101 p. ; 18 cm. – (Démocritique).
ISBN 2-915547-24-6 : 7 €

Ce petit ouvrage, publié par le cofondateur des éditions Amsterdam, se veut une réflexion critique sur la situation de l’édition aujourd’hui, non à partir des analyses économiques de la concentration éditoriale (voir à ce sujet le numéro de juin 2003 de la revue Esprit, ainsi que la nouvelle édition du livre de François Rouet : Le livre : mutations d’une industrie culturelle *), mais en prenant comme perspective l’édition indépendante.

Jérôme Vidal avait déjà fourni à la revue Lignes (mai 2006) un texte qui constitue le premier chapitre de cet ouvrage. Le propos est assez neuf pour que nous nous y arrêtions : l’édition indépendante ne doit pas se parer des plumes de l’éditeur résistant autoproclamé, mais se doit de rechercher, dans le monde économique et politique d’aujourd’hui les solutions à cette hypothèse de base : lire et penser ensemble est une activité intellectuelle hautement libératrice.

À partir de ces prémisses, Jérôme Vidal envisage la place du livre dans l’enseignement scolaire, en particulier en sciences humaines et sociales, en histoire, où des textes complets et problématiques pourraient être étudiés en lieu et place de manuels prédigérés.

Il aborde ensuite la traduction, ses nécessités (l’importance de l’apport des contributions étrangères, y compris pour la compréhension de notre propre histoire nationale), ses difficultés techniques et financières, et propose quelques pistes pour y remédier, dont l’élargissement des interventions du Centre national du livre.

Enfin, dans un troisième et dernier chapitre, il évoque la place du numérique dans l’édition, ses richesses et ses immenses possibilités : on le voit, ici, la prise de position de Jérôme Vidal est proche des réseaux collaboratifs, wikis et autres web 2.0 qui posent tant de problèmes de conscience aux bibliothécaires bien absents de ces réflexions (comme les libraires d’ailleurs) : mais depuis le temps que je l’écris, on va finir par se lasser.

Des imprécisions rendent parfois l’ouvrage plus proche du pamphlet ou de la profession de foi (ça doit être de saison au moment où nous écrivons cette critique, avril 2007) : Antoinette Fouque n’est pas la seule femme qui anime une maison d’édition visible : Huguette Bouchardeau, Viviane Hamy, Liana Lévi, Jacqueline Chambon, etc. en seront pour leurs frais. Le Centre national du livre ne reçoit plus de subventions de la Direction du livre et de la lecture. L’attaque en règle contre le projet de numérisation proposé par la Bibliothèque nationale de France et son ancien président Jean-Noël Jeanneney nous semble relever du discours un peu convenu, comme les formules passe-partout (« brouet peu ragoûtant »…) qui de temps à autre émaillent le texte.

Il n’empêche, les questions posées, et surtout les solutions imaginées ont le mérite d’interroger le devenir de la pensée : quels apports extérieurs (traduction), quelle politique de vente en ligne, quel avenir et quel enseignement ? Jérôme Vidal ouvre un débat roboratif. Nous aurions tort de le laisser parler tout seul.

  1. (retour)↑  La Documentation française, 2007.