Santé mentale et bibliothèques

Gérard Brugière

Le programme et le dispositif « Culture à l’hôpital » ont été axés sur une démarche globale de sensibilisation et d’impulsion : ne rien imposer, mais travailler, ensemble, sur la question du sens, de l’implication, de la mise en place et de l’installation d’un projet artistique et culturel au sein d’un établissement hospitalier.

Ces recommandations, rappelées par Xavier Collal, chargé de mission culture à l’hôpital pour le ministère de la Culture, lors d’une rencontre de deux jours intitulée « Santé mentale et bibliothèques * », conduisent l’action commune de l’ARH (agence régionale de l’hospitalisation) de Bretagne, de la Drac (direction régionale des affaires culturelles) et de la Cobb (Coopération des bibliothèques et centres de documentation de Bretagne), à qui a été confiée la mission de développement du livre et de la lecture dans les établissements hospitaliers de la région.

À partir d’un état des lieux, des plans d’action individualisés, des journées d’étude et un bulletin de liaison diffusé sur les réseaux des centres hospitaliers, des bibliothèques territoriales ainsi que sur les sites de l’ARH et de la Cobb, ont été mis en place.

Journée du 9 mars 2006

Les participants à la journée du 9 mars 2006 ont découvert la diversité des structures, qui correspond à la diversité des publics à prendre en compte : hôpitaux de jour, centres d’accueil thérapeutiques à temps partiel, foyers post-cure, foyers d’hébergement, entreprises adaptées pour les enfants et adolescents en dehors des hôpitaux de jour, centre médicaux psycho-pédagogiques, instituts médico-éducatifs, instituts médico-professionnels… Pour s’y retrouver, dans chaque département, est mis en place un lieu ressource : la Maison du handicap.

Les interventions ont fait ressortir la nécessité, pour chacun (structure de soin et bibliothèque), d’énoncer clairement et précisément ses missions et son projet : connaître les moyens dont on dispose de part et d’autre pour réfléchir à la place que l’on pourra occuper dans le projet commun.

Le questionnement initial des bibliothécaires, exprimé lors d’ateliers organisés en matinée, concernait majoritairement les troubles du comportement plutôt que les troubles mentaux : face à une personne inquiétante, potentiellement dangereuse, comment réagir ?

Que peut apporter la lecture aux personnes souffrant de troubles mentaux ? Chez ces personnes, comme chez les autres, il y a des lecteurs et des non-lecteurs mais la fréquentation de la bibliothèque favorise la socialisation et l’autonomie. Pour que l’accueil des publics spécifiques soit compris par les autres usagers comme une des missions de la bibliothèque, il ne faut pas hésiter à communiquer sur cette relation (livret d’accueil, bulletin municipal).

Le bibliothécaire n’a pas à se former à la maladie mentale (c’est le rôle des soignants) mais à l’accueil de l’humain dans sa diversité. La demande peut n’être que symptomatique, la lecture touche à la fois à l’intime et au social. Le bibliothécaire ne peut cependant répondre de manière sérieuse qu’en tant que bibliothécaire. Les formations existent et sont nécessaires. Plutôt que d’évacuer un problème il vaut mieux créer un échange ou faire appel à des compétences extérieures (centre d’accueil ou équipe psychiatrique déambulatoire), ne pas rester seul ni culpabiliser.

Journée du 16 novembre 2006

En proposant une réflexion sur les enjeux de la lecture, en présentant des témoignages et des exemples de partenariats dont certains initiés dans d’autres régions, en suscitant l’échange interprofessionnel au cours des temps d’ateliers, le deuxième volet de ce diptyque, le 16 novembre 2006, avait pour objectif de permettre aux professionnels des bibliothèques et des structures d’accueil et de soin de mieux se connaître, et d’élargir les occasions de travailler ensemble pour créer les conditions d’une rencontre entre le livre et les personnes souffrant de troubles mentaux.

Jean-Marie Besse, chercheur-enseignant à l’université de Lyon où il dirige l’unité de recherche en Psychologie cognitive de l’éducation et de la formation, dans le cadre du Laboratoire de psychologie de la santé et du développement, travaille en particulier sur l’apprentissage de la lecture-écriture et sur le rapport à l’écrit : l’aspect cognitif en premier lieu, mais aussi les dimensions psychiques, culturelles et sociales. Dans son intervention, il a montré que le rapport à l’écrit d’un individu ne peut se résoudre à une difficulté technique, qui serait compensée par un apprentissage. Il est essentiel de déconstruire aussi nos représentations de la lecture-écriture si nous voulons pouvoir l’aider.

Différentes expériences de partenariat ont ainsi été présentées :

  • rencontre entre un écrivain et des patients du centre hospitalier Guillaume-Régnier de Rennes (psychiatrie) ;
  • accueil de patients à la bibliothèque de quartier à Saint-Rémi de Reims ;
  • accueil d’enfants à la bibliothèque Teisseire-Malherbe de Grenoble ;
  • accompagnement de groupes d’adultes à la bibliothèque de Ploufragan (Côtes d’Armor) par l’aide médico-psychologique du Satra (Service d’accompagnement au travail adapté).

Objectifs des différents partenaires

Claudie Guérin coordonne les médiathèques et les centres de documentation de l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris. Elle est membre du comité permanent des publics empêchés au sein de l’Ifla et responsable de la section hôpitaux de l’Association des bibliothécaires de France. Sa synthèse a mis en avant les objectifs des différents partenaires concernés par ces deux journées, les écueils à éviter, et les moyens à mettre en œuvre pour réussir :

  • du côté de l’établissement de soins : améliorer la prise en charge globale du patient, mieux accueillir pour mieux soigner, prendre en compte le statut de personne à part entière, etc. ;
  • du côté de l’institution culturelle (bibliothèques territoriales) : répondre aux missions ordinaires de ce service public, diversifier ses publics, s’ouvrir hors les murs, créer des synergies, remettre en question ses pratiques professionnelles ;
  • du côté des intervenants culturels (auteurs, acteurs, musiciens…) : rencontrer des publics différents, enrichir leur processus de création.

Ces deux journées ont montré la multiplicité des fonctions de la lecture, le rôle social de la bibliothèque mais aussi l’intérêt de bien définir les partenariats en prenant en compte les souhaits et les contraintes de chacun pour parvenir à une contractualisation qui seule permet d’obtenir les moyens de mettre en œuvre les actions et de les pérenniser.