Les professions du livre

édition – librairie – bibliothèque

par Jean-Claude Utard
sous la direction de Michel Bruillon et de Sylvie Ducas.
2e éd. revue et augmentée. – Paris : Éditions Ellipses, 2006 – 192 p. ; 24 cm. – (Infocom).
ISBN 2-7298-2809-5 : 14,5 €

L’édition, la librairie et les bibliothèques connaissent de profondes évolutions, tant dans les métiers que ces domaines recouvrent que dans la formation à ces derniers. Cet ouvrage collectif, élaboré par l’équipe des enseignants du pôle Métiers du livre de Saint-Cloud (université de Paris X – Nanterre), universitaires et professionnels, est censé expliquer aux lycéens et aux étudiants la réalité actuelle de ces professions. Il remplace une précédente édition, datée de 1999.

Quatre parties structurent l’ouvrage. Une première est consacrée aux fondamentaux avec une brève présentation des professions et fonctions de chacune de ces trois filières. La seconde porte plus sur les mutations et les tensions qui affectent le monde du livre dans les trois domaines. Un élargissement est apporté à ces états des lieux avec une troisième partie qui aborde le sujet même de ces formations en devenir, tandis que la quatrième et dernière veut apporter des perspectives européennes et donne, entre autres, des informations sur les formations et programmes d’échange européens accessibles aux étudiants français.

Ces distinctions sont assez floues. En effet, si chacun des articles, pris isolément, s’avère documenté et intéressant, il manque tout de même une coordination plus ferme et une ligne directrice générale. Les articles se recoupent et de nombreuses redites auraient pu être évitées au profit d’éléments qui, en revanche, manquent à la réflexion. Par exemple, dans les mutations qui touchent les métiers des bibliothèques, sont évoqués les aspects des procédures d’achat et de marchés publics et la dimension de médiateur culturel, mais les questions sur les bibliothèques numériques ou hybrides, l’insertion des établissements dans les politiques locales, l’action culturelle sont oubliées… De même, la librairie est trop rapidement traitée avec deux brefs articles. L’un présente les réseaux de librairies et leurs parts de marché ; le second fait l’histoire des formations pour les libraires et s’interroge sur une nouvelle approche de la profession.

Les limites de cet ouvrage étant posées, il n’empêche que les articles sont de qualité. La question de la fonction éditoriale, en particulier, est bien traitée. Benoît Berthou décrit fort bien la vocation de l’éditeur, au sens intellectuel du terme, lorsque celui-ci a véritablement un projet et devient en quelque sorte « l’auteur de ses auteurs ». Évidemment, cette fonction s’oppose à la conception d’une édition sans éditeurs, simple fabrique de « faux livres ». Marc Kopylov revient sur cette question avec un texte intitulé justement « L’édition… avec ou sans auteurs ? » où il expose les mouvements de concentration éditoriale et les limites qu’ils apportent à l’édition de certains types de livres. François  Trémolières enfin, aborde ces mutations sous l’angle de la diffusion et de la distribution qui imposent des logiques industrielles et, avec la concentration parallèle des groupements de libraires et enseignes culturelles, semblent avoir pour les éditeurs et en particulier les petits éditeurs « la même conséquence : techniciser la vente, renforcer l’approche quantitative ». L’article de Christophe Pavlidès, directeur de Médiadix, sur les formations de bibliothécaire offre également une rapide synthèse sur ce sujet.

Comme on le devine, ces articles ne font pas que présenter un état de fait : discrètement mais sûrement, ils sont une défense et illustration d’une édition de qualité où les sphères du commercial et du technique n’ont pas pris le pouvoir absolu sur celle de l’éditorial… Ils recouvrent les inquiétudes d’André Schiffrin et les interrogations actuelles sur la nécessité de sauvegarder une « bibliodiversité ».

Cette dimension critique doit être au cœur de la formation aux métiers du livre. Cela n’empêche pas les étudiants de trouver un emploi. L’enquête de Bernard Valentini sur la morphologie sociale et l’insertion professionnelle des étudiants aux métiers du livre permet d’avoir un aperçu exemplaire de ces sujets.  Après avoir pointé la féminisation mais aussi l’extension en termes de recrutement social de ces professions, l’auteur apporte des chiffres positifs sur les débouchés des étudiants de Saint-Cloud. Les différentes enquêtes menées depuis 1992 révèlent que seulement 8 % des étudiants étaient demandeurs d’emplois, cinq mois après l’obtention du DUT. Le premier secteur d’emploi est celui des bibliothèques, le second la librairie. Un frémissement s’opère du côté de l’édition. Évidemment, de nombreuses difficultés demeurent : le taux de rémunération est très bas dans la librairie, les étudiants ayant un bagage universitaire en sus du DUT (les années spéciales) réussissent mieux (ils sont mieux armés en particulier pour passer les concours des métiers de bibliothécaire), la majorité des premiers emplois sont des contrats à durée déterminée. Deux phénomènes, enfin, menacent cette insertion : une offre de stage abusive dans le domaine de l’édition et… l’« augmentation régulière des effectifs ou la création d’autres départements de ce type [qui] risque de menacer la situation relativement privilégiée de nos étudiants sur le marché du travail ».

Une bibliographie sur les métiers et problématiques des trois filières du livre et la liste des coordonnées de l’ensemble des formations existant en France terminent cet ouvrage, indispensable à tout centre de ressources et d’orientation professionnelles.