Exploitation et usages de l'information par les étudiants avancés

Rencontres Formist

Annaïg Mahé

Les 6es rencontres Formist 1 (Réseau francophone pour la formation à l’usage de l’information dans l’enseignement supérieur) se sont déroulées le 15 juin 2006 dans le nouvel amphithéâtre de l’Enssib (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) et ont permis à une centaine de participants de faire le point sur le sujet à la fois essentiel et sensible de l’exploitation et des usages de l’information par les étudiants avancés, ainsi que de découvrir, dans le cadre d’ateliers, quelques nouveaux outils d’exploitation de l’information.

Étudiants avancés et information

Anne-Marie Bertrand, directrice de l’Enssib, ouvre la journée en rappelant que Formist est un pôle d’expertise de l’Enssib et que les thèmes de l’accès à l’information et des usages de la documentation sont des sujets constants de l’école. Frédéric Saby, directeur du SICD (Service interétablissements de coopération documentaire) des universités de Grenoble II et III et président du Comité éditorial et scientifique (CES) de Formist insiste sur l’importance du sujet de cette année. Selon lui, on assiste, en effet, à une forme de rupture dans l’accès à la documentation : si les étudiants du niveau licence bénéficient de programmes de formation maintenant bien rôdés, la question est plus difficile à aborder dès le niveau Master lorsqu’il s’agit de la documentation de recherche.

Deux témoignages d’étudiants donnent un aperçu de leurs pratiques et besoins : une étudiante en DEA rapporte que le premier outil utilisé, Google, a rapidement montré ses limites et qu’elle a ressenti un besoin de formation dans le domaine de la recherche documentaire, ce qui lui a permis de découvrir des outils plus efficaces. Un jeune chercheur, en 3e année de thèse, indique qu’il a fonctionné de manière intuitive jusqu’à sa première expérience de formation dans le cadre d’un stage CIES (Centre d’initiation à l’enseignement supérieur), uniquement destiné aux moniteurs. En réponse aux questions de la salle, les étudiants font part du rôle minime des enseignants, indiquent que l’information venant des documentalistes est souvent noyée dans la messagerie et se demandent pourquoi ce genre de formation n’est pas obligatoire. Une meilleure communication entre les écoles doctorales, les laboratoires et les étudiants serait souhaitable dans ce cadre.

Fabrice Papy, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris VIII, pose la question de la définition de « l’étudiant avancé » et souligne que le parcours initial ne prépare pas toujours à construire la capacité à utiliser une pléthore d’artefacts informationnels. Il constate à la fois un défaut dans le « désir de savoir » des étudiants et une compréhension générique des systèmes complexes dans lesquels ils évoluent, mais aussi un manque de visibilité de l’offre documentaire et des outils, dont l’insuffisance de développement, notamment dans les critères d’ergonomie, ne permet pas leur plein usage. L’expérience en cours à Paris VIII et à l’université d’Artois sur le dispositif « Visual… Catalog 2 », visant à une meilleure approche et appréhension des offres documentaires, tente justement de combler ces lacunes et de rendre visible la complexité de la bibliothèque.

Nouveaux outils , nouveaux usages

Élisabeth Noël introduit alors les outils qui sont ensuite présentés dans des ateliers de démonstration, permettant aux participants de découvrir, au choix, fils RSS, agrégateurs et blogs ; liens partagés et wikis ; outils de gestion des références bibliographiques ; outils anti-plagiat ; cartes heuristiques.

La journée s’achève sur une table ronde animée par David Aymonin, directeur de la bibliothèque de l’École polytechnique de Lausanne et membre du CES de Formist. Autour de lui se réunissent Marinette Gilardi-Monnier, de la bibliothèque Uni Mail de Genève, Xavier Galaup 3, conservateur-stagiaire à l’Enssib, Fabrice Papy et Alexandre Serres, de l’Urfist (unité régionale de formation à l’information scientifique et technique) de Rennes et également membre du CES de Formist.

Face à des outils tels que Google, comment peut-on envisager le renouveau de la formation documentaire ? Un des relais essentiels porte sur le développement de partenariats avec les corps enseignant et académique. Dans ce cadre, il est difficile de ne compter que sur la demande spontanée, car comment demander une formation à quelque chose dont on ignore l’existence, fait remarquer à juste titre Marinette Gilardi-Monnier. Les enseignants, néanmoins, semblent être de plus en plus demandeurs, notamment suite au constat de la baisse de qualité de la documentation des travaux des étudiants et à l’augmentation du phénomène de plagiat (le « copier-coller »), mais aussi grâce à la plus grande visibilité de l’offre documentaire et de l’offre de formation. C’est dans ce contexte que s’implante la formation à la recherche documentaire basée sur le didacticiel Calis 4, qui va devenir obligatoire, et qui se base sur un partenariat efficace avec les enseignants.

Xavier Galaud souligne de son côté que si les nouveaux outils sont simples, leur intégration dans les pratiques n’est pas évidente et ne peut se faire que par la pratique. Ayant effectué un travail personnel sur le sujet, il déplore le déficit de formation et la méconnaissance, voire la crainte, dont font preuve ses collègues. Alexandre Serres propose alors d’aborder la formation aux outils selon la formule des « 3 R » : Réalisation (former aux outils), Réflexion (former sans les outils), Résistance (former contre les outils). En effet, au-delà de simples formations procédurales permettant une utilisation experte des outils, il est tout aussi primordial d’en montrer les limites et de définir les notions et les enjeux sociopolitiques et économiques de leur contexte de développement. C’est le moyen le plus sûr pour en maîtriser l’usage.

D’un côté, les nouveaux outils réactualisent les anciennes notions, et de l’autre il est nécessaire de prendre en compte ce qui change. Selon David Aymonin, le web 2.0 est basé sur la socialisation, la construction de l’expertise et le développement de l’individu. Le blog permet ainsi au jeune chercheur de concevoir son métier comme un métier d’interaction avec les autres, de discussion avec la communauté. Par ailleurs, les étudiants ne deviennent pas tous chercheurs, et la documentation a aussi sa place dans le monde professionnel, où les étudiants se trouvent confrontés à la pratique de l’expertise. Car si le problème de l’accès est en partie résolu, l’enjeu majeur est celui de l’exploitation et de l’appropriation de l’information, celui du passage entre l’information et la création de connaissance. À cela, les outils ne répondent pas et face à la dérive techniciste des étudiants, il devient nécessaire d’établir un programme de formation permettant la prise de distance critique et le développement de l’étudiant en tant qu’individu.

Vaste programme à partir duquel se sont déroulés les ateliers de la seconde journée, se proposant de définir une grille de notions pouvant servir de base pour des formations, et susciter un dialogue entre bibliothécaire et enseignants autour des besoins informationnels de l’étudiant. Comme le souligne Marinette Gilardi-Monnier, les bibliothécaires n’ont plus qu’à prendre leur bâton de pèlerin !