La sauvegarde des archives sonores ethnographiques

Du catalogage à la numérisation

Véronique Ginouvès

Du 24 au 27 août 2005, s’est tenu en Bolivie un séminaire international, « La salvaguardia de los archivos sonoros etnográficos : de la catalogación a la digitalización » (la sauvegarde des archives sonores ethnographiques : du catalogage à la numérisation). Il était accueilli par le Musée national d’ethnographie et de folklore (Musef), au cœur de La Paz, et organisé à l’initiative de l’Institut français d’études andines (Ifea) avec le soutien du ministère français des Affaires étrangères.

Ce séminaire trouve son origine en 2001, lorsque l’Ifea initie un projet de catalogue documentaire multimédia sur les traditions orales et musicales des pays andins, non seulement dans l’objectif de sauvegarder les enregistrements audiovisuels produits par les chercheurs mais aussi de les mettre en valeur. Dans le cadre de ce projet et en collaboration avec l’Icanh (Instituto Colombiano de Antropologia e Historia), l’Ifea organisa avec différents pays andins un séminaire en décembre 2003, « Inventaire et mise en valeur de documents sonores et audiovisuels ethnographiques inédits enregistrés dans les pays andins 1 » à Bogota. Au cours de ce séminaire, les participants constatèrent la fragilité des centres représentés et le manque de coordination institutionnelle sur les sujets abordés. Face à ces manques, le groupe a décidé de créer un Comité operativo de censo y valoración de documentos sonoros y audiovisuales etnográficos de los países andinos, dont les objectifs étaient de permettre les échanges réguliers entre les membres, de partager les savoir-faire, de favoriser l’intégration de nouvelles institutions et d’organiser des actions de formation et de réflexion sur le domaine. Ce sont ces objectifs qui ont fondé le programme du séminaire de La Paz.

État des lieux des collections sonores

La première journée a permis à tous les centres de mieux se connaître et de faire un état des lieux des collections sonores à caractère anthropologique ou historique sur l’aire culturelle andine. Des expériences originales ont été présentées : le système de classement aux couleurs des Aymaras des 8 000 phonogrammes de la radio bolivienne San Gabriel ; les travaux du Taller de Historia Oral Andina  2, riche de plus de 10 000 d’enregistrements sonores et audiovisuels en aymara et en quechua ; la Fondation Simon Patiño et son centre documentaire, le Cedoal (Centro de Documentación en Artes y Literaturas Latinoamericanas ) ; les archives historiques du Congrès national bolivien.

Erika Hossman, de la Bibliothèque nationale de Bolivie 3, a dressé avec beaucoup de lucidité un tableau du dépôt légal en Bolivie qui a bien du mal à s’installer depuis le premier décret de 1949. Les lois se sont succédé, le dernier décret date du 11 juillet 1979, mais les éditeurs ne voient pas l’intérêt de déposer leurs ouvrages, et encore moins leurs documents sonores, à la Bibliothèque nationale bolivienne…

Une rapide présentation de l’état des collections sonores dans les différents pays andins représentés (Équateur, Pérou, Bolivie, Colombie) et des collections du domaine andin en France a confirmé l’intérêt de l’établissement d’un catalogue des collections andines dans le monde. La journée s’est clôturée par un bilan sur les questions des droits d’auteur dans le domaine du son inédit par Jaime Quevedo, du Centro de Documentación Musical 4 de Bogota.

La chaîne documentaire du document sonore

La deuxième journée était consacrée plus précisément à la chaîne documentaire du document sonore. La norme ISAD-G était à l’honneur, même si, concrètement, aucune institution ne l’utilise encore. L’Ifea a fait connaître en 2001 au comité le Guide d’analyse documentaire du son inédit pour la mise en place de banques de données publié conjointement par l’Afas (Association française des détenteurs de documents audiovisuels et sonores) et la FAMDT (Fédération des associations de musiques et danses traditionnelles). Ce document a suscité un large intérêt auprès des participants car il est proche du mode de fonctionnement et des pratiques des centres qui cataloguent leurs fonds sonores, et il est facile à mettre en œuvre pour ceux qui entament le traitement de leurs collections. Le groupe a également fait le point sur les outils collectifs susceptibles d’être utilisés au moment du catalogage des documents de terrain. Deux listes ont été adoptées : la liste des 6 912 langues proposées par Ethnologue.com ; la classification des instruments de musique du monde 5 qui permet à tous de classer les instruments dans des familles organologiques.

Des interventions plus techniques 6 sur le signal sonore et sa numérisation ont également permis aux différents responsables de centres de décider de procédures de conservation, de consultation et de diffusion de leurs archives.

Afin de comparer les différents logiciels documentaires, trois banques de données ont été présentées : celle du Centro de Documentación Musical de Bogota sur Isis, celle de la phonothèque de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme 7 sur Alexandrie et celle du Musef sur le logiciel Filemaker. Cela a donné également l’occasion aux archivistes du Musef de faire état du travail entamé pour conserver et mettre à disposition du public les quelque 10 000 phonogrammes qui dorment dans ses magasins.

Les discussions de bilan ont montré la nécessité de continuer le travail accompli, toujours dans cette dynamique de l’échange d’expériences concrètes et de pratiques. C’est d’ailleurs dans ce sens que le séminaire avait été préparé par les organisateurs, dispersés dans le monde, qui ont réalisé un wiki 8 sur le serveur de l’Ifea avec des fiches techniques en français et en espagnol sur le traitement documentaire du son. Le projet, en 2006, serait de poursuivre la formation engagée sur le son et son traitement et de traduire, ou plutôt de s’approprier, le Guide d’analyse documentaire. Deux réunions sont d’ores et déjà prévues au Pérou et en Équateur.