La bibliothèque, point d'accès

Médias, information, culture

Florence Poncé

Le 69e congrès de l’IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions) a réuni environ 3 000 participants venus de 128 pays du 1er au 9 août à Berlin sur le thème « La bibliothèque, point d’accès : médias, information, culture ». Avec près de 500 exposés présentés, 150 exposants présents du 3 au 6 août pour l’exposition professionnelle associée à la conférence, 76 panneaux d’information, des visites de bibliothèques, des rencontres festives, de multiples contacts informels et, bien sûr, les réunions nécessaires à la vie de la Fédération internationale, la conférence se confirme comme un rendez-vous annuel important pour la profession.

Bien des critiques pourraient être exprimées sur le fonctionnement d’un pareil organisme géant – et elles s’expriment d’ailleurs au sein de l’organisation –, mais il faut peut-être s’émerveiller, ou du moins s’étonner, que les bibliothécaires du monde entier puissent ainsi se rassembler et échanger, malgré les disparités immenses de leurs modes de fonctionnement et de leurs moyens, et même se retrouver autour d’interrogations communes.

Deux thèmes choisis de façon très subjective seront développés ici, beaucoup d’autres informations et l’intégralité des communications étant disponibles sur le site de l’IFLA 1. La notion de bibliothèque hybride, utilisée dans plusieurs présentations, n’est pas reprise ici, mais semble être l’expression la plus utilisée pour définir le futur 2.

La bibliothèque comme lieu de sociabilité

Quel que soit le niveau de développement du pays et des réseaux de lecture publique, la recherche de nouveaux lecteurs, notamment par la programmation d’événements, paraît un élément essentiel de la vie des lieux, et représente un domaine d’inventivité infini.

La bibliothèque de Shanghai dispose ainsi de plusieurs salles ou auditoriums de tailles différentes et a développé une programmation de plus en plus riche. La présentation de Wu Jianzhong, Chen Lingkang et Zhao Jingguo démontre le succès des conférences qui y sont organisées, et qui font appel aussi bien à des écrivains, des acteurs, des juges qu’à des médecins… La communication précise également l’organisation, la publicité, les procédés de mise en valeur de ces rendez-vous, comme la réalisation de vidéos qui peuvent être consultées ensuite 3.

Dans un autre registre, les bibliothécaires de Barcelone ont présenté un programme de clubs de lecture, destinés à attirer de nouveaux usagers. Cette action a d’ailleurs remporté le prix de Marketing IFLA 3M 2003 4.

Dans d’autres pays, où les infrastructures manquent, ce travail de conquête de publics se réalise avec d’autres moyens, même dans des lieux difficilement accessibles : la projection de photographies rassemblées par Lioba Betten au cours du programme Books for all éclaire ces efforts obscurs où des trésors d’inventivité se déploient, tant dans les moyens de transport que dans l’adaptation du mobilier et dans l’organisation de rencontres.

L’automatisation des transactions de prêt, retour (et tri)

C’est dans ce domaine que l’évolution technologique est la plus rapide, et le nombre des fournisseurs dans l’exposition professionnelle révèle l’importance de ces marchés et leur avenir.

Certains fournisseurs (voir encadré

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Automates de prêt/retour (Self check)

) proposent des boîtes de retour « intelligentes », c’est-à-dire qui enregistrent le retour du document dans le système d’information documentaire et peuvent même, associées à un robot, faire un premier tri des documents restitués, préparant leur rangement en rayon. Elles proposent également des automates de prêt qui deviennent quant à eux de plus en plus semblables à n’importe quel ordinateur de bureau. Dans les deux cas, l’automate peut délivrer un ticket, semblable à celui qu’éditent les guichets automatiques de banque, où figurent le nom du lecteur, le type de transaction, les titres des documents.

Si ces procédures automatisées ont pu se développer avec les codes barres, elles trouvent un nouvel élan avec la RFID (Radio Frequency Identification) qui représente l’avantage d’une lecture de l’information sans contact, pas même celui du faisceau d’un lecteur de code, et permet l’orientation du document dans n’importe quel sens et des lectures simultanées multiples 5, par exemple pour un récolement.

Les mises en œuvre développées à Singapour ressemblent quelque peu à de la science-fiction, avec par exemple l’ouverture en décembre 2002 d’une bibliothèque entièrement « Faites-le vous-même », où l’usager fait toutes les opérations d’inscription et de prêt lui-même et s’adresse à un cyberthécaire via une connexion vidéo pour les renseignements. Ou encore le récolement de collections de 200 000 documents, réalisé en quelques heures, pendant la nuit 6.

L’utilisation raisonnée de ces techniques peut permettre à la fois d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers, notamment en termes d’amplitude horaire – le « sept jours sur sept » et le « vingt-quatre heures sur vingt-quatre » étant visés dans certains pays –, et de faire évoluer le travail du personnel vers des tâches plus valorisantes. L’automatisation des transactions et leur prise en charge par les usagers seront peut-être le changement majeur des prochaines années, un tournant comparable à celui de l’informatisation des catalogues et des transactions dans les dernières décennies du XXe siècle.

La participation française

Les participants français à la conférence étaient environ une centaine, comme chaque année. Leur présence à l’exposition professionnelle était particulièrement forte, avec un grand stand regroupant l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES), l’Enssib et l’Institut de l’information scientifique et technique (Inist), très bien situé et, pour la première fois, un stand des bibliothèques publiques, organisé par la Bibliothèque publique d’information avec le soutien de la Direction du livre et de la lecture, à proximité du stand de la Bibliothèque nationale de France.

Par son action, le comité français IFLA a assuré, comme chaque année, la présence de bibliothécaires de pays du Sud, ainsi que de bibliothécaires français. Il a coordonné la traduction en français d’un certain nombre de présentations (disponibles sur le site de l’IFLA), dont le journal IFLA Express 7. Un pré-séminaire de la section Construction et équipement des bibliothèques, organisé à Paris et en Champagne en coopération avec le Goethe Institut et la section des bibliothèques publiques 8, a permis en outre de faire connaître certaines réalisations récentes (bibliothèques municipales à vocation régionale de Reims, Troyes et Châlons-en-Champagne notamment).

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Stand des bibliothèques publiques françaises organisé par la Bpi. © DR