Politique et musées
Cet ouvrage collectif, coordonné par Jean-Michel Tobelem, constitue le second numéro de la collection « Patrimoines et sociétés » animée par Catherine Ballé, Élizabeth Caillet, Françoise Dubost et Dominique Poulot. L’objectif affiché par cette collection est d’explorer les processus de patrimonialisation dans les sociétés contemporaines.
La perspective de ce volume, qui réunit treize jeunes chercheurs, est résolument pluridisciplinaire (science politique, histoire de l’art, sociologie, droit, gestion et communication). Une introduction collective en restitue les principaux enjeux. Le musée est ici défini comme une « institution politique », porteuse de valeur et contribuant à fixer des représentations collectives. Le titre « Politique et musées » est, somme toute, large. Il permet de réunir des contributions diverses sous trois registres : espace public et musées, mutations idéologiques et musées, politiques publiques et musées.
La première partie, placée sous l’ombre tutélaire de Jürgen Habermas, offre une utile comparaison internationale. Martine Regourd envisage, à partir du cas français, le musée comme un espace de communication, symbolique des mutations politiques. La partie historique de l’exposé n’emporte pas toujours l’adhésion. Le long XIXe siècle nous semble moins marqué par la construction d’un réseau départemental que par l’affirmation progressive des musées municipaux, alors même que l’État se désengage. De même, la modernisation récente des musées des grandes métropoles relève surtout de l’affirmation des politiques culturelles urbaines. Les régions sont certes sollicitées dans le cadre des financements croisés, mais ne sont que rarement les collectivités initiatrices. Les contributions consacrées à l’Italie (David Alcaud), à l’Allemagne à travers le cas de Berlin (Véronique Charléty) et à la Grèce (Georges Armaos) montrent combien l’insertion des musées au sein des espaces publics nationaux est tributaire des modalités de la construction de l’unité nationale.
La seconde partie porte sur les mutations idéologiques qui affectent le musée dans un contexte d’affaiblissement des politiques publiques et d’affirmation de la marchandisation des biens culturels. Cette problématique, envisagée sous l’angle des critiques et des historiens de l’art (François-René Martin), des sciences de la gestion (Raymond De La Rocha-Mille), des sciences de l’information (Geneviève Vidal) et des réactions du personnel à la modernisation du Louvre (Anne Gombault), permet de mesurer les évolutions qui affectent l’identité des institutions culturelles. Cette nouvelle culture managériale rencontre de multiples résistances qui témoignent du poids des anciens modèles marqués par le primat de la conservation.
La dernière partie est consacrée à la place des musées au sein des politiques publiques de la culture. L’affirmation du tourisme culturel (Jean-Michel Tobelem et Luc Benito), la recherche de nouveaux publics (Fabrice Thuriot) constituent des enjeux désormais incontournables pour les musées. La question de l’évaluation du musée (Odile Paulus), souvent menée sous l’angle des études de publics (Sylvie Octobre), permet de reprendre la question des relations entre l’institution et ses tutelles. L’affirmation des politiques culturelles urbaines et la professionnalisation des services municipaux affectent le mode de fonctionnement de l’institution.
Un index thématique (on regrettera malgré tout l’absence d’un index des noms de personnes) complète une édition de bonne qualité, nouveauté chez un éditeur qui souvent a sacrifié cette partie de son travail. Ce volume offrira aux professionnels des bibliothèques d’utiles éléments de comparaison sur les évolutions d’une institution culturelle, à la fois proche et lointaine des bibliothèques 1. En filigrane, c’est l’avenir de la place de l’institution culturelle dans l’espace public qui est posé. La question est essentielle alors même que les enquêtes sur les pratiques culturelles conduisent à repenser le projet des politiques culturelles 2.