Les français et leurs archives

par Claire Sibille
actes du colloque au Conseil économique et social, 5 novembre 2001. - Paris : Fayard, 2002. – 250 p. ; 24 cm. - ISBN 2-213-61172-6 – 20 €

La création, par des archivistes, des historiens et des généalogistes, de l’association « Une cité pour les Archives nationales », le 17 janvier 2001, s’est voulue un cri d’alarme face à une situation qui, depuis des décennies, n’a cessé de se dégrader aux Archives nationales. Or, les Archives nationales sont à la fois le lieu où sont déposées les archives de l’État et la tête d’un véritable réseau (archives régionales, départementales et communales).

Sensibiliser l’opinion publique et la classe politique

Un événement médiatique était nécessaire pour sensibiliser l’opinion publique et la classe politique au sort de ce volet essentiel du patrimoine que sont les archives. L’association « Une cité pour les Archives nationales » a donc souhaité organiser un colloque sur « les Français et leurs archives », au Conseil économique et social, le 17 novembre 2001. Les actes du colloque sont disponibles en librairie depuis le 3 avril 2002. L’intégralité des communications est publiée autour de trois grands thèmes – la France et ses archives : rendre les archives à la Nation ; les archives : représentations et réalités ; les archives, un bien commun. Un sondage réalisé par la Sofres sur la relation des Français avec les archives figure en fin d’ouvrage.

La communication la plus marquante fut celle de Lionel Jospin, qui ouvrit le colloque en soulignant l’importance des archives, bien commun des citoyens, en rappelant les dispositions prises par son gouvernement (circulaires facilitant l’octroi de dérogations pour l’accès aux archives de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre d’Algérie, circulaire sur l’organisation des versements dans les ministères et les établissements publics publiée ce même 5 novembre 2001 au Journal officiel), mais aussi en reconnaissant la nécessité, pour les Archives nationales, de la mise en place d’un nouveau centre conservant les documents postérieurs à 1790. Le Premier ministre annonça ensuite la création d’un Comité interministériel pour suivre les problèmes liés aux archives.

Les autres interventions de la journée témoignèrent de l’intérêt porté aux archives et rendirent compte des difficultés de tous ordres non encore résolues. Ainsi, Guy Braibant, président de section honoraire au Conseil d’État et auteur du rapport Les archives en France 1, justifia l’opportunité d’une nouvelle loi sur les archives : il faut regrouper les textes pour les usagers des archives, corriger les lacunes du droit actuel quant aux archives des hommes politiques, veiller à la bonne conservation des documents électroniques, des archives des entreprises et des organisations non gouvernementales.

Le Premier ministre rappela également l’attention qu’il convenait d’accorder aux archives orales, dans la continuité du rapport présenté au Conseil économique et social par l’historienne Georgette Elgey. Pour cette dernière, les archives orales ne peuvent être assimilées aux archives audiovisuelles ou sonores. Rassemblées hors de toute diffusion médiatique, elles ont leur finalité propre.

L’opinion des Français

Parallèlement au colloque, le journal Le Monde publia dans son édition du 5 novembre 2001 les conclusions du premier sondage réalisé pour « Les Français et leurs archives ». Les chiffres témoignent de l’intérêt porté aux archives par nos concitoyens, indépendamment de tout clivage social ou politique (pour 80 % des sondés, les archives sont associées à « mémoire », pour 67 % à « histoire »), de la reconnaissance de la légitimité de l’action de l’association « Une cité pour les Archives nationales » (89 % pensent que les Archives nationales ont besoin d’un nouveau site)… mais aussi du peu de visibilité de la politique du ministère de la Culture (62 % pensent que les Archives relèvent du ministère de l’Intérieur, 18 % du ministère de la Culture…). La protection de la vie privée (la santé, la famille, la sexualité, mais curieusement pas les opinions politiques ou religieuses ni le patrimoine) constitue une forte demande, alors que l’on considère que les archives relatives à la sûreté de l’État peuvent être rendues publiques au bout de vingt-cinq ans.

Dans sa conclusion, Annette Wieviorka, présidente de l’association « Une cité pour les Archives nationales », se félicita des engagements du Premier ministre, tout en rappelant que la vigilance de l’Association restait entière.

  1. (retour)↑  Guy Braibant, Les archives en France : rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française, 1996, Collection des rapports officiels.