Les grands chantiers parisiens

Quelle place pour les bibliothèques ?

Christophe Pavlidès

On ne prête qu’aux riches : vue des régions, la situation des bibliothèques parisiennes apparaît souvent comme exceptionnelle, alors que l’existence de réalisations monumentales (la Bibliothèque nationale de France-BnF, hier la Bibliothèque publique d’information) masque souvent la situation des bibliothèques publiques et des bibliothèques universitaires, qui les unes comme les autres accusent un certain retard comparé au territoire national. C’est donc l’immense mérite de deux groupes professionnels éminemment parisiens 1 que d’avoir organisé, à la BnF, le 29 novembre 2001, une journée d’information permettant d’en savoir plus à la fois sur les « nouveaux » grands projets parisiens et sur les évolutions du réseau municipal et du réseau universitaire.

Les bibliothèques de la ville de Paris

Monique Pinault, chef du bureau des bibliothèques à la ville de Paris, a ainsi pu dresser un panorama des bibliothèques de la ville, tout en signalant l’importance des partenariats, notamment dans le cadre de l’OPLPP (Observatoire permanent de la lecture publique à Paris). La situation parisienne reste en effet marquée non seulement par la présence d’établissements phares relevant de l’État, mais en outre par l’absence de bibliothèque municipale centrale. Le changement de mandature est l’occasion d’affirmer plusieurs axes de développement, grâce à de nouveaux services (notamment informatiques), mais aussi de nouveaux lieux, s’appuyant à la fois sur des bibliothèques de quartier et sur des grands équipements structurants (3 000 à 5 000 m2) : Jean-Claude Utard, en présentant le premier d’entre eux (la médiathèque d’Alleray), montrait bien à la fois la continuité et les changements que peut apporter une nouvelle municipalité dans la conduite d’un tel projet, modifié (élargissement du parc multimédia, création d’espaces d’animation) mais aussi accéléré, qui permettra au 15e arrondissement d’approcher les normes des villes de même taille.

Les constructions universitaires

La même idée de contrainte spatiale forte, de retard et de rattrapage nécessaire sous-tend le volet francilien du plan U3M de constructions universitaires, dont la première partie s’insère dans le contrat de plan en cours, et dont Daniel Renoult, qui en assurait la présentation, pilote le chantier bibliothèques, à travers une mission inter-académique. Le rééquilibrage Paris/province, doté de moyens exceptionnels (1 milliard pour les bibliothèques jusqu’en 2006, avec une forte implication Ville et Région), s’appuiera sur plusieurs grands chantiers : bibliothèque Sainte-Barbe à proximité de Sainte-Geneviève, bibliothèque de Paris VII et bibliothèque des langues et civilisations du monde sur la zone d’aménagement concerté (Zac) Rive gauche, mais aussi rénovations et/ou agrandissements à Assas, Censier, Clignancourt, Jussieu et Sciences-Po, installation des sciences de l’univers à Cuvier, la liste est longue pour ne parler que de Paris intra-muros ; Geneviève Dreyfus-Armand devait insister sur le projet de déménagement de la bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) qu’elle dirige, actuellement à Nanterre.

Des opérations de prestige

À côté du rééquilibrage dans la lecture publique et le supérieur, d’autres opérations de prestige se préparent, et les organisateurs avaient eu l’excellente idée d’inviter à la fois des responsables ou chefs de projet et des bibliothécaires.

Malheureusement, l’absence de Jean-Louis Cohen, directeur de l’Institut français d’architecture (Ifa), laissa seule Renée Herbouze (chargée de la préfiguration de la bibliothèque) pour présenter le projet de la Cité de l’architecture et du patrimoine, qui va regrouper l’Ifa et le musée des Monuments français ; Stéphane Martin, président du musée du quai Branly, n’a pas encore de chef de projet pour la bibliothèque, mais Isaac Chiva, ethnologue à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), put rappeler comment son rapport a préservé l’unité de la bibliothèque du musée de l’Homme dans le cadre de ce projet présidentiel. Enfin, sur le projet BnF-Institut national d’histoire de l’art (INHA), on put entendre Jean-Marc Poinsot, universitaire récemment chargé du département Étude et recherche de l’INHA ainsi que Marie-Edmée Michel, qui pilote la partie BnF du projet, souvent oubliée – tant il est vrai que ce projet conduira à une restructuration et une modernisation importante du site Richelieu de la BnF –, mais en revanche le volet bibliothèque(s) de l’INHA restait en quelque sorte sans voix, et pour cause.

De ces duos asymétriques, allant de l’harmonie affichée au dialogue de sourds suggéré, il ressortait (comme d’habitude ?) que les bibliothécaires ne sont jamais aussi entendus que lorsqu’ils sont très présents dans les projets, et le plus en amont possible, surtout lorsqu’il s’agit d’opérations volontaristes dont la bibliothèque est un élément parmi d’autres, décisif symboliquement mais sans pouvoir de décision. Ce constat, valable aussi pour les projets municipaux et universitaires, s’il n’a rien de neuf, méritait d’être rappelé ; pour le reste, dans sa synthèse de la journée, Claire Vayssade (BnF) insista notamment sur l’importance de la mise en réseau, et sur le fait que l’immobilier n’est pas tout, si les moyens humains ne suivent pas ; cette réserve cependant ne ternissait pas le bilan plutôt optimiste tiré de la journée.

  1. (retour)↑  Le groupe régional Paris de l’Association des bibliothécaires française - ABF, présidé par Anne-Françoise Bonnardel, et l’Association des conservateurs, bibliothécaires et responsables de bibliothèques de la ville de Paris - ACERB, présidée par Annie Metz.