Concevoir des documents de communication à l'intention du public
On nous l’avait pourtant bien dit, ce petit livre nous le répète : même si nous l’ignorons encore, la communication nous est nécessaire, aussi nécessaire que l’est aux poissons rouges l’eau de leur bocal. Comme l’informatique, la communication est un univers en soi dans notre univers professionnel, qu’elle investit avec ses lois, ses prophètes, ses professionnels et leur savoir-faire. Que nous le sachions ou non, nous « communiquons », et c’est pour nous aider à le faire avec brio qu’en contrepoint de judicieux conseils sur les principes, Marielle de Miribel nous offre un condensé de ses patientes observations sur nos pratiques en la matière.
Théorie et pratique
Théorie et pratique y sont donc présentes par alternance : la première, sous forme d’exposés clairs et rigoureux, handicapés tout de même par des subdivisions en trop grand nombre qui pourraient à l’occasion faire oublier le plan d’ensemble (« Sélectionner un support de communication adapté », « Concevoir les textes », « Monter un projet de communication ») 1 ; et la seconde, répartie en un certain nombre de témoignages, émanant de bibliothécaires communicants, mais aussi (et trop peu) de ces fameux professionnels tapis dans leur « agence », que nous allons consulter pour qu’ils nous élaborent des « plans de communication », voire un « logo » susceptible de fonder notre « identité visuelle ».
Car la communication, comme l’informatique, suppose une instance bicéphale où le bibliothécaire apporte le fond (ce qu’il doit dire, à qui, pour quelle raison précise) et le professionnel de la communication la forme, si possible innovante, mais avant toute chose conforme à ces mystérieuses « lois de la communication » que l’on voit citées en plusieurs circonstances, mais que l’auteur confus de ces lignes reconnaît créditer de moins de pertinence que le théorème de Pythagore. Les exemples choisis dans ce livre le sont avec bonheur, notamment la pétillante coopération de la bibliothèque de Voreppe avec le dessinateur Pef, ou la recherche d’identité plus austère qu’a poursuivie la bibliothèque Sainte-Geneviève ; mais on demeure persuadé qu’il faut y voir l’aboutissement d’une harmonie conjoncturelle entre les personnes et leurs compétences respectives plutôt que l’application mécanique de lois universelles. C’est justement ce qui rend délicate l’articulation des positions théoriques et des expériences factuelles, et qui donne plus volontiers à ce livre la tournure éclectique d’un bon recueil de mélanges que la logique exhaustive d’un ouvrage pédagogique.
Cette fragmentation est d’ailleurs significative : la communication est un domaine si riche qu’il dépasse même l’image qu’on peut s’en faire. Il faut le courage de l’explorateur pour s’engager dans cette jungle, mais aussi de solides points de méthode qui sont ici très accessibles, ce qui suffit à recommander leur lecture attentive aux aspirants communicateurs.
Pour autant, ce satisfecit ne couvre pas certaines ambiguïtés de l’ouvrage : le titre parle bien de « concevoir » des « documents » destinés au public, ce qui devrait limiter son discours à certaines activités de réflexion portant sur un corpus d’objets à préciser. Et là-dessus, le novice est perplexe : le « sac de bibliothèque », longuement évoqué dans le premier chapitre (p. 38-42) est-il un « document » plutôt qu’un support publicitaire fonctionnel ? La « carte de lecteur » méritait-elle en soi de si longs développements, au demeurant fort bien troussés (p. 31-33 et 65-75), quand on n’aborde que pour mémoire les mille pièges, autrement subtils, de l’élaboration d’un « guide du lecteur » ? D’où vient encore que l’on soit, tout au long du livre, si discret sur les « affiches », et sur la communication par « Internet » ? La plupart des contributions de témoignage portent sur des expériences accomplies, qui font surtout la part belle aux réalisations, dont la conception proprement dite n’est finalement guère séparable 2.
La communication dans la durée
La dernière partie de l’ouvrage rappelle enfin que la communication ne peut s’établir valablement que dans la durée, dans la régularité des projets professionnels. Très judicieux à cet égard est le choix de la Maison du livre, de l’image et du son de Villeurbanne qui fut pionnière en matière de communication, et qui, depuis 1987, signale Françoise Moreau, n’a cessé de réadapter en toute continuité sa charte graphique à ses évolutions fonctionnelles. Toujours même et différente, la bibliothèque est par essence vouée à cette communication au long cours qui lui ressemble, et dont l’effet n’est pas douteux en matière de fidélisation du public. Et puisque nous parlons d’essence, peut-être faut-il nous rappeler que les fonds des bibliothèques sont constitués de documents qui sont à leur manière vecteurs de communication, et que, partant, la communication d’une bibliothèque est d’abord une mise en abyme qui cherche à rendre le public sensible à cette communication naturelle des collections.
Car, dans le fond, si nous devons absolument communiquer, c’est pour obtenir quel résultat ? Trop souvent la réponse est implicite, et c’est dommage : à trop communiquer, nous courrons bientôt le risque de prendre la « com’ » pour une fin en soi, et de lâcher la proie pour l’ombre.