Former les étudiants à la maîtrise de l'information

repères pour l'élaboration d'un programme

par François Cavalier
Paris : Ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie, 1999. – 82 p. ; 24 cm.

Cet opuscule de quatre-vingt-deux pages, édité avec l’aide du ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie et distribué gratuitement par la Sous-direction des bibliothèques et de la documentation, est le résultat d’un travail collectif réunissant des bibliothécaires, des documentalistes et des enseignants.

Un groupe de travail constitué de dix auteurs, actifs à des titres divers dans le domaine de la formation, s’est réuni, entre 1997 et 1998, pour réfléchir à la mise en place de la formation à l’information au sein de l’Université. Le document issu de ce travail vise à fournir aux responsables universitaires des UFR (unités de formation et de recherche) et des SCD (services communs de la documentation), « un guide pratique pour l’élaboration d’un programme de formation à l’information et la documentation ».

Un tour d’horizon rapide et complet

Ce groupe d’experts a été coordonné par Claire Panijel, assistée de Bruno Deshoullières et Françoise Dubreuil pour la rédaction finale. Destiné à fournir des éléments d’analyse et des scénarios concrets, ce document balaie en un tour d’horizon rapide mais complet, l’ensemble des enjeux et des questions qui prévalent dans ce domaine.

Trente-deux pages d’annexes, abondantes et riches d’informations pratiques, présentent des comptes rendus d’expériences, ainsi que des exemples concrets de contenus de formation et de dispositifs de collaboration entre les acteurs. Un bref rappel historique permet, fort utilement, de resituer dans le temps l’élaboration de cette démarche de formation à l’information, aujourd’hui largement initiée dans de nombreuses universités. On y apprend, en particulier, que ce sont d’abord les Grandes Écoles qui, dès 1978, ont ouvert la réflexion sur ce sujet et introduit les premières formations dans leurs cursus. En ce qui concerne l’Université, la loi Savary de 1984 prévoyait déjà un enseignement de la documentation pour les premiers cycles, mais il faudra attendre la réforme des études universitaires de 1997 (arrêté du 9 avril 1997) pour que soit créé, avec la mise en place de l’UEMTU (Unité d’enseignement de méthodologie du travail universitaire), un cadre concret permettant la conception et la réalisation de programmes de formation à l’information favorisant ainsi leur généralisation dans les universités françaises.

Cette lente maturation accompagne le processus d’évolution des manières d’enseigner et d’apprendre, bousculées par l’irruption des technologies de l’information et de la communication et par le foisonnement des sources et des supports. L’objectif cardinal de former des esprits capables de construire leurs connaissances, de s’orienter et se repérer au sein des savoirs disciplinaires implique de développer chez les étudiants une capacité critique, c’est-à-dire de choix et de tri au milieu d’une myriade de données, leur permettant ainsi de questionner leurs connaissances et leurs acquis et, partant, de se préparer à la recherche.

Construire un programme en fonction d’objectifs

Construire une formation transversale dans l’université n’est pas une tâche banale et sans difficulté. Cette démarche heurte les pratiques enseignantes, encore largement individuelles et adossées aux conventions et aux solidarités propres à chaque champ disciplinaire.

Pour trouver leur place, ces formations nécessitent d’être validées au plus haut niveau de l’Université, notamment par leur inscription dans les contrats quadriennaux. Les approches transversales et les enseignements méthodologiques n’ayant pas bonne presse au sein de l’Université, les protagonistes de la formation à l’information ont un travail de conviction et de persuasion à mener, tant auprès des décideurs (président, directeurs d’UFR ou doyens) que des enseignants-chercheurs eux-mêmes. Les conditions de réussite ont été clairement identifiées par des études menées par Alain Coulon.

Il convient de proscrire le bricolage et de construire des formations d’une durée significative (un semestre), pleinement intégrées aux enseignements disciplinaires (pas de méthodologies « hors sol ») et donnant lieu à des productions finalisées dépassant les apprentissages instrumentaux ; enfin, de sanctionner ces enseignements par une double évaluation, disciplinaire et documentaire. Les programmes indicatifs proposés pour la formation à la maîtrise de l’information en 1er cycle sont récapitulés dans un tableau (p. 23) qui offre deux perspectives : celle d’une formation « allégée » et minimale d’au moins 10 heures et un véritable programme de 25 à 40 h, seul à même d’asseoir cet enseignement. Celui-ci est conçu pour permettre la progression et l’approfondissement des connaissances au fil de l’avancement de l’étudiant dans les différents cycles universitaires.

Les conditions de mise en place et les moyens

La validation universitaire est l’étape préliminaire indispensable : l’UEMTU doit donner lieu à un enseignement formalisé intégré à chaque type de diplôme d’études universitaires générales (DEUG), et il en va de même à tous les autres niveaux. La présence d’un coordinateur enseignant au sein de l’université est un élément fort de la réussite du processus, comme le montre très clairement Claire Nacher dans sa relation de l’expérience exemplaire de l’université de Paris 3. Cet enseignant est l’interlocuteur privilégié de la bibliothèque qui gagnera, elle aussi, à organiser la coordination de son offre en désignant un responsable de la formation des utilisateurs.

Les moyens, quant à eux, font l’objet d’une présentation ramassée et quelque peu allusive : deux tableaux (p. 29) présentent les besoins pour des profils de formation de 10 h ou 25 h pour 1 000 étudiants, donnant ainsi un aperçu général des coûts matériels et humains, mais appelant, cependant, un certain nombre de questions : faut-il raisonner avec des moyens humains constants et, dans ce cas, comment se créer une marge de manœuvre ? Quelle répartition des tâches entre bibliothécaires et enseignants ?

Les moyens matériels sont rapidement évoqués et portent eux aussi sur des besoins cruciaux : salles de formation, outils logiciels de formation, nombre de postes informatiques, multiplication des licences pour accéder aux bases de données… Enfin, les ressources pédagogiques sont bien décrites, avec la liste des incontournables Fourmi 1, Cerise 2, Formist 3 et autres Urfist (unités de recherche et de formation à l’information scientifique et technique).

Évaluer

Point d’aboutissement du processus, l’évaluation est un élément central qui doit être pensé dès le début. D’abord, parce que l’inclusion des formations à l’information dans les cursus ne peut être reconnue à la fois par le système de valeurs universitaire et par les étudiants que si elle donne lieu à une évaluation notée. Ensuite, parce que cette évaluation est le moyen clé de la vérification des acquis, totalement intégré à une pédagogie de projet centré sur l’apprenant.

Un autre type d’évaluation, orienté vers les décideurs, est conçu comme un élément de feed-back destiné à conforter la formation par l’allocation de moyens supplémentaires et à suggérer les changements organisationnels adéquats.

Toutes ces initiatives donnent la mesure de ce qui se joue avec la généralisation des formations à l’information au sein des universités en suscitant des déplacements et des repositionnements au sein du système d’enseignement traditionnel : si ces formations, comme nous l’avons vu, souffrent de leur caractère transversal, elles participent incontestablement au renouvellement de la pédagogie et y contribuent puissamment. S’adressant à un public d’adultes (Bruno Deshoullières parle d’« andragogie »), elles sollicitent les capacités et les compétences de l’étudiant pour l’aider à construire le cadre d’interprétation de ses apprentissages. Décalées par rapport au modèle d’une paideia fondée sur le rapport maître-élève, ces formations à l’information formalisent l’acte d’enseignement sous la forme d’un contrat dont les objectifs affichés sont traduits en capacités à acquérir et en compétences finales, vérifiées et validées au terme d’une évaluation.

Dans ce processus, le statut de l’enseignant évolue : il devient non seulement le maillon d’un collectif, mais aussi, ponctuellement, un apprenant comme en témoignent les formations qu’il est amené à suivre pour rendre sa prestation efficace. Enfin, cette démarche de repositionnement touche aussi la bibliothèque et les bibliothécaires.

Comme le dit Claire Panijel, la « bibliothèque devient un lieu stratégique qui participe pleinement de la fonction éducative ». Le déroulement des enseignements à la maîtrise de l’information dans ses locaux n’a rien de neutre : il permet à la bibliothèque de devenir ainsi un des terrains majeurs de l’exercice du travail transversal entre composantes. Le bibliothécaire, quant à lui, élargit ainsi le champ de sa médiation qu’il approfondit et étend au travers d’un acte pédagogique collectif mené en collaboration avec les enseignants. Comme dans la production des outils d’enseignements à distance, l’équipe pédagogique prend une signification et une géométrie nouvelles intégrant des compétences diverses et complémentaires. C’est dans cette voie que les bibliothécaires doivent résolument s’engager en s’appuyant sur les analyses et expériences décrites dans ce livret à glisser, toutes affaires cessantes, dans les mains de tous les décideurs universitaires.