Les usages d'Internet en lecture publique

François Marin

Le 6 décembre 1999, dans l'auditorium de la bibliothèque Grand-Place de Grenoble, une centaine de privilégiés ont pu assister à la journée d'étude organisée par le groupe ABF (Association des bibliothécaires français) Rhône-Alpes sur les usages d'Internet en lecture publique. Preuve de l'intérêt des professionnels pour ce thème, le groupe régional avait dû procéder à une sélection impitoyable pour gérer le raz-de-marée des demandes d'inscription.

En ouverture, Guy Hédon, pape de la logithèque française, a illustré cet engouement en publiant les résultats d'une enquête menée auprès de 98 bibliothèques publiques. Il en ressort qu'un tiers des établissements ont déjà une connexion Internet – dont la moitié est destinée au public –, mais aussi que la grande majorité des deux tiers restants ont un projet de connexion à court terme. En revanche, le nombre de postes mis à la disposition du public est généralement faible, et la consultation est payante dans un cas sur deux, pour un tarif situé autour de 20 F de l'heure.

Les pratiques d'Internet à la bibliothèque Grand-Place, Grenoble

Cette présentation générale a été suivie d'un exposé sur les pratiques d'Internet à la bibliothèque Grand-Place, qui dispose d'une expérience de trois ans dans ce domaine. La comparaison de deux enquêtes auprès du public, menées l'une au moment de l'ouverture et l'autre en juin 1999 1, permet de mesurer l'évolution de la demande par rapport à ce nouvel aspect de l'offre documentaire. Globalement, on ne sera pas surpris de constater que l'équipement des usagers en bureautique et leur connaissance d'Internet ont beaucoup progressé, et que la curiosité du début a cédé la place à une recherche d'information précise.

Le regard des usagers sur le service proposé est très positif, d'autant plus que l'accès est gratuit, le revers de la médaille étant l'excès d'affluence qui conduit la bibliothèque à limiter le temps de consultation. Conséquence logique, le public réclame d'autres postes de consultation, mais aussi d'autres fonctionnalités, comme l'accès aux messageries, le déchargement sur disquettes, et l'impression des résultats. Sociologiquement, la prédominance d'utilisateurs masculins tend à se résorber (78 % en 1996, 52 % en 1999). La récente mise en place des emplois-jeunes a permis d'améliorer le service de formation aux usagers et au personnel. Le but recherché est double : donner aux emplois-jeunes une véritable compétence qui leur permette de déboucher sur un emploi et transmettre à l'ensemble des professionnels une culture de l'Internet, indispensable dans une bibliothèque moderne, et qui ne peut rester la spécialité de quelques agents.

En résumé, la bibliothèque de Grand-Place se donne pour mission de mettre le multimédia à la portée de tous, en maintenant la gratuité du service, en augmentant le nombre de postes mis à disposition du public, et en développant la formation des utilisateurs.

Villes moyennes et zones rurales

Un bémol toutefois relevé par plusieurs participants : la saturation du réseau, surtout l'après-midi, provoque des lenteurs, parfois même l'interruption du service. Pour intéressante qu'elle soit, l'expérience de Grenoble est celle d'un établissement qui dispose des moyens d'une grande métropole. Il était donc important d'observer la réalité d'Internet dans les villes moyennes et les zones rurales, qui représentent la grande majorité des équipements de lecture publique de la région.

La version citadine a été donnée par Marie-George Paquet, de la médiathèque de Saint-Priest (Rhône) et la version rurale par Marie-Aimé Roybon, de la médiathèque intercommunale de Pont-en-Royans.

Saint-Priest, médiathèque de 2600 m2 dans une commune de 40000 habitants, a ouvert en août 1998 un espace multimédia – quatre postes de consultations, dont deux pour les cédéroms et deux pour le traitement de texte –, et, en septembre 1999, une borne Internet en libre accès, accessible avec une carte à puce rechargeable en unités. La formation du personnel et des usagers n'est pas prise en charge par la médiathèque, mais a été rendue possible à un prix très bas grâce à la collaboration d’un centre social de la ville. Comme à Grenoble, la demande du public porte sur la formation et les impressions, et l'insatisfaction sur la lenteur et l'interruption du service.

La médiathèque de Pont-en-Royans est un équipement intercommunal qui dessert une population de 5 000 à 7000 habitants. Équipée d'un poste de consultation depuis octobre 1996, elle constate une fréquentation plutôt faible qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs : la facturation du service, l'obligation de réserver, la médiathèque n’offrant qu’un seul poste pour la consultation des cédéroms et d'Internet. Elle envisage donc d'installer un deuxième appareil et d'organiser des ateliers pour développer la curiosité des usagers. Si l'offre au public donne pour l'instant un résultat mitigé, l'outil Internet se révèle en revanche très intéressant dans une bibliothèque isolée, pour l'accès à l'information professionnelle.

De cet intérêt, Alain Caraco, directeur de la bibliothèque départementale de la Savoie, a donné une démonstration brillante, d'abord en relativisant le coût d'une connexion Internet pour une bibliothèque (environ 11000 F par an pour un accès), ensuite en décrivant les sites les plus intéressants pour les professionnels, dont celui de l'ADBDP (Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt), dont il a lui-même assuré le développement et les mises à jour 2. À signaler sur ce site la rubrique « caisse à outils » qui est une mine d'informations en bibliothéconomie.

Autres sites remarquables : biblio-fr, liste de diffusion qui compte aujourd'hui 5 300 abonnés ; le Catalogue collectif de France 3, annuaire le plus complet de bibliothèques; l'École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques 4, qui affiche des résultats de concours, le contenu du Bulletin des bibliothèques de France, les rapports du Conseil supérieur des bibliothèques, et bientôt POLDOC, site de recherche sur les politiques documentaires ; sans oublier le ministère de la Culture, qui évoque les grandes manifestations nationales et propose un grand guide de l'Internet culturel 5. La plupart des sites intéressants en bibliothéconomie sont présentés de manière raisonnée sur SiteBib, qui est le « site des sites de bibliothèque » 6.

Des aspects techniques

La journée s'est terminée en abordant les aspects plus techniques : Guy Hédon a donné le panorama de la recherche documentaire sur Internet, à partir des trois principaux outils que sont les annuaires (ou sélections de sites, comme Yahoo), les moteurs de recherche (sélections automatiques de sites à partir de logiciels surnommés « araignées », comme Altavista), ou les métamoteurs de recherche, qui envoient une demande à un ensemble de moteurs de recherches (comme Metacrawler, ou Copernic 2000).

Pour finir, un intervenant de France Telecom a décliné les différentes propositions de Wanadoo qui varient en prix et en performances selon les besoins de l'utilisateur : accès par modem pour une faible consommation sur un seul poste, routeur Numéris pour un accès simultané sur plusieurs postes, câble ou nouveau système ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line) pour un accès permanent à très haut débit sur un nombre important de postes.

Cette journée d'étude très riche en informations a suscité beaucoup de questions chez les participants qui se sont montrés très intéressés et très réactifs. Devant ce succès, et compte tenu du nombre très important de demandes d'inscription non satisfaites, le groupe ABF Rhône-Alpes envisage d'organiser une nouvelle journée sur ce thème en mars 2000.