L'internet

un vrai défi pour la France

par Yves Desrichard

Patrice Martin-Lalande

rapport au Premier ministre. Paris : La Documentation française, 1998. 111 p. ; 24 cm. (Collection des rapports officiels). ISBN 2-11-003927-2. ISSN 0981-37764. 80 F

Internet suscite, auprès des élites politiques, un engouement qui ne se dément pas, comme en témoigne ce rapport commandé par Alain Juppé et remis, on le suppose, à son successeur, Lionel Jospin, lui-même auteur d'un « discours d'Hourtin » désormais fameux sur la nécessité, pour le gouvernement de la République et pour l'administration française, d'accélérer le recours aux nouvelles technologies.

Le présent rapport, antérieur, se situe parfaitement dans cette ligne. Patrice Martin-Lalande, député de Loir-et-Cher, y liste 134 propositions d'action visant à favoriser le développement d'Internet en France. L'ouvrage est un peu déroutant, car les préliminaires y sont réduits, l'auteur se contentant, une fois de plus, de stigmatiser le retard français, de poser d'emblée Internet comme un enjeu culturel face aux puissances anglo-saxonnes, et de montrer combien le Réseau pourrait avoir « un impact fort sur la croissance et l'emploi ».

Si la pensée unique ne l'était de moins en moins, on pourrait d'ailleurs se gausser du « défi pour nos entreprises », du « défi pour l'État » que Patrice Martin-Lalande prend comme présupposés, de même que l'intérêt d'Internet pour répondre à ces défis : comme dans le fameux rapport Théry 1, il serait vain de chercher ici un discours critique ou même simplement objectif que, il est vrai, la lettre de mission d'Alain Juppé n'appelait pas vraiment.

L'essentiel est donc un recueil un peu fourre-tout de propositions parfois concrètes et séduisantes, comme « attribuer à chaque étudiant une adresse e-mail » ou d'autres, plus traumatisantes, comme celles regroupées sous l'évocateur intitulé « L'école à l'heure du numérique », ou, extension de la première citée, celle qui consiste à inviter « les pouvoirs publics [à] réfléchir à attribuer une adresse électronique à tous les Français » . Patrice Martin-Lalande, comment ne pas l'écrire, surfe sur différentes vagues, notamment celle de la libéralisation de la cryptologie, très en vogue, ou encore celle, plus cruciale, de l'abaissement du taux de tva sur les produits et services multimédias qui réjouirait fort les concepteurs de jeux vidéos.

L'ensemble serait anodin, s'il ne s'agissait pas justement d'un rapport officiel, dont on aurait pu attendre plus de circonspection, voire parfois plus de sérieux. Certaines propositions semblent d'un comique vraisemblablement involontaire, et d'autres sont édifiantes, comme ces souhaits de « lancer des jeux sur l'Internet » (qui n'en manque pas, mais cela ne rapporte rien à l'État) ou d'« autoriser sur l'Internet la publicité pour l'alcool ». On ne pourra qu'en retirer l'impression rapide que, révolution technologique ou pas, les bonnes vieilles recettes ont toujours cours ; mais où est le défi dans tout cela ?