Un nouveau statut pour les documentalistes

Christophe Pavlidès

« Les statuts des personnels de documentation dans la fonction publique », tel était l’intitulé de la rencontre organisée par l’adbs (Association des professionnels de l’information et de la documentation), en marge d’idt 98, le 8 juin dernier.

On se souvient que l’adbs avait déjà organisé une rencontre sur le sujet il y a deux ans et demi 1… Depuis, le contexte a enfin changé : le nouveau statut des documentalistes est sorti au Journal Officiel du 20 mars 1998, sous la forme d’un décret « fixant les dispositions statutaires applicables aux corps de chargés d’études documentaires ».

Des chargés d’études documentaires

Ce texte, qui concerne la fonction publique d’État, crée trois corps de chargés d’études documentaires :

– un corps du secrétariat général du gouvernement, qui regroupe les anciens documentalistes et chargés d’études de la Documentation française ;

– un corps rattaché à la Culture, qui regroupe non seulement les anciens documentalistes et chargés d’études de ce ministère (par exemple ceux des services d’archives départementales), mais également ceux de l’Éducation nationale (en poste notamment dans le réseau du Centre national de documentation pédagogique) ;

– et enfin un troisième corps « interministériel » des chargés d’études documentaires, rattaché à l’équipement, et qui a vocation à accueillir tous les documentalistes hors statut (contractuels, administratifs, etc.) qui exercent dans les autres ministères ou leurs services déconcentrés.

Ces trois corps sont alignés sur le déroulement de carrière « A type » issu des accords Durafour (comme les attachés) : un grade de chargé d’études documentaires, correspondant aux indices actuels des bibliothécaires (indices bruts 379-780), et un grade de chargé d’études documentaires principal, divisé en deux classes (563-821 et 801-966).

Bilan d’une aventure

Pour les agents qui exerçaient dans les six corps préexistants, c’est une revalorisation substantielle ; pour tous les autres, qu’ils soient contractuels ou non, c’est le soulagement d’avoir enfin un statut correspondant à leurs fonctions. Il était donc logique que l’adbs, dont la présidente n’est autre que Florence Wilhelm, qui en a longtemps animé la commission statuts, veuille tirer le bilan de cette aventure statutaire, des perspectives qu’elle ouvre et des limites qu’elle impose.

Dans son exposé liminaire, Florence Wilhelm s’est attachée à montrer que le décret est « le compromis le plus favorable auquel nous avons pu aboutir au moment où ce texte est sorti », et que le projet était à prendre ou à laisser.

En positif, on notera l’homogénéisation des carrières en A type – mais il n’y a pas de corps de débouché comparable aux conservateurs et conservateurs généraux –, l’unité de statut entre administrations centrales et services déconcentrés, et l’occasion de titulariser des centaines de contractuels.

En revanche, les points de déception existent : les catégories B et C ne sont pas concernées – alors qu’elles gèrent de nombreux centres de documentation administratifs. Rien n’est prévu dans le texte en matière de formation initiale, alors que les cursus de documentation n’ont jamais été aussi nombreux dans l’université, les nouveaux chargés d’études peuvent exercer dans les établissements publics à caractère administratif, mais ni dans les epscp-établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (universités notamment), ni dans les epst-établissements publics à caractère scientifique et technique (cnrs, etc.), et ce par la volonté expresse du ministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie de privilégier les corps existants (itarf-ingénieurs, techniciens administratifs, de recherche et de formation, notamment).

D’autre part, ce dispositif ne concerne que la fonction publique de l’État : rien n’est prévu actuellement pour la fonction publique hospitalière. Quant à la territoriale, le problème des passerelles va se poser avec les bibliothécaires territoriaux option documentation et avec les attachés territoriaux du patrimoine : la fusion de leurs deux grades les met au niveau des chargés d’études, mais sans le débouché en principal 2. Autre problème : le contenu des concours, que l’adbs voudrait spécialiser, n’est pas encore fixé : les textes sont en préparation.

Les personnels des bibliothèques

Afin de préparer au mieux les futures mesures transitoires prévues par le statut, il a semblé opportun, une fois de plus, de se pencher sur la mise en place des nouveaux statuts des personnels des bibliothèques (1991 et 1992) : il revenait donc à Marie-Annick Bernard, de l’Institut de formation des bibliothécaires, de présenter les cinq mesures transitoires d’intégration en bas (bibliothécaires adjoints spécialisés) ou les frustrations engendrées par les concours internes exceptionnels de bibliothécaires.

Mais le public de la conférence satellite attendait surtout des réponses concrètes sur l’adéquation entre le nouveau décret et leur situation personnelle ou celle de leurs collaborateurs : Marie-Pascale Krumnow, de la commission statuts de l’adbs, fit un exposé très clair et pratique des différentes situations créées, suivant que les agents sont titulaires, détachés, contractuels d’avant ou d’après 1983…

L’adbs, visiblement, aura largement l’occasion d’exercer son expertise auprès de ses membres, dont les attentes sont grandes. Une grande partie de la clé de ces problèmes va se trouver dans la création (ou non) par les ministères de postes budgétaires permettant l’ouverture de concours, si l’on ne veut pas que le statut reste une coquille vide. Bref, une bonne séance de formation aux méandres statutaires, et une affaire à suivre…

  1. (retour)↑  Cf. le compte rendu paru dans le bbf, 1996, n° 1, p.105.
  2. (retour)↑  Notons d’ailleurs que le problème se pose égalementi pour les bibliothécaires d’État, qu’il faudra bien, eux aussi, aligner un jour sur le A type avec débouché en principal.