La bibliothèque nationale du Québec

Philippe Sauvageau

À l'instar des organismes similaires, la Bibliothèque nationale du Québec rassemble, conserve et diffuse les publications nationales. Pour régler les problèmes d'espace qui l'accablaient depuis toujours, la bnq a d'abord réaménagé un ancien édifice industriel afin d'y loger ses collections de conservation, son siège social et ses services internes. Cette réalisation offre une solution économique et efficace. D'ici quelques années, une grande bibliothèque assumera les mandats de diffusion de la Bibliothèque de la Ville de Montréal et de la Bibliothèque nationale du Québec.

Following the example of similar organizations, the Bibliothèque nationale du Québec gathers, preserves and distributes national publications. To resolve the problem of space which has continually overwhelmed it, the bnq has firstly refitted an old industrial building in order to house its conserved collections, its registered offices and its internal services. This achievement offers a solution both economic and efficient. Some years from now, a large library will assume the mandate for the circulation of the Bibliothèque de la Ville de Montréal and of the Bibliothèque nationale du Québec.

Wie andere entsprechende Institutionen dieser Art sammelt, bewahrt und verbreitet die Nationalbibliothek von Québec die nationalen Publikationen. Um die Raumprobleme zu losen, unter denen sie schon immer litt, hat die Nationalbibliothek ein ehemals industriell genutztes Gebäude umgebaut, um dort die ihr zur Bewahrung anvertrauten Bestände, den Verwaltungssitz und die internen Dienste unterzubringen. Diese Maßnahme stellt eine wirtschaftliche und effektive Lösung dar. In ein paar Jahren wird eine große Bibliothek die Benutzungsleistungen der Stadtbibliothek Montreal und der Nationalbibliothek von Québec erbringen.

La Bibliothèque nationale du Québec, créée le 12 août 1967 par une loi de l’Assemblée nationale, a pour mandat fondamental de rassembler et conserver le patrimoine documentaire québécois publié.

Parce qu’il forme une société distincte dans l’ensemble confédératif canadien, et en raison de son caractère particulier qui repose sur une identité culturelle et sur la langue française, le Québec est la seule province qui assume le maintien d’une bibliothèque nationale. Celle-ci s’avère un instrument essentiel à l’épanouissement de cette identité culturelle.

La plupart des nations du monde disposent d’une bibliothèque nationale, qui contribue à cristalliser leur identité culturelle. Certains pays, comme l’Écosse ou le Pays de Galles, certaines régions, comme la Catalogne, présentent des situations similaires à celle du Québec.

La Bibliothèque nationale du Québec joue donc le rôle d’un phare, elle est un lieu d’affirmation nécessaire, particulièrement dans le contexte nord-américain où vivent 250 millions d’anglophones.

Missions

La Bibliothèque nationale du Québec a pour fonctions de rassembler, de conserver de manière permanente et de diffuser le patrimoine documentaire québécois publié, ainsi que tout document qui s’y rattache et qui présente un intérêt culturel. Elle exerce les mêmes fonctions pour les documents relatifs au Québec et publiés à l’extérieur du Québec. Ces documents sont acquis si leur sujet concerne le Québec ou lorsque l’un des créateurs en est originaire.

Le patrimoine documentaire québécois reçu par dépôt légal est constitué de documents publiés au Québec, c’est-à-dire des livres, des revues et des journaux, des documents cartographiques, des livres d’artistes et des partitions musicales, des estampes, des affiches, des reproductions d’œuvres d’art, des cartes postales, des enregistrements sonores, des logiciels et des microéditions. La Bibliothèque acquiert également, conserve et diffuse des fonds d’archives privées des domaines de la littérature et des beaux-arts.

Les documents de l’édition québécoise sont systématiquement conservés. La Bibliothèque publie la bibliographie nationale courante et la bibliographie rétrospective du Québec (1821-1967), Point de repère, en collaboration avec les Services documentaires multimédias (SDM), ainsi que diverses bibliographies thématiques et des réper- toires. Elle participe au prêt entre bibliothèques, organise des manifestations culturelles et des expositions à partir de ses collections, attribue les numéros ISBN aux éditeurs francophones canadiens. Enfin, elle maintient des relations avec le milieu documentaire québécois, ainsi qu’avec les autres bibliothèques nationales et des organismes internationaux.

Jusqu’en 1989, la Bibliothèque nationale du Québec constituait une Direction générale rattachée au ministère des Affaires culturelles. Le 1er avril 1989, l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi (L.R.Q., c. B-2.1) lui a conféré un statut de corporation. Mandataire du gouvernement, elle est dirigée par un conseil d’administration qui relève directement de la ministre de la Culture et des Communications, conseil composé de neuf membres nommés par le gouvernement, dont cinq le sont après consultation des milieux des bibliothèques et de l’édition ainsi que des associations d’écrivains et des universités. Le président du conseil d’administration assume les fonctions de directeur général et dirige les activités de la Bibliothèque.

Édifice de conservation et siège social

Depuis sa création, la Bibliothèque nationale du Québec a occupé plusieurs emplacements et de nombreux services ont déménagé à plusieurs reprises. Jusqu’à la construction du siège social et du centre de conservation, la Bibliothèque nationale occupait quatre édifices dispersés sur le territoire de la ville de Montréal.

Les collections n’étaient donc pas facilement ouvertes aux usagers. La nécessité d’offrir des services efficaces à la population ainsi que le meilleur accès possible au patrimoine publié soulevaient de plus en plus de difficultés : engorgement créé par l’arrivée croissante de documents du dépôt légal ; conditions climatiques inadéquates ; dispersion des ressources humaines. Malgré tous les efforts déployés pour réduire ces inconvénients, des délais de consultation conséquents étaient inévitables.

Afin de régler ce problème d’espace, le conseil d’administration de la Bibliothèque nationale a proposé un projet immobilier axé sur les deux missions fondamentales de l’institution : la conservation et la diffusion. La conservation exige la protection des documents de la manipulation et des changements atmosphériques ainsi que leur entreposage dans des conditions optimales. La diffusion demande plutôt une accessibilité favorisée par les divers moyens de transport, ainsi qu’une intégration au cœur des activités économiques, culturelles et de loisir de la population.

Ainsi, l’édifice de conservation pouvait être érigé hors du centre-ville, mais le second devait obligatoirement se situer en plein cœur de l’activité urbaine, selon les orientations définies par le conseil d’administration.

Le choix de l’édifice

Le choix de l’édifice du 2275, rue Holt, à Montréal répondait aux critères définis. Sa superficie (20 000 m2) permettait d’accueillir, en plus des activités de conservation et des espaces d’entreposage, le siège social, les services internes et une salle de lecture. Le gouvernement autorisa donc la Bibliothèque nationale à acquérir et à réaménager ce bâtiment construit en 1948 pour la fabrication des cigares.

Constitué d’une solide charpente de béton et d’acier, d’espaces dégagés et de planchers d’une grande capacité portante, l’édifice répondait aux besoins liés à la conservation des documents et au développement des collections pour les vingt prochaines années.

Le réaménagement a été réalisé en utilisant la méthode de construction par gestion de projet accélérée, qui permet de franchir concurremment les étapes et d’éviter ainsi le processus séquentiel utilisé habituellement et qui génère des retards.

Les services d’un gérant de projet, d’un bureau d’ingénieurs, d’une firme d’architectes et d’un ingénieur en structure ont été retenus. Le gérant de projet devait conduire le projet à son terme en coordonnant le travail de chacun.

L’utilisation de cette méthode a permis à la Bibliothèque de réaliser les nouveaux aménagements, incluant l’architecture, la mécanique et l’électricité, en six mois. Le 15 janvier 1997, le personnel occupait les nouveaux locaux.

Le choix d’un site à l’extérieur du centre-ville a permis de réaliser d’importantes économies dans le coût d’acquisition du terrain et du bâtiment ainsi que dans les coûts de rénovation d’un édifice déjà doté d’une vocation industrielle. Les coûts de restauration auront atteint 694 dollars canadiens au mètre carré (soit 480 dollars américains), alors que les coûts moyens de construction d’un édifice neuf se situent, pour une bibliothèque, à 1 630 dollars canadiens au mètre carré.

La partie de l’édifice de la rue Holt est occupée par la Bibliothèque nationale, d’une superficie de 13 300 m2, sur quatre étages et demi. Les Archives nationales du Québec abritent une partie réduite de leur collection dans l’extension ajoutée au corps central du bâtiment en 1989 et qui compte quatre étages d’une superficie de construction de 3 500 m2.

L’entrée des Archives nationales est située du côté nord, rue Des Carrières, tandis que l’entrée de la Bibliothèque donne du côté sud, rue Holt. Le sous-sol est entièrement consacré à l’entreposage des documents de la Bibliothèque. La partie nord héberge les revues, la partie intermédiaire les monographies ainsi que des systèmes mécaniques, la partie sud les journaux.

Le rez-de-chaussée de l’édifice d’origine, auquel on accède par un escalier central donnant sur la rue Holt, abrite plusieurs services de la Bibliothèque : l’accueil et la salle de consultation, la Direction de l’administration, la Direction générale, la Direction des communications, la section des dons et échanges, ainsi qu’un espace de rangement et d’accès au quai de déchargement, enfin, la zone de stockage et de préparation des documents, ainsi qu’une partie des systèmes mécaniques.

Le premier étage abrite la totalité de la chaîne de production des documents. La partie sud est occupée par la Direction des acquisitions et la Direction du traitement. Derrière un espace ouvert sur un puits de lumière sont regroupées les activités de la Direction de la conservation : préservation, restauration, reproduction et entreposage. Enfin, on a aménagé, du côté ouest, une salle de repos à l’usage du personnel, salle qui ouvre sur une terrasse.

Le deuxième étage de la partie nord abrite des magasins qui appartiennent aux Archives nationales. La Bibliothèque utilise l’espace qui reste pour l’entreposage de collections. Le troisième étage est occupé par la Bibliothèque. On y a aménagé des magasins d’entreposage à l’usage des collections spéciales, qui rassemblent principalement estampes et livres d’artistes.

Optimiser le travail

Les services de la Bibliothèque ont été distribués dans l’édifice de façon à optimiser le travail et à créer une chaîne de production naturelle, exempte de pertes de temps et d’énergie. Les documents reçus sont principalement publiés au Québec, acquis en fonction de l’application du Règlement sur le dépôt des documents publiés. La Bibliothèque acquiert aussi des documents, tels ceux relatifs au Québec, par achat, don ou échange. Tous ces documents sont d’abord réceptionnés dans l’espace de livraison. Ils sont ensuite vérifiés et triés au service des acquisitions et du dépôt légal, qui gère aussi les abonnements à tous les périodiques.

Les documents sont ensuite dirigés vers les zones de traitement bibliographique, puis ils sont aiguillés vers les ateliers de reliure, de restauration ou de reproduction, afin d’accroître leur longévité et de compléter leur préparation en vue de la diffusion auprès du public. De là, ils sont acheminés vers les magasins de conservation ou vers les lieux de diffusion, dans les salles de lecture.

La conservation des documents est désormais effectuée dans des magasins maintenus à température et à humidité contrôlées. C’est là, avec la salle de consultation et le studio multimédia, que sont installés les équipements spécialisés de protection des documents.

La disposition des services administratifs favorise la communication entre la direction générale, le secrétariat général, l’édition, la promotion et les relations publiques, les relations internationales et d’autres services d’ordre administratif : ressources humaines, financières et matérielles. L’ensemble de l’édifice a donc été conçu pour atteindre la plus grande efficacité et pour employer au mieux les ressources disponibles.

La température des magasins de conservation est de 17°C en tout temps, l’humidité relative est maintenue à un minimum de 30 % en hiver et à un maximum de 45 % en été, avec un taux de variation moyen de 3 % par mois. Les magasins de conservation sont dotés d’un système de filtration de l’air performant afin de protéger les documents des contaminants solides (poussière, suie, moisissures, spores) et des contaminants gazeux, tel le dioxyde sulfureux, contaminants aériens qui peuvent causer des abrasions, des taches et des dommages chimiques. Les magasins sont également placés sous surveillance électronique.

Hormis les sorties d’urgence et le quai de livraison, l’édifice est doté d’une seule porte d’entrée et de sortie. Les déplacements des visiteurs sont contenus à l’intérieur d’un périmètre déterminé près de l’entrée. Les employés de la Bibliothèque sont munis d’une carte magnétique codée qui leur permet d’accéder à des zones déterminées. Les magasins de conservation sont des zones protégées, accessibles uniquement au personnel autorisé tels les magasiniers et les responsables de la conservation. Grâce à la carte magnétique, l’identité des personnes qui accèdent aux divers magasins est enregistrée, de même que leur heure d’entrée et de sortie.

Les cartes magnétiques s’avèrent un élément du système de sécurité dont le fonctionnement repose sur un ensemble d’équipements : détecteurs de sortie, boutons de panique portatifs, détecteurs de mouvement à infrarouge, détecteurs de bris de verre, détecteurs d’eau au plancher, de fumée et de feu et télésurveillance visuelle des zones intérieures et extérieures. Tous ces équipements sont reliés à un ordinateur qui en traite les données. Le centre de contrôle est lui-même relié directement à une centrale monitrice de la région de Montréal qui assure une surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à longueur d’année.

Et si un sinistre se produisait quand même, un plan d’urgence, révisé annuellement, définit les méthodes de sauvetage de la collection et le cadre de protection des personnes et des collections contre les dommages ou la perte en diverses circonstances : incendie, inondations, dégâts causés par l’eau, catastrophe naturelle, vol, vandalisme ou infestation par des insectes ou des rongeurs.

Enfin, l’édifice est pourvu d’un groupe électrogène qui alimente l’ensemble du bâtiment en cas de panne électrique. Toutes les conditions sont donc réunies pour assurer au patrimoine publié québécois la protection qu’il mérite.

Diffusion

Le gouvernement du Québec s’apprête à créer une grande bibliothèque qui assurera la diffusion des collections de la Bibliothèque nationale tout en dotant la ville de Montréal d’une véritable bibliothèque centrale. Les fonctions de diffusion de l’actuelle bibliothèque centrale de Montréal ainsi que celles de la Bibliothèque nationale seront donc intégrées dans cette nouvelle bibliothèque qui offrira aussi des services de soutien aux citoyens québécois et à l’ensemble des bibliothèques du Québec.

La Grande bibliothèque du Québec offrira les exemplaires de diffusion de la collection nationale ainsi qu’une collection universelle, constituée de la collection générale de la Bibliothèque centrale de la Ville de Montréal et des nouvelles acquisitions de la Grande bibliothèque. Ses activités viseront la communication au grand public.

La collaboration des deux bibliothèques participantes et l’utilisation intensive des nouvelles technologies permettront de réduire la proportion des espaces réservés aux services de soutien et de préparation des documents. La superficie de l’édifice sera de 30 000 m2 et le coût est estimé à 75 millions de dollars canadiens.

La réalisation de ce projet, qui sera inauguré au printemps 2002, ou avant si possible, assurera donc aux collections de la Bibliothèque nationale du Québec une diffusion à la mesure de leur importance.

Avril 1998