L'ombre errante de l'écriture...

Rencontres nationales des maisons d'écrivains

Yves Jocteur Montrozier

Après un long purgatoire, les maisons d’écrivains et les musées littéraires semblent retrouver une légitimité, phénomène dû à des raisons sociologiques et économiques, et depuis longtemps entravé, comme l’a fait remarquer Michel Melot, dans son rapport sur les maisons d’écrivains, par « les écartèlements juridiques ou institutionnels... et surtout une crise permanente d’identité et de visibilité ».

Dans ce contexte, les premières rencontres, organisées en 1996 1 à l’initiative du Centre départemental de documentation pédagogique de Bourges, dans la région Centre où les maisons d’écrivains sont nombreuses (2e rang en France), ont posé quelques bases de réflexion sur la fonction et le devenir des maisons d’écrivains.

Leur succès fut tel qu’une deuxième édition de ces rencontres a été programmée à Bourges, du 4 au 6 décembre 1997, rencontres auxquelles étaient associées la Direction du livre et de la lecture et la Direction des musées de France. Plus étoffées et plus internationales que les précédentes, elles furent précédées d’un préambule où Jacques Lacarrière, dans un texte intitulé « Un corps entier de songes », donna sa propre définition de la maison d’écrivain.

Les maisons d’écrivains en Europe

La première journée fut consacrée à un tour d’horizon des maisons d’écrivains en Europe, avec les interventions des responsables du musée Karen Blixen au Danemark, de la maison de Federico García Lorca à Grenade, du musée Dickens de Londres, de l’Institut Henri Heine. Les différentes présentations ont montré la variété des situations, des modalités de gestion, et même de conception par les conservateurs de ces maisons. Pour la France, les résultats d’une enquête auprès de quarante-huit institutions (musées, maisons, bibliothèques) ont permis d’esquisser un état des lieux.

La seconde journée, extrêmement riche, et qui a davantage soulevé de questions qu’elle n’en a résolues, était organisée en quatre ateliers, sur des thèmes répondant à des souhaits exprimés lors des rencontres de 1996 : les problèmes juridiques de la propriété intellectuelle, la constitution et la conservation des collections, les inventaires et catalogues, et l’accueil des publics. A la fois pôles d’information et de réflexion, en présence de nombreux experts, ces ateliers ont montré, à l’évidence, que chacun d’eux méritait d’être développé dans des journées thématiques.

La Fédération nationale des maisons d’écrivains et des patrimoines littéraires

Pour clore ces journées, une matinée a été consacrée à la création (attendue) d’une Fédération nationale des maisons d’écrivains et des patrimoines littéraires, dont le siège se situe tout naturellement à Bourges. Si une Association française des maisons d’écrivains a vu le jour selon des critères stricts, la Fédération nationale s’est assignée des buts différents et plus larges.

Elle prend en compte l’ensemble des patrimoines littéraires dans leur diversité : maisons, musées d’écrivains, archives littéraires des bibliothèques, associations, recherches, conservation et transmission de l’écriture littéraire aujourd’hui. Son objectif est de faire connaître ces patrimoines au public le plus large comme au chercheur le plus averti, et de sensibiliser l’opinion à la conservation et au développement de ces patrimoines à travers des manifestations de caractère national.

La Fédération souhaite œuvrer pour la mise en valeur de l’ensemble des sites, par des échanges et des activités de formation, ainsi que par la diffusion des informations intéressant ces maisons. Les bibliothèques possédant des fonds littéraires sont donc concernées par sa création. À l’occasion du colloque de Bourges, M. et Mme Alain Rivière ont fait donation à la ville de Bourges, pour la bibliothèque municipale, des papiers d’Alain-Fournier et de Jacques Rivière, directeur de la NRF.

Ces rencontres ont donc démontré la vitalité des institutions et des particuliers attachés à la mémoire des écrivains et, qui, comme l’a dit Jacques Lacarrière, entendent bien que cette mémoire devienne « une source et non un mausolée ».