Science en bibliothèque
Science en bibliothèque : sous ce titre, on devine, à raison, des contributions – plus d’une vingtaine – consacrées aux collections scientifiques. C’est ce que propose l’ouvrage dirigé par Francis Agostini, mais en partie seulement. Une large part de l’ouvrage, et c’est là que réside son originalité, s’attache aux relations entre science et culture, entre science et vulgarisation et à l’accès à la science dans les bibliothèques de lecture publique.
Cette approche, distanciée, rend la lecture de ce livre pleine d’intérêt quand bien même l’on n’aurait ni la responsabilité de créer, de développer, de gérer un fonds scientifique, ni surtout une formation scientifique initiale – ce qui est le cas de la grande majorité des bibliothécaires.
Les enjeux
La première moitié du livre porte sur deux thèmes : les contextes de l’actualité culturelle et scientifique et les modes de diffusion de la connaissance scientifique. Roger Lesgards 1, dans sa préface, en éclaire, d’emblée, les enjeux en posant la question suivante : « Peut-on aller ainsi jusqu’à établir de nouveaux liens, de nouveaux rapports entre la science et le citoyen de telle sorte que l’une et l’autre en tirent profit ? » Il poursuit : « Les bibliothèques peuvent ainsi légitimement prétendre tenir, par un renouvellement des modes de diffusion d’une culture scientifique et technique, une place de plus en plus déterminante dans le processus du renouveau nécessaire de la citoyenneté ».
Une dizaine de chapitres présente les acteurs, les lieux de la culture scientifique et technique, incluant musées et expositions, avant de s’attacher à la diffusion de la connaissance scientifique et technique. Est alors posée la question – classique – de la vulgarisation qui n’est pas ici considérée comme une forme de « dégradation » de la science. Sont passés en revue les différents modes de diffusion : procédés littéraires liés à la vulgarisation scientifique, encyclopédies, bibliothèques. Finalement, la science-outil est rejetée au profit de la science-culture 2.
Production et vulgarisation
La deuxième partie de l’ouvrage est dédiée à la production éditoriale et audiovisuelle et aux conditions de la vulgarisation scientifique dans les bibliothèques. Un vaste panorama de l’édition souligne le vif développement éditorial des collections généralistes, c’est-à-dire de vulgarisation 3. Sont ensuite examinées, au long de plusieurs chapitres, les différentes productions pédagogiques (définies comme un contenu et une démarche d’acquisition de ce contenu), les technologies disponibles dans le domaine de la vulgarisation scientifique et technique ou bien encore les ressources électroniques disponibles sur Internet.
La mise en relation de cette production diversifiée et de la bibliothèque fait l’objet de plusieurs analyses. Celles-ci s’intéressent à l’organisation de la bibliothèque et aux accès à ses ressources, au développement qualitatif des collections (qui ne peut faire l’économie de leur évaluation), aux politiques d’acquisition. Les contenus documentaires apparaissent, à chaque fois, comme un facteur essentiel. Par le biais de l’analyse des publics, mais aussi des bibliothécaires, la question de la médiation est également étudiée ainsi que celle de la coopération.
Une liste des centres de culture scientifique, technique et industrielle, des encadrés, des annexes, notamment sur la qualification des collections scientifiques et techniques (véritable outil méthodologique) de la médiathèque de la Cité des sciences et de l’industrie, une bibliographie éclairent des points ponctuels et complètent ce livre.
En bibliothèque
Il s’agit donc là d’un ouvrage fort complet, où chacun peut puiser et constater que, dans le domaine scientifique, les bibliothèques tiennent déjà une place significative. Celle-ci pourrait encore se développer. Dans l’environnement multimédia qui se dessine, écrit Joël de Rosnay 4, « le guide socratique de la bibliothèque qui sera à la fois réel et virtuel, saura inciter les gens à explorer de nouveaux territoires, les conduire par la main vers des lieux de ressources, leur permettre d’exercer un certain nombre de méthodologies fondamentales pour acquérir les connaissances nécessaires ». A ceux qui douteraient d’un tel avenir, Sylvain Auroux rétorque que, précisément dans le domaine scientifique, la bibliothèque occupe une place décisive : « Le savoir scientifique est un savoir formel dont le lieu de conservation privilégié est toujours externe à l’individu, c’est le livre et plus généralement ce sont les bibliothèques. On a toujours considéré ces deux dernières propriétés – le formalisme et l’externalité comme accessoires – je crois qu’elles sont essentielles. [...] Ce qui est en question, c’est la possibilité du retour des savoirs scientifiques [...] dans la sphère des capacités représentatives des individus » 5.
Si la science, peu développée jusqu’à présent dans les bibliothèques publiques, méritait ce livre pionnier, on en vient presque à rêver à d’autres ouvrages qui s’attacheraient aussi intelligemment à d’autres contenus disciplinaires.