Les sources bibliographiques

Étude comparée de leur utilisation dans les bibliothèques universitaires françaises

Annick Niel

L'informatisation du catalogage est actuellement largement engagée dans les bibliothèques universitaires françaises. Elle se fait selon le principe du catalogage en réseau dans l'une des trois sources agréées par l'Administration centrale : Sibil-France, OCLC et BN Opale. Comment s'est effectué le choix des bibliothèques, quelle est l'importance respective des trois groupes, leur productivité par rapport à leurs acquisitions... ? Telles sont les questions abordées dans un premier temps, avant d'en venir, dans un second temps, au coût comparé de la notice selon la source retenue. Une étude menée pour l'année 1992 sur un échantillon de 43 BU tend à prouver que ce coût dépend moins de la source elle-même que de l'organisation du travail et du personnel mis en oeuvre.

Cataloguing computerization is at present widely engaged in French university libraries. It is performed according to the principle of network cataloguing within one of the three sources approved by the Central administration : Sibil-France, OCLC and BN Opale. How did libraries choose their system, what is the importance of each of the three groups, their productive capacity in relation to their acquisitions ? Such are the questions approached at first, before coming secondly to a comparative cost of the entry according to the chosen source. A study carried out in 1992 on a sample of 43 university libraries, tends to prove that this cost is less depending on the source itself than on the organization of work and staff put into effect.

Der Einsatz der EDV für die Katalogisierung wird heute im Netz der französischen Universitätsbibliotheken nach dem Grundsatz einer verteilten Arbeit verbreitet. Jede Anstalt verwendet eine der drei von der Zentralverwaltung genehmigten Quellen, d.h. Sibil-France, OCLC und BN-Opale. Wie haben die Bibliotheken ihre Wahl getroffen, welche gegenseitige Bedeutung hat jede Gruppe gewonnen, entspricht ihre Leistungsfähigkeit den Erwerbungen der Anstalten ? Die Verfasserin beantwortet zuerst diese Fragen, bevor sie die Durchschnittskosten einer Aufnahme nach der verwandten Quelle vergleicht. Eine 1992 in 43 Universitätsbibliotheken durchgeführte Untersuchung gibt also den Hinweis, diese Kosten hängen mehr von den Arbeitsmethoden und dem angestellten Personal ab, als von der Quelle selbst.

L'informatisation des bibliothèques universitaires est aujourd'hui largement engagée. Le catalogage - moyen essentiel pour l'utilisateur de retrouver le document recherché - a été, avec le prêt, une des premières fonctions touchées par l'informatisation.

Cette informatisation du catalogage s'est accompagnée d'une réflexion sur la méthodologie à adopter. Le principe retenu a été celui du catalogage en réseau dans une source, permettant à la fois le partage du travail entre les bibliothèques et l'harmonisation des règles de catalogage entre les membres du même réseau.

Les bibliothèques universitaires ont actuellement le choix entre trois sources officiellement agréées par l'administration centrale : Sibil (1982 ->), OCLC (1988->). BN Opale (1989->).

Chaque bibliothèque est invitée à choisir parmi l'une de ces trois sources, celle qui présente « la meilleure adéquation du contenu d'une base avec les fonds d'un établissement et sa politique d'acquisitions, de façon à trouver le ratio le plus satisfaisant entre les créations et les dérivations de notices catalographiques » 1 et, par souci de cohérence, à n'en choisir qu'une seule. De même, toutes doivent indexer leurs documents selon un vocabulaire commun extrait du Répertoire d'autorité de matière encyclopédique et alphabétique unifié (Rameau).

Les notices catalographiques alimentent alors le Pancatalogue (Catalogue collectif national de localisation des ouvrages de l'Enseignement supérieur) par l'intermédiaire des producteurs des réservoirs qui lui fournissent directement la bande d'alimentation.

La méthode suivie dans cette étude a été de décrire, dans un premier temps, le profil de chacun des groupes, avant d'étudier, dans un deuxième temps, le coût des notices afférentes aux trois sources.

Les sources

Au 31 décembre 1992, 18 bibliothèques avaient adhéré à Sibil-France (dont 10 en province, 8 à Paris), 30 à l'OCLC (19 en province, 11 à Paris) et 16 s'étaient déclarées en faveur de BN Opale (12 en province, 4 à Paris), un certain nombre de bibliothèques n'ayant pas encore fait de choix. On se trouve donc alors en présence de trois groupes de bibliothèques, dont le volume global d'acquisitions à titre onéreux (hors Cadist) comptabilisé par titres est sensiblement de même importance :

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Source (1)

A ce potentiel de catalogage évalué en titres, il faut ajouter les acquisitions à titre onéreux ou gratuit, c'est-à-dire dons, échanges, acquisitions Cadist et thèses pour Sibil et BN Opale, mais qui - dans l'enquête ESGBU 2 où ont été puisées ces informations - sont évaluées en volumes, soit :

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Source (2)

Ces résultats globaux ne doivent pas cacher la grande disparité existant à l'intérieur d'un même groupe de bibliothèques quant à leur volume d'acquisitions à titre onéreux. Ainsi, l'écart séparant la bibliothèque qui a acquis le plus grand nombre de titres de celle qui en a acquis le moins est d'environ 10 000 titres pour le groupe BN Opale, de 14 750 pour le groupe Sibil et de près de 17 700 pour celui d'OCLC.

Ce qui explique que, dans le groupe OCLC, sept bibliothèques sur trente assurent à elles seules la moitié de la production totale des notices créées ou dérivées, phénomène que l'on retrouve dans Sibil, où la moitié des notices est produite par quatre bibliothèques sur dix-huit. La deuxième remarque que l'on peut faire est que le plus ou moins grand nombre d'acquisitions de titres étrangers semble avoir été à l'origine de la décision des bibliothèques quant au choix de la source.

Ainsi, le groupe OCLC, avec 31 062 titres, arrive très nettement en tête des bibliothèques acquérant le plus grand nombre de titres étrangers, suivi par le groupe Sibil : 21 650 titres, lui-même suivi par BN Opale : 19 285 titres.

Au total, la majorité des bibliothèques - sauf quelques bibliothèques dont l'adhésion remonte, dans la plupart des cas, aux premières années de l'informatisation du catalogage - a apparemment fait « le bon choix », c'est-à-dire choisi la source qui convenait le mieux au fonds de l'établissement et à sa politique d'acquisitions.

Taux de recouvrement

Conséquence directe de cette bonne orientation, le taux de recouvrement, calculé à partir des notices cataloguées dans l'année, révèle un pourcentage global d'un peu plus de 81 % de notices dérivées contre moins de 19 % de notices créées pour OCLC et de plus de 86 % de notices dérivées contre moins de 14 % de notices créées pour BN Opale. Ce taux de recouvrement est extrêmement satisfaisant, même s'il faut observer qu'un certain nombre de ces bibliothèques était alors en période de formation, ce qui a eu pour conséquence de majorer leur nombre de dérivations.

Si le taux de recouvrement est moins satisfaisant pour Sibil-France - le pourcentage de dérivations s'établissant à environ 54 % contre un peu plus de 46 % de créations -, c'est sans doute que, dès le départ, la philosophie de Sibil-France s'est distinguée de celle des deux autres sources en privilégiant ce que ses participants appellent un catalogage partagé par opposition à un catalogage dérivé.

Cela ne semble cependant pas avoir nui à la productivité de ce réseau qui, en 1992, a catalogué 129 464 notices, dont 59 881 créations et 69 683 dérivations.

Sibil a ainsi dépassé de plus de 22 % le nombre total de notices OCLC qui s'est élevé en cette même année à 100 065 notices, dont 18 961 créations et 81 104 dérivations.

Le groupe BN Opale qui, en dehors de la bibliothèque Sainte-Geneviève opérationnelle depuis 1989, ne compte à la même date que six nouvelles bibliothèques, a produit 37 208 notices - dont 18 729 par la seule bibliothèque Sainte-Geneviève - se répartissant en 5 129 créations et 32 079 dérivations.

La comparaison entre titres acquis et notices cataloguées amène à penser que, quelle que soit la source utilisée, un grand nombre de bibliothèques souffre de retard dans le traitement des ouvrages. Sur les causes de ce retard, plusieurs hypothèses semblent pouvoir être avancées :
- l'existence d'un retard préexistant à l'informatisation, qu'elle devait en principe permettre de résorber. Cet objectif n'a pu être atteint en raison des effets successifs du rapport Miquel, puis de la contractualisation, qui ont provoqué une augmentation importante du volume d'acquisitions documentaires ;
- une organisation du travail pas toujours rationnelle, sur laquelle est venue se plaquer - sans réexamen ni éventuelle remise en cause des méthodes de traitement - l'informatisation du catalogage ;
- un nombre insuffisant de catalogueurs : l'accroissement des acquisitions n'ayant pas été suivi d'une augmentation parallèle du nombre de ceux-ci, mais bien au contraire, avec la mise en place des nouveaux statuts, d'une diminution de leur nombre ;
- le manque de pratique dans la source - cas évoqué plus particulièrement par les bibliothèques spécialisées - où les ouvrages sont à la fois trop complexes et le volume d'acquisitions trop faible pour que les catalogueurs puissent atteindre une maîtrise parfaite du logiciel et donc de grandes performances quant à la productivité du catalogage ;
- le perfectionnisme excessif de certains qui alourdit considérablement le temps de travail normalement consacré à la rédaction d'une notice.

Coûts de catalogage

Le deuxième point abordé concerne l'étude comparée des coûts de catalogage. On doit faire à ce sujet cette remarque préliminaire : l'expression « coût de catalogage » ne signifie pas la même chose pour chacune des trois sources, ni même à l'intérieur d'une même source.

Ainsi, le groupe OCLC acquiert une notice dont le prix diffère selon la nature (dérivation ou catalogage rétrospectif), ou obtient un crédit de catalogage (création ou enrichissement). Les groupes Sibil et BN Opale acquittent, quant à eux, un forfait mensuel au terminal, dans lequel non seulement le prix de la notice est inclus, mais également celui des produits et même, dans Sibil, la maintenance des terminaux ; de plus, les usagers de ce dernier groupe n'ont pas à payer de frais de télécommunications pris en charge par la Direction de la recherche et des études doctorales au ministère de l'Education nationale. Autre exemple, dans OCLC où l'éventail des produits est grand, acquérir une notice peut signifier pour une bibliothèque la seule acquisition d'une bande magnétique avec mise à jour semestrielle et, pour une autre, non seulement l'acquisition d'une bande magnétique avec mise à jour mensuelle (donc plus chère), mais aussi microfiches de sauvegarde, liste d'acquisitions, envoi de statistiques par discipline, etc.

Enfin, certaines bibliothèques - par choix ou par nécessité - maintiennent un catalogage parallèle sur papier et une intercalation, dont le coût important, lorsqu'il est transformé en masse salariale, n'apparaît pas dans les réponses au questionnaire.

Une estimation prudente

Compte tenu de ces remarques, on dira donc que, dans cette étude, on s'est efforcé d'établir une estimation approximative prudente des coûts de catalogage dans chacune des sources considérées.

Pour la réalisation de cette enquête, le coût du catalogage a été segmenté en trois rubriques :
- coût de la notice et des produits pour OCLC, du forfait pour Sibil et BN Opale,
- coût d'amortissement et de fonctionnement,
- salaires du personnel.

Pour tout ce qui est relatif aux notices (nombre et coûts) et aux produits, le recours aux données venant directement de la source elle-même a été privilégié - factures pour OCLC ou statistiques fournies directement pour la Bibliothèque nationale. Pour Sibil, les statistiques ont été communiquées par le Centre national universitaire Sud de calcul (Cnusc) et ne comportent - comme pour les autres bases - que les seules notices de monographies et de numéros spéciaux de périodiques.

En ce qui concerne les autres données : amortissement, dépenses de fonctionnement, frais de personnel, il a été fait recours, pour OCLC, aux réponses à l'enquête annuelle de l'Association des utilisateurs du réseau OCLC en France (Auroc) et, pour les deux autres sources, à un questionnaire similaire envoyé aux 18 bibliothèques Sibil et aux 7 bibliothèques cataloguant en 1992 sur BN Opale. Les réponses obtenues et exploitables concernent 20 bibliothèques OCLC, 16 bibliothèques Sibil et 7 bibliothèques BN Opale, soit un échantillon de 43 bibliothèques sur les 55 ayant adhéré à l'une de ces sources.

Il faut constater, tout d'abord, que la répartition entre les divers éléments entrant dans le coût de la notice sont assez proches, quelle que soit la source utilisée, le poste de loin le plus élevé étant - comme l'ont déjà démontré les enquêtes précédentes de la Direction du budget et de Geneviève Boisard 3 - celui des salaires du personnel (cf. tableau 1).

Dès lors, l'importance occupée par la charge salariale dans la détermination du coût final de la notice explique, d'une part, que la moyenne des coûts obtenue dans chacune des trois sources soit finalement assez proche l'une de l'autre et, d'autre part, qu'une extrême diversité de coûts puisse régner dans une même source, comme on peut le voir dans le graphique ci-contre.

Ainsi, pour Sibil, le coût moyen d'une notice s'établit à 234,88 F et le coût médian 4 à 204,11 F. Mais, comme nous l'avons déjà l'indiqué, ces chiffres recouvrent une grande disparité entre établissements. Le coût le plus bas obtenu par une bibliothèque Sibil est de 100 F et le plus élevé de 667,49 F.

Pour BN Opale, le coût moyen s'établit à 241,42 F, le coût médian à 212,46 F. Le coût le plus bas est de 35,35 F et le plus élevé de 533,14 F. Il faut noter ici que si BN Opale détient incontestablement le record du coût de notice le moins élevé, c'est qu'elle possède une nette supériorité sur les autres sources : lorsque la notice existe dans la base, la dérivation permet d'obtenir non seulement la notice signalétique, mais également la vedette matière Rameau, d'où un gain de temps important pour le personnel scientifique et, en conséquence, une économie de coût non négligeable.

Enfin, pour OCLC, le coût moyen se situe à 261,66 F et le coût médian à 247,89 F. Le coût le plus bas est de 161,61 F, le plus élevé de 851,95 F.

Pour conclure sur le chapitre des coûts, j'indiquerai que le coût moyen d'une notice toutes sources confondues s'établit à 265,90 F et le coût médian à 224,36 F (cf. tableau 2).

Amélioration en quatre axes

On peut dire - en grossissant peut-être le trait - que le coût du catalogage dépend moins de la source choisie, que de l'organisation du travail et du personnel mis en œuvre. On en déduit donc que si l'on veut améliorer à la fois le prix de revient et la productivité du catalogage, les efforts doivent essentiellement porter sur quatre axes :
- l'intégration de la notion de coût économique de la notice dans la formation au catalogage. C'est au niveau de la formation que cette notion doit être inculquée au catalogueur, en insistant particulièrement sur le coût du personnel, qui jusqu'à présent a été trop occulté. Il serait bon également d'insister sur le fait qu'il ne s'agit pas pour les bibliothèques universitaires de se substituer aux agences bibliographiques existantes, mais bien de mettre la documentation à la disposition des usagers dans les délais les plus brefs ;
- la réorganisation préalable à toute informatisation de la chaîne de traitement à l'intérieur de l'établissement ;
- la remise à plat de l'existant dans tout établissement soucieux d'améliorer les coûts d'opérations de catalogage. En effet, si le questionnaire utilisé dans cette enquête a permis d'obtenir globalement le temps de catalogage, il n'a pas permis de connaître la manière dont s'effectuait le partage de ce temps non seulement entre la confection de la notice signalétique et celle de la vedette matière, mais également entre les différentes étapes du processus de création ou de dérivation. Or, ce n'est que par une étude poussée du découpage du temps de catalogage qu'on pourra mettre en lumière les dysfonctionnements qui sont susceptibles d'exister aux différentes étapes du catalogage et y porter remède ;
- la répartition la plus adéquate possible entre les différentes catégories de personnel impliqué dans les opérations de catalogage. En effet, si la création d'une notice nécessite l'intervention de professionnels qualifiés connaissant formats et règles de catalogage, en revanche la récupération d'une notice n'oblige pas à connaître en détail ces mêmes règles, et peut se satisfaire de personnels non qualifiés ayant reçu une formation « légère ».

L'enjeu, il ne faut pas l'oublier, est d'importance, car s'il n'est pas porté rapidement remède aux dysfonctionnements observés, on peut craindre que ne soit remise en question la réussite du schéma directeur informatique mis en œuvre par la Sous-direction des bibliothèques, sur lequel repose une grande partie des espoirs d'amélioration du système.

Mars 1994

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Tableau 1 - Éléments dans le coût final d'une notice

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Coût final d'une notice informatisée

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Tableau 2 - Récapitulatif du coût d'une notice

  1. (retour)↑  Jean-Pierre CASSEYRE, Catherine GAILLARD, Les bibliothèques universitaires, PUF, 1992, (Que sais-je ?, 2714).
  2. (retour)↑  Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Direction de l'information scientifique et technique et des bibliothèques, Annuaire des bibliothèques universitaires et des grands établissements 1992. Résultats de l'enquête statistique générale auprès des bibliothèques universitaires, à paraître en 1994.
  3. (retour)↑  Geneviève BOISARD, Le coût du catalogage, Paris, IFLA, 1989. L'enquête menée par la Direction du budget au second trimestre 1989 n'a, quant à elle, pas été publiée.
  4. (retour)↑  Le coût moyen s'obtient en additionnant toutes les données et en divisant par le nombre d'occurrences. Le coût médian est le coût, qui, dans une série ordonnée, occupe la position centrale.