Les sciences de l'écrit

encyclopédie internationale de bibliologie

par Jean-Pierre Brèthes
sous la dir. de Robert Estivals
Paris : Retz, 1993. - 576 p. ; 23 cm. - (Les Encyclopédies du savoir moderne)
ISBN 2-7256-1428-7 : 290 F

Préparé sous les auspices de l'Association internationale de bibliologie (créée en 1988), Les Sciences de l'écrit, fruit d'un travail de cinq années, se veut une encyclopédie internationale des sciences de la communication écrite, de par son objet - l'étude de ces sciences en France comme dans les principaux pays du monde - et de par ses auteurs, venant d'une quinzaine de pays, même si la France reste surreprésentée, ce que déplore le maître d'oeuvre, Robert Estivals, bien connu dans le monde de la bibliologie et de la bibliométrie.

Dans un avant-propos éclairant, Robert Estivals rend hommage à ses précurseurs de langue française, Gabriel Peignot, auteur d'un Dictionnaire raisonné de bibliologie (1802-1804), Gustave Brunet, auteur du Dictionnaire de bibliologie catholique (1860) et le belge Paul Otlet, qui publia son célèbre Traité de documentation : le livre sur le livre, théorie et pratique en 1934 1, comme à ses prédécesseurs en langue étrangère, allemands (1935-1937), polonais (1971) ou espagnols (1989). Il montre bien comment la bibliologie, science du livre (au XIXe siècle), puis du livre et du document (au début du XXe siècle) a évolué et s'est dégagée peu à peu de la bibliographie d'abord, puis de la bibliothéconomie, pour devenir science de la communication écrite, englobant l'écrit sous toutes ses formes : livre certes, mais aussi écrit périodique, écrit manuscrit, écrit audiovisuel, écrit informatisé, etc.

Ce n'est en fait qu'après la Seconde Guerre mondiale, et plus précisément vers les années soixante-dix, que se sont développées à l'échelon mondial les sciences de l'information et de la communication dans lesquelles s'inscrit la bibliologie, dont cet ouvrage souhaite présenter une synthèse. Le champ d'étude ouvert ici est fondé sur la théorie de la systémique, mais s'il s'efforce de couvrir toutes les formes de l'écrit, il exclut en principe les arts et les techniques de la communication 2.

Deux catégories de sciences

Le schéma de classification utilisé repère deux catégories de sciences : les sciences interdisciplinaires (sociologie bibliologique, psychologie bibliologique, par exemple) et les sciences particulières ou sectorielles, qui ne couvrent qu'une partie seulement du champ d'étude de la bibliologie (ex. : écriture, grammatologie, lecture). L'ensemble étant présenté sous la forme d'un algo-livre : ordre alphabétique d'articles, avec un système d'onglets, qui permet d'aller directement aux onze articles principaux, destinés à constituer à eux seuls « une théorie de la bibliologie », et qui font de 8 pages à 40 pages. Ces articles principaux sont les suivants : bibliologie (Robert Estivals), bibliométrie (Robert Estivals et Bertram Brooks), panorama de l'édition contemporaine (Philippe Schuwer), enseignement de la bibliologie et des métiers du livre (Robert Estivals et Walter Krumholz), histoire du livre (Henri-Jean Martin), place de la bibliologie parmi les sciences de l'information et de la communication (Jean Meyriat), sémiologie et documentologie (Robert Estivals et Béla Büky), bibliologie et psychologie (François Richaudeau), sociologie de l'écrit (Miklos Szabolcsi et Robert Escarpit), enfin les techniques (René Ponot, Jean Meyriat et Jacques Breton). Ils occupent 45 % du livre. Près de 300 termes les complètent. Tout un système de renvois permet de se reporter sans difficulté d'un article à un autre ou de retrouver rapidement une définition recherchée. Il manque des entrées non retenues, illettrisme, par exemple.

Une multiplicité d'entrées

On trouvera parmi les termes faisant l'objet d'un bref article (10 lignes à 3-4 pages) aussi bien des noms de personnes, bibliologues, bibliophiles, bibliographes morts, connus, méconnus ou inconnus (Al Djahiz, Henry Evelyn Bliss, Marshall Erbert McLuhan, abbé Jean-Joseph Rive, par exemple), que des noms d'institutions, classées à leur sigle (AFLI, AQUEI, IFLA, IIB, etc.), et des notions se rapportant à l'écrit : organismes (agence de presse, bibliothèque, par exemple), métier (agent littéraire, écrivain, libraire, traducteurs, etc.), pays (Allemagne, Bulgarie, Canada, Chine, Espagne, Etats-Unis, Japon, etc.), aspects sociologiques (analphabétisme, lecture, etc.), linguistiques (analyse, écriture..., génétique de l'écrit, graphique, orthographe, phrase, etc.), bibliothéconomiques (catalogue, classification, descripteur, document, fac-similé, fiche, microforme, thésaurus, etc.), politiques (censure, dépôt légal, etc.), éditoriaux (comité de lecture, copyright, diffusion/distribution, droit d'auteur, foires du livre, etc.), genres d'écrits (bande dessinée, encyclopédie, graffiti, hypertexte, thèse, etc.), actes d'écriture (calligraphie, écrit, etc.), techniques (caractère d'imprimerie, code typographique, couverture, papier, reliure, etc.)...

Mais arrêtons l'énumération de quelques-unes des entrées de ces Sciences de l'écrit, qui va devenir l'ouvrage incontoumable pour qui s'intéresse à la bibliologie. Bien sûr, on pourra regretter quelques insuffisances, dont Robert Estivals est conscient et qu'il cite dans son avant-propos : les auteurs des articles se contentent souvent de décrire les faits, ils traitent parfois d'objets qui auraient dû être en dehors du champ d'étude (les techniques par exemple), ils sont trop souvent hexagonaux et présentent « en termes généraux des phénomènes purement français », enfin et surtout ils ne font pas vraiment la différence entre les techniques de l'écrit et les sciences de l'écrit. Cela tient sans doute à ce que la bibliologie et les sciences de l'écrit sont, en tant que tels, des sciences encore très jeunes, et dont la théorisation reste très difficile. Les bibliographies en fin d'articles ne nous ont pas paru toujours très à jour 3. Pourtant, voici un ouvrage indispensable dans toute bibliothèque et qui devrait jouer un grand rôle dans la formation initiale et continue des bibliothécaires et des documentalistes.

  1. (retour)↑  Réimprimé en 1989 par le très actif Centre de lecture publique de la Communauté francophone de Belgique.
  2. (retour)↑  Déjà étudiées dans La Chose imprimée, Retz, 1985, les techniques de l'écrit auraient dû en être hors champ.
  3. (retour)↑  Ainsi, pour l'article « Analphabétisme et illettrisme », aucune référence postérieure à 1983 et pour l'article « Imprimerie/imprimeurs », aucune référence postérieure à 1972.