Les collections photographiques

Dans les bibliothèques et musées de l'enseignement supérieur

Jacqueline Dubois

Outre leurs collections traditionnelles, les bibliothèques et aussi les musées sous tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche recèlent des collections photographiques de taille et d'origine variable. Description bibliographique, conservation et diffusion posent des problèmes spécifiques différents de ceux liés au livre. Quelle normalisation et quelle politique pour des collections qui cherchent à fixer leur statut ? Quel statut pour la photographie au sein des bibliothèques ? En deux exemples, deux grandes collections sont décrites : la Bibliothèque d'art et d'archéologie, la Photothèque du musée de l'Homme.

Besides traditional collections, libraries and museums ruled under the Ministry of Academic teaching and Research, own large photographic collections which size and history vary. Bibliographic description, preservation and access generate specific questions different from book collections. What normalization and what potitics for collections searching a statute ? What statute for the photography itself ? Two large collections are described as examples : the Art and Archeology library and the Musée de l'Homme photographic collections.

Außer ihrem hergebrachten Bestand besitzen auch die Bibliotheken und Museen, deren zuständige Verwaltung das Ministerium des Hochschulunterrichts ist, photographische Sammlungen verschiedener Größe und Herkunft. Diese Dokumente sollen ja katalogiert, erhalten und der Öffentlichkeit zur Verfügung gestellt werden, was auf andere Problemen als bei den Büchern aufstößt. Was für Normierung gibt es, was für Politik diesen Sammlungen gegenüber, deren Stellung noch nicht bestimmt wird ? Über welche Art Stellung kann die Photographie in den Bibliotheken verfügen ? Als Beispiele werden zwei große Sammlungen beschrieben : die Kunst- und Archäologiebibliothek, und die « Photothek » des Musée de l'homme.

Depuis plusieurs années maintenant, l'Association des directeurs de bibliothèques universitaires travaille par l'intermédiaire de ses commissions. L'une, la commission « Patrimoine », après s'être intéressée à divers sujets du domaine, abordait l'an passé le problème récurrent des « tarifs photographiques », si variables d'une maison à une autre. On s'aperçut bien vite, à la comparaison des tarifs en vigueur dans les différents établissements - quand tarif il y avait -, de la disparité de fonctionnement, tant sur le plan des services offerts que sur celui des tarifications, et en amont tout simplement de la situation des collections photographiques.

Des collections inégales

Les collections de photographies des établissements de l'Enseignement supérieur sont très inégales. Elles existent dans les bibliothèques comme des fonds particuliers de taille très variable ou dans les musées dont elles sont quelquefois des services spécifiques. Il y en a bien évidemment aussi dans les divers laboratoires de recherche du Muséum, du Centre national de la recherche scientifique, du Conservatoire national des arts et métiers et autres institutions. Examinons quelques cas, sans prétendre à l'exhaustivité qu'aurait nécessité une enquête très stricte.

Les bibliothèques des grands établissements et les bibliothèques universitaires ont généralement engendré une collection issue de leurs fonds d'imprimés, de manuscrits, archives, peintures et autres fonds uniques que ces établissements conservent. Ces collections se sont souvent constituées à partir des demandes extérieures, de façon non systématique : bibliothèques de l'Institut de France, Mazarine, Académie nationale de médecine, Muséum.

D'autres coexistent à côté de photothèques proprement dites et leur reversent les collections de photos créées à partir des fonds imprimés de la bibliothèque : ainsi fonctionne par exemple la photothèque du musée de l'Homme.

Quelques exemples

L ' Académie nationale de médecine offre une collection de 6 000 portraits, auxquels s'ajoutent des photos d'archives et de manuscrits, d'œuvres d'art, de livres et de périodiques. Sans atelier photo, elle utilise les services d'un photographe extérieur ayant renoncé à ses droits. La collection est inventoriée et indexée sommairement.

L'Institut de France possède une collection d'environ 2 000 photos, issues des documents de la bibliothèque, constituée à partir des demandes des éditeurs, des chercheurs ou à l'occasion d'expositions. Elle s'accroît de près de 200 unités par an. Sans atelier, elle laisse intervenir un photographe extérieur qui n'a pas abandonné ses droits.

A la bibliothèque Mazarine, la situation est à peu près identique. La collection se constitue à partir de la demande, d'après les manuscrits et les documents imprimés ; en 1992 par exemple, elle s'est accrue de 250 clichés.

La bibliothèque du Muséum détient une collection de quelque 10 000 documents, dont l'ensemble des reproductions des Vélins, numérisés et transférés sur vidéodisque. S'ajoute une collection dispersée dans les nombreux laboratoires du Jardin des Plantes, dont le recensement reste à faire. L'existence d'un atelier photo à la bibliothèque du Muséum lui permet de contrôler les travaux ; les photographes fonctionnaires ne signent pas leur photo et ne perçoivent pas de droit. Elle n'autorise aucun photographe extérieur à intervenir.

La bibliothèque du musée de l'Homme possède dans ses collections de nombreux albums photographiques entrés au titre des collections d'imprimés et non identifiables à ce jour comme photographies. Les demandes extérieures sur les collections sont exécutées par le laboratoire du musée et versées au service de la photothèque du musée, riche par ailleurs d'environ 400 000 documents. Sur cet ensemble, quelques centaines de clichés ont pour origine la bibliothèque.

Les bibliothèques universitaires se trouvent le plus souvent dans une situation comparable, également variable selon qu'elles possèdent ou non un laboratoire photographique. On peut évoquer ici plusieurs exemples : celui de la Bibliothèque d'art et d'archéologie, dont l'importante collection est décrite ci-dessous et dont le rapport Baruch au Directeur du livre et de la lecture (juin 1993), sur l'édition muséale a amplement parlé. La bibliothèque interuniversitaire de médecine, la bibliothèque interuniversitaire de pharmacie conservent elles aussi des collections constituées peu à peu par la demande fortuite de leurs utilisateurs. Il en est de même à la bibliothèque Sainte-Geneviève qui a, d'autre part, réalisé un vidéodisque des miniatures omant ses manuscrits. Les musées du ministère de l'Enseignement supérieur possèdent des collections importantes, que la Bibliothèque nationale de France a sollicitées pour constituer une partie de sa banque d'images. C'est à l'occasion de réunions fédérées par la Mission des musées que s'est révélée la diversité des états des collections et que la nécessité d'une politique commune est apparue. Le Conservatoire national des arts métiers, le palais de la Découverte, le musée de l'Homme, le Muséum national d'histoire naturelle, par exemple, auraient tout intérêt à fédérer et coordonner leurs efforts.

L'origine des collections

Dans les bibliothèques, la première source naturelle des photographies est la reproduction des illustrations de documents imprimés. Parmi les exemples les plus prestigieux, citons les frontispices d'ouvrages de médecine à la bibliothèque interuniversitaire de médecine, les enluminures des manuscrits de Sainte-Geneviève. Les Vélins du Muséum constituent, eux, une exception, puisqu'ils ne proviennent pas de documents imprimés.

Des campagnes de reproduction systématique ont rarement été faites, sauf lorsque, comme dans les deux derniers cas cités, elles avaient pour objet un transfert sur vidéodisque. Mais, en règle générale, c'est la demande du public, privé ou commercial, qui donne lieu à de nouvelles créations.

Une autre source d'accroissement des collections provient des dons. Ainsi, la collection des photos de terrain des séjours de Paul-Emile Victor, en 1935-1937, à Ammassalik au Groenland a-t-elle été donnée récemment à la bibliothèque du musée de l'Homme, en même temps que ses dessins et son Journal intime.

Il faudrait encore évoquer les collections développées dans les laboratoires du Centre national de la recherche scientifique, en accompagnement de disciplines modernes, qui utilisent la photo comme un outil documentaire évolutif et d'actualité : INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), CEA (Centre d'énergie atomique), etc.

Les collections photographiques dans les bibliothèques universitaires et de grands établissements sont donc au total de taille et d'histoire variables, gérées au sein de bibliothèques par du personnel de bibliothèque non spécialisé, ou au sein de musées par du personnel davantage spécialisé dans les domaines relevant de la muséologie proprement dite que dans la conservation et la valorisation de la photographie.

L'histoire des collections

L'histoire des collections photographiques dans les bibliothèques ou les musées, est toujours à peu près la même : constituées à des fins documentaires, accompagnant la recherche et l'enseignement, elles ont évolué au fil du temps vers un double statut : documentaire et collection en soi. Leur importance s'est éventuellement accrue grâce à l'apport de dons importants, amplifiant la nécessité de les considérer comme des collections dignes d'un traitement spécifique, bénéficiant notamment d'une conservation et d'une description bibliographique adaptées.

Les collections importantes en nombre et anciennes ont traditionnellement été traitées sous l'angle « documentaire », ce qui ne leur octroyait pas nécessairement le statut de « collection » au sens noble. Selon les dates d'entrée, on a préféré inventorier le négatif au tirage, ou ce demier si l'on ne possédait pas le premier. La notion de collection est souvent inexistante, sauf dans de trop rares cas. Les photos sont réparties par thèmes, donc dispersées ; elles souffrent d'une signalisation insuffisante, qui ne permet pas toujours leur attribution à un auteur. Or, toutes les grandes collections photographiques sont classées par auteurs, car, le temps aidant, c'est l'auteur qui donne sa valeur à la photographie. Les inventaires ne signalent pas non plus le matériau ou support de la photo, nécessaire à toute prévision de conservation et de conditionnement.

Les conditions de stockage sont souvent insuffisantes, voire désastreuses : c'est en général entassées dans des boîtes de tous formats et de tous matériaux que se retrouvent les grandes collections de la bibliothèque de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts, des Arts décoratifs, ou du musée de l'Homme : tiroirs au mieux, mais aussi boîtes à chaussures ou à biscuits et autres containeurs, dont quelques-uns sont encore intouchés depuis le jour de leur arrivée. Il est bien rare que les locaux soient quant à eux aux normes de climatisation requises et les magasins de négatifs réfrigérés !

C'est dire, alors, que, du point de vue de la conservation, la place des collections photographiques dans ces établissements reste à faire, les conditions en étant toutes particulières. Des budgets et du personnel doivent leur être spécifiquement affectés. Le traitement des collections photo - pour n'avoir pas été normalisé -s'est fait selon le contexte de chacune d'elles. Parce qu'essentiellement « documentaires », elles ont été traitées et indexées selon les champs de la discipline qu'elles devaient servir, les références étant le plus souvent thématique et géographique.

La photo, acquérant son statut propre, doit tracer sa propre histoire et doubler les descriptions bibliographiques de ses caractères spécifiques que sont l'auteur, le support, la technique, la date, le format, etc. Aujourd'hui, il est bien difficile de trouver des éléments tels que la date de la prise de vue ou du contretype sur les documents, ne distinguant donc pas, le cas échéant, une photographie du XIXe siècle de sa reproduction moderne. L'Association française de normalisation est sur le point d'aboutir à la sortie de la norme, qui ne sera satisfaisante que si elle traite la photo avec tous ses caractères spécifiques.

Quel statut pour la photographie ?

La photo a une histoire bien récente, d'environ 150 ans. Est-ce le temps nécessaire à son intégration ? Comparée au livre, à la peinture et autres objets conservés dans les bibliothèques et musées, la photo reste dans bien des cas sans statut et les quelques écoles qui assurent la formation à cette discipline n'ont pas encore réussi à faire que leurs diplômés soient recrutés sur des postes de spécialistes de la fonction publique, afin de traiter des gisements de photographies qui, pour une grande part d'entre eux, dorment encore non inventoriés dans les réserves. Car la photo, elle aussi, est encore sans statut : c'est tout récemment, par exemple que le musée des Monuments français a embauché - pour quelques vacations - une personne chargée d'organiser une très importante collection concernant l'architecture et les monuments. De même, depuis un an, la photothèque du musée de l'Homme a recruté sur contrat précaire une diplômée de l'Ecole nationale de la photographie d'Arles pour l'inventaire, la documentation et la conservation de quatre de ses plus prestigieuses collections. Ces deux opérations ont été rendues possible grâce à l'aide, ponctuelle et incitative, de la Commission nationale de la photographie du ministère de la Culture. On peut regretter qu'au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, si la sous-direction des bibliothèques traite de tous les problèmes concernant le livre, l'imprimé, les réseaux et services, aucune structure ne soit spécifiquement attentive à la question de l'image, du film, pas plus qu'à celle de la peinture ou de la photographie, tous médias existant pourtant dans les réserves des bibliothèques.

Tarifs photographiques et droits d'utilisation

L'enquête a porté sur un échantillon trop petit pour que des moyennes statistiques puissent être valablement établies *. Des tendances et des pratiques communes peuvent cependant être dégagées et offrir la matière d'une réflexion plus poussée.

Toutes les bibliothèques consultées, sauf deux, distinguent paiement des travaux photographiques et droits d'utilisation des reproductions ; les tarifs sont naturellement différents pour les uns et les autres. Une seule ajoute en plus de l'acquittement des travaux photographiques et des droits d'utilisation un droit de représentation (ce dernier n'étant pas d'ailleurs vraiment distinct du droit perçu pour l'utilisation audiovisuelle : cinéma, télévision, montages d'images fixes).

Les tarifs sont très diffférents d'une bibliothèque à une autre. La tendance est cependant à s'inspirer des tarifs pratiqués par une grande institution dont on se sent particulièrement proche, tout en restant légèrement en deçà de ses barêmes, peut-être pour attirer les clients. La Bibliothèque nationale, la Réunion des musées nationaux, la Caisse des monuments historiques servent de modèles.

La plupart des bibliothèques fournissent des devis et demandent le paiement des travaux d'avance. Les droits d'utilisation sont en revanche souvent facturés au vu des justificatifs fournis par les utilisateurs, une fois leur projet réalisé. Dans la moitié des cas, la bibliothèque n'agit pas elle-même, c'est l'association des amis de l'établissement qui demande et perçoit les sommes dues.

Travaux photographiques

Les bibliothèques qui possèdent un service photographique ont leurs propres tarifs de photographie, généralement variables suivant la nature du cliché demandé : microfilm, tirage noir et blanc, diapositive, ektachrome. Peu de bibliothèques possèdent des ateliers équipés pour des tirages en couleur. Quelques-unes appliquent un tarif réduit aux étudiants, voire aux universitaires. Dans un seul cas, un tarif est appliqué aux éditeurs qui exigent des clichés d'excellente qualité, destinés à des publications particulièrement soignées. Deux bibliothèques majorent leur tarifs lorsque l'ouvrage est plus précieux, fragile, ou de grand format. Dans presque tous les établissements sans atelier, la possibilité de faire appel à un photographe extérieur est ouverte et liée à la perception d'une taxe. Les bibliothèques permettent l'exécution des travaux quand elles ne peuvent y pourvoir ou parce que la campagne photographique est particulièrement importante et désorganiserait le travail courant.

L'autorisation de photographier est toujours assortie de la perception d'une taxe, parfois inférieure, parfois supérieure aux tarifs des travaux photographiques : tarif dissuasif. La somme demandée est d'autant plus importante que les commanditaires sont des professionnels de l'édition ou du commerce ; en revanche, appliqué aux étudiants, le tarif peut rester modique. D'autres interdisent les prises de vue par des non-professionnels, afin d'éviter les manipulations maladroites de documents et la constitution d'une collection à l'extérieur qu'il deviendrait difficile de contrôler.

L'autorisation de filmer est toujours incomparablement plus coûteuse que la photographie.

Si la plupart des bibliothèques sont conscientes des problèmes liés au respect du droit d'auteur, très peu ont prolongé la réflexion sur cette question. Dans la plupart des cas, l'établissement refuse la photographie de documents qui ne sont pas tombés dans le domaine public. Quelques bibliothèques l'acceptent, à condition que le demandeur foumisse l'autorisation de la société de protection des droits des auteurs concernée. Très peu de bibliothèques pratiquent le rayage systématique des documents pour en interdire l'usage autre que strictement privé ou à fin d'étude.

Droits d'utilisation

Une seule bibliothèque aborde la question de savoir à quel titre sont perçus les droits et demande deux types de droits distincts :
- en tant qu'auteur de la photographie ou substitut du photographe (pour tous ses droits excepté son droit moral). Il semble qu'il s'agisse en quelque sorte du droit d'utilisation proprement dit, que pratiquent presque tous les établissements ;
- en tant que propriétaire des documents. Cette taxe d'ordre purement commercial est très largement pratiquée aux Etats-Unis, rarement encore en France.

Quelques bibliothèques ont mis au point des tarifs très élaborés :
- suivant la nature de la photographie : tirage, diapo, ekta... ;
- suivant la nature de l'utilisateur (pédagogique, scientifique ou commercial) ;
- suivant la nature de l'utilisation (livre, télévision, cinéma, exposition..) ;
- suivant la place de la reproduction dans l'ouvrage (jaquette, pleine page, trois-quarts, demi et quart de page).

Cette enquête aura au moins été l'occasion de souligner de nombreuses lacunes. Les problèmes juridiques, le coût réel des photographies, les pratiques des bibliothèques en France et à l'étranger restent des domaines bien approximatifs pour des établissements qui, peu ou prou, se trouvent confrontés à ces questions sans être armés pour y répondre de façon satisfaisante et cohérente. Une concertation et une harmonisation des tarifs seraient opportunes

Janvier 1994

Illustration
Le fonds photographique de la Bibliothèque d'art et d'archéologie

  1. (retour)↑  Les éléments qui ont permis de rassembler ces données ont été fournis par onze bibliothèques qui participaient à la Commission patrimoine de l'Association des directeurs de bibliothèques universitaires en 1991. La synthèse en a été assurée par Catherine HUSTACHE, alors conservateur à la bibliothèque centrale du Muséum national d'histoire naturelle.