L'évaluation des bibliothèques

pour quoi faire ?

Jean-Claude Roda

Résultats et commentaires d'une enquête menée auprès des étudiants fréquentant le Service commun de documentation de Toulon. Leur fréquentation est intensive, mais ils expriment des réserves quant au nombre de places disponibles, à la quantité, à l'actualité et au choix de livres offerts ; ils expriment parfois des regrets quant au manque de communication avec le personnel. Ces constats ont amené la bibliothèque à mettre en œuvre certaines réorganisations et à planifier des transformations.

Results and comments of a survey on users of the university library of Toulon. These students are heavy users of the library, but they express some critics about the number of seats, books quantity, actuality and choice. They sometimes regret the lack of communication with the library staff. With these informations, the library has begun a reorganization and is planning some changes.

Dieser Aufsatz besteht in den Ergebnissen einer Umfrage - und deren Bemerkungen -, die unter den die gemeine Nachweisstelle besuchenden Studenten der Universität von Toulon durchgeführt worden ist. Ihr Besuch ist intensiv ; sie äußern aber einige Bedenken dagegen, daB es an vorhandene Arbeitsplätze mangelt, daß die vorgelegten Bücher weder genug zahlreich noch genug aktuell sind. Manchmal bedauern sie auch, daß sie mit dem Personal sowenige Beziehungen pflegen. So hat die Bibliothek beschlossen, eine Neugestaltung einzusetzen und Veränderungen zu entwerfen.

Les années quatre-vingt ont vu naître, se développer et s'épanouir une nouvelle conception des bibliothèques et de leur gestion qui pose la question suivante : comment mieux utiliser, sans gaspillage, les fonds publics pour une plus grande satisfaction des usagers, qu'on appelle parfois les clients ?

La revanche de l'économie

Après avoir été longtemps négligée, l'économie, c'est-à-dire l'adéquation au réel et au possible, prend sa revanche.

Habitués à raisonner en termes de moyens - en nombre de volumes, mètres carrés, places assises, création d'emplois, crédits -, les directeurs des bibliothèques universitaires commencent à raisonner en termes de résultats. C'est que le contexte économique et social a changé ; il faut, d'une part, rendre compte de l'utilisation des crédits et de l'efficacité des personnels et, d'autre part, mieux répondre à la demande de l'enseignement et aux aspirations de la jeunesse. C'est tout le corps social qui demande aux hommes et aux femmes des bibliothèques de se mobiliser autour du projet éducatif de leur université. On attend d'eux qu'ils rentabilisent les moyens mis à leur disposition, qu'ils rénovent leurs méthodes, comme le font les autres acteurs économiques.

Mais comment introduire dans notre pratique professionnelle des concepts tels que produire, transporter, distribuer, consommer ? Que signifie, au juste, produire et consommer une information ? On serait tenté de répondre que l'efficacité d'une bibliothèque universitaire se mesure à la satisfaction du public. Mais c'est plus vite dit que fait. Qu'est-ce que le public de la bibliothèque universitaire ? Y a-t-il quelque chose de plus subjectif que la satisfaction, en existe-t-il une unité de mesure ?

Les statistiques de fonctionnement

Depuis longtemps, les bibliothèques tiennent à jour des statistiques de fonctionnement, qui renseignent le gestionnaire sur le nombre d'étudiants inscrits, sur leur fréquentation (nombre d'entrées), le nombre de livres empruntés ou communiqués sur place. Grâce à l'informatique, il peut également savoir quels sont les ouvrages le plus souvent empruntés et savoir même à quel moment de la journée. Tout cela figure en bonne place dans le bilan annuel et représente la première partie de l'ESGBU (Enquête statistique générale auprès des bibliothèques universitaires).

Ces statistiques appellent cependant deux remarques.

- La banalisation de leur pratique a conduit un grand nombre de responsables de bibliothèques universitaires à un fatalisme mathématique cachant l'objectif fondamentalement pratique de la méthode statistique : fournir une estimation en vue de l'action. Acheter cinq exemplaires d'un manuel, quand on sait que trois cents étudiants en première année de DEUG en ont besoin en même temps, me semble aller à l'encontre des conclusions qu'imposent, dans le cas pris en exemple, les statistiques de prêt. En effet, si on considère que la durée du prêt est ordinairement de deux semaines, en admettant que les cinq livres achetés sont « aussitôt rendus, aussitôt empruntés », ils ne peuvent être empruntés, chacun, que dix-huit fois dans l'année, ce qui représente, au total, soixante prêts pour une année universitaire et une promotion de trois cents étudiants !

Toutes sortes de considérations peuvent expliquer que le bibliothécaire n'achète pas la vingtaine d'exemplaires qui permettrait à tous les étudiants d'emprunter le manuel une fois dans l'année. Ces considérations peuvent être d'ordre budgétaire ou déontologique. Mais alors, à quoi bon toutes ces statistiques si on n'en tient pas compte !

- Tous les chiffres de fonctionnement que nous fournissent désormais les différents systèmes informatiques de gestion des prêts ne nous renseignent pas sur la satisfaction du public, qui, lui, n'a qu'un seul choix : fréquenter la bibliothèque, avec ou sans plaisir, ou bien acheter les livres dont il a besoin. Il n'est pas inutile de rappeler ici l'enquête menée en 1988 à l'université de Paris I par Jacqueline Freyssinet-Dominjon : 8 % des étudiants interrogés à la sortie d'examen avaient emprunté des livres à la bibliothèque universitaire, et 72 % les avaient achetés en librairie...

Si on élargit le public de la bibliothèque universitaire aux enseignants-chercheurs ou, pourquoi pas, à l'ensemble du milieu socio-professionnel extérieur, on obtient des résultats encore plus surprenants, ce dernier ignorant, le plus souvent, l'existence de ce service. C'est que chaque milieu humain a sa propre vision de l'information et il n'existe pas de solution unique, bonne pour tous. C'est la raison pour laquelle il ne nous est pas possible de faire l'impasse sur l'analyse des besoins et des comportements, de la même manière que les entreprises ne peuvent se dispenser d'une étude de la concurrence. Si nous voulons augmenter notre impact pour devenir des fournisseurs privilégiés de l'information, nous devons être capables de fournir plus vite et au moindre coût les documents recherchés. Si nous nous sommes vraiment fixé pour but de gérer, au sens le plus large du terme, la bibliothèque de manière à en tirer le meilleur rendement possible, il nous faut passer par les enquêtes d'opinion.

Du bon usage de l'enquête d'opinion

Un des reproches, et non le moindre, qu'on pourrait faire aux statistiques de fonctionnement et à l'ESGBU qui en est l'expression administrative, c'est qu'elles sont réalisées par les acteurs de la bibliothèque sur laquelle elles veulent porter un éclairage. On peut dire, dans ce cas précis, que le bibliothécaire est en même temps juge et partie ! L'administration centrale qui ordonne ces statistiques n'est d'ailleurs pas dupe puisqu'elle relève régulièrement des incohérences... Pour ma part, ayant dirigé ou travaillé dans plusieurs bibliothèques, j'ai toujours été surpris de constater que nous n'étions pas en mesure, le plus souvent, de faire connaître le nombre de volumes, même dans un petit établissement comme la bibliothèque universitaire de Toulon qui annonçait 60 000 volumes en 1991 et seulement 50 000 en 1992...

Voilà une bonne raison de confier l'étude de satisfaction du public à un organisme extérieur dont on peut attendre une plus grande objectivité. Ce n'est pas ce qui manque aujourd'hui ! Ceux-ci procèdent toujours de la même manière : ils déterminent des groupes ciblés d'usagers (étudiants, professeurs, chercheurs) dont ils extraient un échantillon qui constitue le « panel » d'interrogation. Celui-ci est soumis à une batterie de questions sur chaque fonction (prêt, confort, photocopie, etc.), formulées de manière à apprécier leur pratique quotidienne mais également à faire surgir les attentes. Les opérations de sondage portent généralement sur une semaine, rarement deux ; les heures d'enquête sont réparties sur toute la journée, ce qui multiplie les probabilités d'interrogation et les possibilités de couvrir tous les comportements, du lève-tôt au lève-tard, par exemple.

Par rapport aux statistiques qui n'identifient que des flux, et qui fournissent des indicateurs quantitatifs, les sondages d'opinion permettent de comprendre les comportements et, surtout, de dégager les attentes du public. A la relation « technocratique » administration/usager, ils permettent de substituer un dialogue constructif conduisant, on peut l'espérer, à la prise en compte de la diversité culturelle et sociale des usagers.

Mais attention, les enquêtes d'opinion ne sont pas une panacée, pour deux raisons au moins :
- la première, c'est qu'elles ne peuvent répondre qu'aux questions qu'on leur fait poser. Il est intéressant, à cet égard, de noter que le ministère de l'Education nationale et de la Culture, Direction de l'évaluation et de la prospective, a choisi et publié en 1992 des indicateurs destinés aux établissements scolaires ; renouvelés en 1993, ils ont introduit un élément nouveau d'interrogation : des jours déterminés de naissance (les 8, 15 et 22 du mois, qui font penser étrangement à la numérologie !)
- la deuxième, c'est que l'information n'est utile que si elle débouche sur l'action. Elle devient alors un instrument de pilotage et de gestion. Elle doit dans ce cas intervenir à deux niveaux : pour mieux connaître les aspirations du public et pour mesurer la réalisation des objectifs fixés.

De l'enquête au projet d'établissement

La loi d'orientation du 10 juillet 1989 a mis en avant la notion de « projet », expression des objectifs définis en fonction des aspirations du public, de l'environnement social dans lequel la bibliothèque trouve son ancrage, et enfin, des moyens dont elle dispose. Les effets qu'on peut en attendre sont une meilleure intégration des usagers, de meilleures performances individuelles et collectives, une meilleure adaptation aux changements sociaux. Suite logique de l'enquête d'évaluation, le projet d'établissement permet de définir clairement les objectifs que celle-ci a fait apparaître, en même temps que la stratégie de leur réalisation et les moyens nécessaires. C'est le support idéal de la contractualisation entre l'Etat et l'université.

La situation de la bibliothèque universitaire de Toulon et du Var en 1992 se prêtait parfaitement à cette démarche : l'explosion des effectifs (+ 18 % à la rentrée de septembre 1992), la création d'une école d'ingénieurs (Institut des sciences de l'ingénieur de Toulon et du Var) et d'une faculté de lettres modelaient un nouveau paysage universitaire. Si on ajoute à cela la mise en place d'une antenne universitaire à Draguignan en 1993 et le transfert à Toulon-centre de la faculté de droit à la rentrée de 1994, on aura la mesure des changements que le Service commun de la documentation de Toulon et du Var devait enregistrer dans l'intervalle de trois années.

Dans cette perspective, il nous avait semblé nécessaire de définir des objectifs à partir d'une analyse sérieuse et sans parti pris, quitte à faire paraître au grand jour des insuffisances qu'il faudrait corriger, le but final étant l'élaboration d'un projet d'établissement. L'opportunité de renégocier le plan quadriennal à mi-parcours, c'est-à-dire précisément en 1993, était de nature à conforter cette décision. En outre, la présence sur le campus universitaire d'une association d'étudiants en sciences économiques, ayant fait des enquêtes d'opinion sa spécialité, nous offrait la possibilité de faire interroger les usagers par les usagers. Commandée en juin 1992, l'enquête de satisfaction a été menée par l'association « Coralie » entre le 6 octobre et le 13 novembre 1992, les résultats ont été remis à la bibliothèque universitaire le 3 décembre.

Le sondage, qui a porté sur un panel de 300 étudiants, soit 5 % des inscrits à l'université, a été réalisé sur d'autres sites que la bibliothèque, afin d'éviter toute interférence de nature à fausser la spontanéité des réponses.

Résultats généraux de l'enquête

Malgré des critiques préoccupantes qui portent sur l'exiguïté des locaux, la lenteur avec laquelle les nouvelles acquisitions sont mises en rayon, les manuels insuffisants en nombre d'exemplaires, et surtout une mauvaise communication entre le personnel et les étudiants, ces derniers (62 %) semblent satisfaits de leur bibliothèque. Ce qui montre le succès de l'établissement, c'est son taux de fréquentation : 84 % des étudiants interrogés fréquentent la bibliothèque, même si 12 % d'entre eux le font sans être inscrits. Parmi ceux qui fréquentent la bibliothèque, 53 % sont satisfaits et 9 % très satisfaits, ce qui donne un taux de satisfaction de 62 %, voire 75 %. On note également que les étudiants satisfaits fréquentent la bibliothèque de façon assidue (plusieurs fois par semaine pour 66 % d'entre eux).

Les étudiants interrogés qui ne fréquentent pas la bibliothèque (15 %), prétendent manquer de temps (24 %) ou, ce qui est pire, n'en avoir pas besoin ! Quelques-uns enfin invoquent la mauvaise signalisation sur le campus (12 %). Les étudiants qui fréquentent la bibliothèque le font aussi bien pour emprunter des livres (75 %) que pour travailler sur place. Ils se plaignent d'ailleurs du manque de place (37 %) et, par voie de conséquence, du bruit (21 %).

Autre enseignement de l'étude, 47 % des étudiants interrogés lisent moins de cinq livres par an (étude et loisirs confondus), soit une proportion beaucoup plus importante de petits lecteurs que ne le laisse apparaître les statistiques nationales.

Contre toute attente, les livres les plus lus par nos étudiants sont les romans (69 %), suivis de loin par les livres d'étude (47 %), les périodiques ne représentant que 42 % des réponses, même lorsqu'il s'agit des quotidiens d'information générale (cf. tableau 1).

Les attentes des étudiants

Au-delà de ces remarques, l'exploitation de l'enquête fait apparaître de nombreuses attentes chez les étudiants. Elles varient en fonction de leur niveau d'étude (1er, 2e, 3e cycle), des UFR et disciplines auxquelles ils appartiennent, du mode de fréquentation (plus on vient à la BU, plus on est exigeant). Nous n'évoquerons ici que les attentes qui concernent au moins 25 % des étudiants.

Première attente : la taille de la bibliothèque

Le besoin qui apparaît avec le plus d'insistance (37 %) concerne le manque de place. Il est vrai que la bibliothèque ne peut offrir que 2 200 m2 aux 6 200 étudiants inscrits à l'université, soit à peine 0,35 m2 par étudiant. Cette situation s'aggrave chaque année en raison de l'accroissement des effectifs. Elle trouvera une réponse satisfaisante avec la délocalisation à Toulon de la faculté de droit, prévue à la fin de l'année 94 ; il n'en reste pas moins qu'à long terme l'extension des locaux actuels deviendra impérative.

Deuxième attente : le choix des titres

35 % des étudiants interrogés estiment que le choix de livres que leur offre la bibliothèque est insuffisant, tant pour les ouvrages d'étude que pour les livres de loisir. La proportion passe à 50 %, ce qui est compréhensible, quand on interroge les étudiants de 5' année. Ce problème est d'autant plus préoccupant que d'autres éléments de l'enquête font apparaître la nécessité de multiplier le nombre d'exemplaires.

Troisième attente les nouveautés

26 % des étudiants interrogés estiment que les ouvrages mis à leur disposition ne sont jamais assez récents, les plus exigeants étant les économistes. L'étude attentive des chiffres, rapportée au circuit du livre, fait apparaître en effet une lacune du service : entre la décision d'achat et la mise en rayon du livre, l'attente est trop longue, pouvant atteindre parfois plusieurs mois.

Quatrième attente : l'orientation du public

Comme nous l'avons signalé plus haut, plus on fréquente la bibliothèque, plus on a besoin d'en comprendre les mécanismes. Si la plupart des étudiants regrettent un manque de communication avec le personnel, ce sont encore les 3e cycles qui en souffrent le plus (cf. tableau 3).

De l'évaluation à l'auto-évaluation

Les résultats de l'enquête et leur commentaire par le directeur ont été communiqués au personnel de la bibliothèque bien sûr, mais également au Conseil de la documentation avec, en corollaire, un projet d'établissement. Ce dernier est devenu une plate-forme servant d'appui aux réformes indispensables, en même temps qu'elle a permis de fixer les domaines nécessitant une renégociation du plan quadriennal, notamment en ce qui concerne l'extension des locaux et l'orientation du public. Toutefois, certaines attentes du public, telles que le choix des livres et l'accélération de leur traitement, appartiennent au domaine de l'organisation interne et reposent, en fait, sur les personnels de la bibliothèque. En effet, on peut faire toutes les enquêtes, tous les audits que l'on voudra, rien ne pourra changer si les personnels ne se sentent pas concernés.

Quand on renégocie un service, tous les détails comptent et nécessitent une intervention à tous les niveaux de responsabilité... Dans une situation de bipolarisation décideurs/exécutants, avec suprématie des premiers et, par voie de conséquence, renforcement de la cohésion du second groupe face au premier, le gestionnaire doit s'adapter à cette cohésion, en recherchant l'équilibre entre les aspirations de chaque groupe et les exigences de l'établissement.

Comme toute organisation humaine, la bibliothèque recherche la stabilité, qui maintient les privilèges et recule devant les changements qui bouleversent les habitudes et engendrent les peurs et la perte de prestige chez les détenteurs de l'information.

Face à de nouvelles techniques, l'individu est saisi par la crainte de décevoir et finalement de perdre le rôle qu'il a péniblement acquis dans le groupe. Le changement devient l'ennemi à abattre. Confronté à cette résistance au changement, le gestionnaire ne dispose pas de méthodes standards, il ne peut compter que sur lui-même. Néanmoins, il doit toujours garder présente à l'esprit cette vérité : aucune planification n'a de chance d'aboutir si elle n'est pas largement comprise et acceptée par tous, dans l'établissement, si personne ne l'intègre dans ses actes quotidiens. Ceci nous amène à dire, de la même manière, que les personnels de la bibliothèque sont les meilleurs agents d'information par l'écoute « naïve » constante et systématique de tous les sons de cloche. Aucune enquête, aucune mesure statistique ne sera capable de rendre compte de ces petits riens qui compliquent la vie. La réussite d'un programme repose sur la capacité à dépasser les critères évidents, pour aborder ceux qui sont difficiles à cerner et qui, en fin de compte, font la satisfaction du public. En collectant régulièrement des informations et en apportant rapidement des solutions aux petits problèmes, en ayant en fin de compte une bonne ambiance d'équipe, on finira par être submergé de petites idées pratiques et peu coûteuses à mettre en oeuvre. On gagnera de la sorte sur tous les plans : en satisfaisant l'usager et en améliorant les performances de tous les personnels.

Du bon usage de l'évaluation

Les professionnels sont toujours à la recherche d'outils de mesure et d'évaluation permettant d'objectiver leurs décisions. Les indicateurs le plus souvent utilisés (nombre d'étudiants inscrits, nombre de livres prêtés, communications sur place, etc.) ne les renseignent pas, ou mal, sur l'impact de leurs innovations, sur les aspirations des usagers, sur la demande sociale qui augmente tant sur le plan quantitatif (nombre de places assises) que qualitatif. Certains d'entre eux commencent à faire appel à l'expertise extérieure, au risque d'ailleurs de tomber dans l'« audit-mania ». L'évaluation devient un outil de pilotage, elle peut aboutir à un projet d'établissement, expression de la politique qu'on choisit de mener. Toutefois, si ces indicateurs sont nécessaires, ils ne font pas la réussite. C'est que la bibliothèque universitaire, comme toute entreprise humaine, est le point de rencontre de trois types d'enjeux : techniques, financiers et surtout humains. Si on a depuis longtemps trouvé les réponses techniques adéquates, si on parvient à résoudre les problèmes financiers, notamment à travers la contractualisation, on a peu de recettes pour régler les problèmes humains, qui sont les véritables obstacles à l'amélioration du service public. Les préoccupations techniques, organisationnelles, ne sauraient occulter l'homme, seule force de changement qu'aucune machine, aussi perfectionnée fût-elle, ne saurait remplacer. Un distributeur automatique de billets (ou de livres, on y a pensé !) vous distribuera les billets, il pourra même dire poliment merci, mais il ne sourira jamais. Un guichetier, un magasinier peut-être, si on a su l'impliquer dans l'amélioration du service. Lui seul est capable de ce plus. Faute d'avoir su poser les vrais problèmes, beaucoup d'audits et les réformes qu'ils ont provoquées n'ont pas atteint leur but. C'est sur ce principe de base toujours utile à rappeler qu'on doit mener toute évaluation. Si elle est toujours nécessaire, si le recours à des consultants est parfois utile, il importe que les responsables de la bibliothèque développent dans leur équipe une « culture d'évaluation », qu'ils dégagent au sein de l'établissement une « mission conseil » ; la stimulation interne qui en résultera donnera de nouvelles possibilités d'arbitrage à la direction. Ce pourrait être l'objet d'une autre étude...

Mai 1993

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Tableau 1 - Types de lecture des étudiants interrogés

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Tableau 2 - Question posée aux usagers : "es-tu satisfait du choix des livres ? "

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Tableau 3 - Taux de satisfaction concernant l'accueil par le personnel en pourcentage