Rapport du président pour l'année 1992

par Marie-Dominique Heusse

Conseil supérieur des bibliothèques

Paris : Association du Conseil supérieur des bibliothèques, 1993.-117 p. ; 30 cm.
ISSN 1157-360.

Le Rapport du Président du Conseil supérieur des bibliothèques (CSB) est en réalité signé à la fin de son introduction, et de manière exceptionnelle, par ses deux vice-présidents d'alors : Pierre Jolis, qui l'est toujours, et Michel Melot, qui devait en être nommé président quelques mois plus tard. En effet, à la suite du rapport sur la Bibliothèque de France, publié en annexe du rapport du président du CSB pour 1991, André Miquel fut chargé de constituer une commission de spécialistes qui devait formuler des propositions sur l'organisation et le fonctionnement de la future bibliothèque. Considérant que les deux missions étaient difficilement compatibles, André Miquel démissionna de la présidence du Conseil supérieur.

L'année 1992 fut ainsi une période d'expectative pour les membres du CSB : l'attente de la nomination d'un nouveau président s'est, semble-t-il, accompagnée de questionnements sur les conditions de fonctionnement du Conseil supérieur lui-même, exprimé à la fin du rapport sous la forme d'un bilan : la compétence du CSB se limite à celle des trois ministères qui l'ont créé (Culture, Education nationale et Recherche). Le fait que le ministère de l'Intérieur n'y figure pas limite considérablement son champ d'action vis-à-vis de l'ensemble des bibliothèques des collectivités locales. Certes, l'autorité morale que constitue le CSB lui vaut d'être de manière régulière sollicité de donner son avis, mais il ne peut intervenir directement.

Sur le plan fonctionnel, outre une amélioration de ses moyens, le CSB préconise une distinction entre un niveau technique d'instruction des dossiers et le niveau politique du Conseil lui-même, qui fixe le programme et en examine les résultats, à l'exemple de ses homologues néerlandais ou américains.

Année d'expectative et d'interrogations, 1992 n'a pas vu pour autant se ralentir le programme de travail du CSB, loin de là. Parmi les sujets abordés, certains s'inscrivent dans le cours d'une réflexion piuri-annuelle, telle que la formation, la question de la Bibliothèque de France ou la politique européenne des bibliothèques françaises. D'autres sont davantage ponctuels et concernent telle ou telle catégorie d'établissement.

Formation

A propos de la formation des personnels, le CSB réaffirme la nécessité de l'unité des métiers de la documentation, bibliothécaires, documentalistes, formateurs, chercheurs constituant autant de fonctions interdépendantes qui peuvent et doivent être à l'œuvre dans une bibliothèque, qu'elle soit universitaire ou de lecture publique. Parmi les éléments nouveaux dans le paysage de la formation, le CSB en souligne trois : la création par le ministère de la Culture et celui de l'Education nationale de l'Institut national de formation des bibliothécaires (INFB), chargé de la formation initiale post-recrutement des bibliothécaires de l'Etat, et de la mise en œuvre des plans de formation continue des deux ministères ; l'émergence de formations universitaires dans le secteur de la documentation et des métiers du livre : plus de cinquante sont identifiées, depuis le DUT jusqu'au DEA ou DESS ; la place du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) dans la formation des bibliothécaires territoriaux : tout en soulignant l'implication croissante du CNFPT et l'intérêt de la coopération développée avec l'ENSSIB et l'INFB, le CSB signale les difficultés de mise en place d'une véritable formation professionnelle dans le cadre des formations initiales d'application, c'est-à-dire après le concours comme le veulent les statuts.

Bibliothèque de France

A propos de la Bibliothèque de France, le CSB fait un historique des réactions et décisions qui ont suivi la publication du rapport rédigé fin 1991. Il marque sa déception devant les mesures prises qui ne répondent que très partiellement à quelques-unes des remarques formulées : en particulier, les observations sur le manque de compacité du bâtiment, le besoin d'un maillage des fondations sous le jardin ou le problème de l'effet de serre dans les tours n'ont fait l'objet d'aucune réponse. Sur le plan de l'informatisation, le CSB considère comme positives les décisions faisant avancer le projet de catalogue collectif de France - en synergie avec le schéma directeur bibliographique de l'enseignement supérieur -, mais redoute que le système informatique propre à la BDF ne l'isole des réseaux nationaux et intemationaux. Le projet de pôles associés, longtemps tiraillé entre des objectifs contradictoires (compléments de compétence thématique ou éléments d'aménagement du territoire documentaire français) a été clarifié par la définition des bibliothèques municipales à vocation régionale, qui doivent répondre au deuxième objectif cité. Restent à dégager des crédits suffisants pour financer les futurs pôles associés.

Bibliothèques universitaires

Parmi les autres thèmes qui ont donné lieu à des travaux du CSB en 1992, le redressement des bibliothèques universitaires fait l'objet d'un long développement. Redressement quantitatif avec le quadruplement de la subvention de l'Etat, les créations de postes, le passage à 50 heures d'ouverture en moyenne, les constructions du plan Universités 2000 (23 000 m2 et 33 000 places pour 1990-95). Le Conseil supérieur, qui s'est donné pour tâche de mesurer le suivi du rapport Miquel, formule des recommandations essentielles pour que ce redressement s'inscrive dans la durée : il faut, certes, que l'effort financier engagé ne se ralentisse pas, mais il faut aussi que les universités s'engagent dans une véritable restructuration de leur organisation documentaire, dont le statut du Service commun de la documentation leur donne les moyens. La BU doit devenir la tête de réseau de l'ensemble des unités documentaires de l'université, actuellement le plus souvent diffuses, isolées, peu ou pas connues. Le CSB préconise aussi une meilleure articulation entre les crédits recherche et les crédits documentaires généraux, la nécessité du dialogue avec les collectivités territoriales et souligne la situation particulièrement préoccupante des universités de Paris centre.

Lecture publique

En matière de lecture publique, la procédure du concours particulier, qui déroge aux règles générales de la décentralisation, a permis de continuer à un bon rythme la construction de bibliothèques municipales dans les villes moyennes et de soutenir les dépenses d'équipement des départements - le programme de construction des bibliothèques départementales par l'Etat étant de son côté presque achevé. Suite au rapport Latarjet sur l'aménagement culturel du territoire, le gouvernement a décidé en 1992 de modifier le système du concours particulier pour créer un financement spécifique, pouvant atteindre 40 % du coût total, destiné aux grandes villes pour réaliser une Bibliothèque municipale à vocation régionale (BMVR). Cette vocation régionale, outre qu'elle reflète l'importance et le rayonnement de la bibliothèque, correspond à des projets de travail en réseau avec d'autres bibliothèques de la région dans le domaine de l'information bibliographique et dans celui de la fourniture de documents. Le CSB évoque à ce propos le risque de confusion avec les agences régionales de coopération et le besoin d'une réflexion pour préciser les missions respectives des BMVR et des pôles associés à la Bibliothèque de France. Il reste que les actions de coopération entre différents types de bibliothèques : BM et BU, ou BM et bibliothèques scolaires sont de moins en moins rares, encouragées de surcroît par les collectivités territoriales qui financent les unes et les autres.

Le CSB salue également dans son rapport la réussite globale du processus de décentralisation des bibliothèques départementales de prêt (BDP) passées sous la tutelle des départements en

1986. L'évolution aujourd'hui de ces bibliothèques est liée à la mutation du monde rural : la lecture publique se structure, à partir de villages où vit une population diversifiée composée d'une minorité d'agriculteurs, en petites BM ou bibliothèques-relais de la BDP, souvent à vocation intercommunale. Le fonctionnement de ces bibliothèques repose majoritairement sur le travail de bénévoles, ce qui a conduit l'Association des directeurs de BDP à engager une réflexion afin que cette fonction soit mieux définie et mieux reconnue. Cette réflexion a amené le CSB à adopter une Charte du bibliothécaire volontaire auprès des BDP, reproduite dans le rapport.

Collections scientifiques et techniques

Dernière grande question abordée par le CSB : les collections scientifiques et techniques dans les bibliothèques de lecture publique. Le CSB déplore la faiblesse, pour ne pas dire l'indigence de ces collections, et après en avoir analysé les raisons (formation majoritairement littéraire des bibliothécaires, absence d'intérêt du public français pour la culture scientifique), dresse l'inventaire des solutions possibles : les actions des ministères - Culture, Recherche -, le rôle des agences de coopération, des associations de diffusion de la culture scientifique, l'aide de la Médiathèque de la Villette, les questions liées à l'édition ou au recrutement des bibliothécaires, la réalisation d'outils d'aide au choix et à l'évaluation des collections. Le CSB souligne que cette préoccupation concerne au premier chef les bibliothèques de lecture publique, mais peut aussi s'étendre aux collections des BU destinées aux étudiants de 1er cycle.

Le rapport du président du CSB pour 1992 se termine logiquement par l'annonce du programme du Conseil pour l'année 1993 : le problème des BU parisiennes, des commissions sur le droit de prêt, sur les bibliothèques pour enfants et sur les bibliothèques musicales, le suivi des questions de formation, de coopération européenne ainsi que la Bibliothèque de France sont au menu des travaux de cette année. Nous retrouverons donc, début 1994, le bilan de la réflexion et des travaux du Conseil supérieur des bibliothèques sur ces questions.