Le secteur français de l'audiotex

opportunité pour le marché de l'information professionnelle

par Hervé Le Crosnier

Pierre-José Billotte

étude réalisée à la demande du ministère de la Recherche et de l'Espace, Délégation à l'information scientifique et technique
Paris : ADBS Editions, 1992. -117 p. ; 30 cm. - (Collection Sciences de l'information, Série Recherches et documents, ISSN 1159-7666)
ISBN 2-901046-45-2 : 160 F

Quand le BBF m'a proposé de chroniquer l'ouvrage de Pierre-José Billotte, j'ai commencé par refuser, en arguant des limites de mes compétences dans ce domaine... pour accepter en me disant que c'était l'occasion d'apprendre. Ce que j'ai appris est fort étonnant, mais ne concerne pas directement l'audiotex. Expliquons-nous.

L'audiotex

L'audiotex est considéré par l'auteur comme un système à deux composantes : un ensemble technique « [qui] permet via un réseau, l'interaction entre un téléphone et un système informatique autorisant le traitement automatique de la parole et par conséquent la fourniture de services vocaux » ; et un « service », qui dépend de l'évolution du système technique (p. 10).

L'audiotex (ou télématique vocale, terme qui semblerait plus proche des habitudes de notre pays) doit permettre d'offrir des services d'information directement par l'intermédiaire du téléphone. Son développement dépend de la résolution de plusieurs problèmes :
- l'interaction entre l'utilisateur et l'ordinateur, qui passe principalement aujourd'hui par une pression sur des touches téléphoniques en réponse aux questions du système. La reconnaissance vocale, surtout multilocuteurs et en parole continue, est de l'avis de tous les experts une perspective à long terme.
- la possibilité pour le système de répondre, soit à partir de messages pré-enregistrés (les « messageries vocales » ou l'horloge parlante), soit en synthétisant les sons à partir du texte. Or, à l'heure actuelle, la lecture automatique est encore fastidieuse pour l'auditeur, et doit se limiter à des informations très courtes.

Des données floues

Ces problèmes techniques étant posés, trop rapidement cependant, on pourrait s'attendre à une étude des « services » qui pourraient bénéficier de la télématique vocale. Malheureusement, Pierre-José Billotte nous entraîne dans des galimatias marketing, où l'on mélange allégrement des données incontrôlables (les sources sont notées INFO, sans références précises... mais « Groupe Info » semble être la société de l'auteur, si l'on en croit la page de titre) ; des données sans unités de mesure (par exemple, l'étude sur « l'estimation en valeur du marché français de l'audiotex », p. 85 est-elle en MF, en KF, en centimes ? et à quelle date ?) ; des données en contradictions dans la même page (p. 78, sur les proportions de communication « interne » et « externe » des entreprises). Après nous avoir montré qu'il connaissait le modèle classique de Michael Porter sur la concurrence (p. 52), l'auteur oublie l'étude de la concurrence « de remplacement » que constitue le RNIS 1, dont la téléphonie en relations asynchrones est pourtant un des axes de développement. Pas un mot non plus des PABX 2 possédant un système de boîtes aux lettres vocales. Mais n'ayez crainte, l'auteur propose quand même des « perspectives » qui devraient permettre aux acteurs de ce secteur de se situer convenablement. On apprend par exemple (p. 83) que « si l'offreur est une petite entreprise souhaitant vendre une application vocale à une grande entreprise du secteur des services géographiquement éloignée, il devra compenser son éloignement par des déplacements fréquents qui entraîneront un surcoût. Il devra réduire sa marge, soit augmenter son prix ». Il fallait y penser.

Trop imprécis, trop tardif

Ayant subi 87 pages de cette sorte, nous abordons enfin la partie consacrée au marché de « l'information professionnelle ». On attendait avec impatience une analyse du type d'information qui pourrait bénéficier de ce support. Or, après avoir remarqué que ce média se prêtait bien à « une information relativement courte » et « une faible mémorisation » (p. 23), la dernière partie considère cependant l'ensemble du marché de l'information, y compris l'information bibliographique ! Pour d'ailleurs rester au même niveau de généralités que dans la première partie (« On notera la prépondérance [dans la diffusion en ligne de l'information] de la demande provenant du tertiaire et de l'industrie » p. 94).

Pour poursuivre la généralité de sa démarche, le livre ne présente aucun service actif qui permettrait au lecteur de se faire une idée. Un service offrant les résultats des courses existe pourtant depuis 1984, et les « messageries vocales roses » font de la publicité quotidienne dans nos journaux. Et si l'on s'éloigne de l'IST 3, on reste peut-être réellement au cœur de l'audiotex et de son marché réel et crédible. De même, il semble étrange qu'un livre paru en 1993 ne traite pas du kiosque vocal « Audiotel » proposé par France Telecom depuis le 6 mai 1992. C'est tout le problème que posent les éditions tardives d'études elles-mêmes rapidement dépassées. Les commanditaires de l'étude et les éditeurs auraient dû y prendre garde. Si j'ai appris quelque chose à lire ce livre, ce n'est pas sur l'audiotex.

En fait, il vaut mieux, pour comprendre les enjeux de la télématique vocale, utiliser l'excellent petit ouvrage de Djamel Khamès, Le vocal : la révolution invisible aux éditions Tec & Doc. Pédagogique, illustré d'exemples et d'une plus grande actualité. Je le conseille à tous ceux qui veulent vraiment découvrir ce secteur.

  1. (retour)↑  RNIS : Réseau numérique à intégration de services.
  2. (retour)↑  PABX : Private Automatic Bank exchange.
  3. (retour)↑  IST: Information scientifique et technique.