Les arbres de connaissances

par Élisabeth Kolmayer

Michel Authier

Pierre Lévy

Paris : Editions La Découverte, 1992. -173 p. ; 22 cm. - (Cahiers libres / Essais)
ISBN 2-7071-2173-8: 92 F

C'est un grand projet, aussi futuriste que convivial, que se proposent Les Arbres de connaissances : réaliser une nouvelle citoyenneté, fondée non plus sur l'appartenance à un Etat ni sur la place occupée dans le processus économique, mais sur le partage du savoir ; l'objectif est de permettre à tout individu de se repérer dans « l'espace du savoir », d'y définir son identité et d'y faire reconnaître ses compétences ; les moyens proposés forment un véritable « grand jeu » du savoir dont l'informatique permet la mise en œuvre ;

Trois outils

Le système repose sur trois outils principaux : le blason, l'arbre des connaissances, les brevets ; il s'y ajoute des banques et une monnaie.

Le blason constitue le cœur du système ; propre à chaque individu, c'est une « représentation graphique de ses savoirs et savoir-faire, y compris ceux qui sont nés de l'expérience, les " savoirs de vie ", ceux qui ne sont pas habituellement reconnus par des diplômes ». Il se présente sous la forme d'un arbre constitué d'icônes ; à chaque icône correspond un savoir élémentaire, reconnu à l'individu après passation d'une épreuve ; chaque individu possède son blason sur une carte à puce ou une disquette ; lui seul y a accès et peut le visualiser.

L'arbre de connaissances représente l'ensemble des savoirs que possède une communauté, que celle-ci soit une entreprise, un quartier, un organisme de formation, une région, etc. Dans le tronc de l'arbre se trouvent les savoirs de base, ceux que les membres de la communauté ont acquis en premier, tandis que les feuilles correspondent aux savoirs spécialisés ; les branches, elles, rassemblent les savoirs qui se trouvent toujours associés dans certains blasons. L'arbre pousse, se transforme, au fil de l'évolution des compétences de la communauté. Les brevets sont définis par le savoir qu'ils représentent et par l'épreuve qui permet d'en contrôler l'acquisition ; ils sont déposés dans la banque de brevets ; n'importe qui peut déposer un brevet.

Quatre banques et une monnaie

A ces trois outils de base s'ajoutent quatre banques et une monnaie ainsi que des règles d'échange ; à côté de la banque des brevets où sont répertoriés tous les brevets accessibles à une communauté, la banque des formations fournit pour chaque brevet tout renseignement pratique sur les organismes de formation qui y préparent. La banque des blasons (ou armorial) contient les blasons des membres de la communauté ; ces blasons ne sont pas nominatifs mais à chacun est associé une boîte à lettres consultable seulement par le propriétaire du blason ; l'armorial constitue ainsi une « messagerie adressée par le savoir » qui peut être utilisée par des employeurs à la recherche de certaines compétences ou servir à des échanges libres de connaissances entre membres de la communauté de savoir. Enfin, la banque des profils représente la demande de compétences (alors que l'arbre des connaissances représente l'offre) ; elle est alimentée par les employeurs.

Les transactions, les évaluations s'effectuent en SOLs (Standard Open Learning Unit), inconvertibles en monnaie classique ; à son entrée dans une communauté, chaque individu se voit attribuer le même crédit de sols qui lui servira à acquérir des brevets et échanger des savoirs. La valeur (en sols) de chaque brevet est définie par différents critères.

Un apport novateur

Les arbres de connaissances proposent un système de mise en visibilité, de reconnaissance des savoirs et d'échange des compétences extrêmement novateur ; il concerne tout individu, formé ou formateur, salarié ou responsable d'entreprise, ou encore jeune en rupture d'insertion sociale...

La présentation qu'en font les auteurs est, elle aussi, peu classique : pour aider le lecteur a entrer dans la démarche, on lui propose d'abord une série de mises en situation - contrastées et humoristiques - où l'on voit fonctionner arbres et blasons dans des contextes de vie ; c'est seulement une fois que le lecteur est bien imprégné des concepts de base que ceux-ci lui sont présentés.

Si Michel Authier et Pierre Lévy s'étendent longuement sur le caractère convivial, démocratique de leur projet et sur l'utilité sociale qu'il présente, la réalisation concrète est à peine abordée ; celle-ci fait un large appel à l'informatique, mais il faudra se contenter de l'affirmation que les logiciels existent et que la réalisation d'un arbre des connaissances conséquent ne pose pas de problème technique ; on aurait aimé entrer un peu plus dans cette faisabilité technique...

Cependant, même en restant aux concepts théoriques, accordons aux auteurs le brevet de l'originalité pour la conception d'un tel projet, utopique peut-être, mais remarquablement intéressant.