Una bibliotheca francese alla fine del XVIII secolo (Grasse)

par Dominique Varry

Marie-Hélène Froeschlé-Chopard

Florence : Centro editoriale toscano, 1991. - 325 p. ; 21 cm.

Le titre italien de ce livre ne doit pas dérouter le lecteur puisque l'ouvrage, à l'exception de la préface, est rédigé en français. Peut-être fallait-il d'ailleurs un éditeur étranger pour oser le publier, alors qu'un de ses confrères français aurait sans doute hésité !

Ce volume est, comme l'indique le titre, consacré à la bibliothèque de Grasse à la fin du XVIIIe siècle, telle qu'elle s'est alors constituée à l'occasion des saisies révolutionnaires. Les pages 35 à 325 sont en effet constituées par le catalogue révolutionnaire de la bibliothèque du district de Grasse, rédigé en 1794, et présenté selon les instructions de l'époque par ordre alphabétique d'auteurs, puis selon les cinq catégories de la librairie parisienne pour les anonymes. Les graphies, même fautives, de la fin du XVIIIe siècle ont été conservées. Conformément aux directives du projet de « bibliographie universelle de la France », dont ce document constitue un élément, chaque notice catalographique indique l'auteur, le titre, l'adresse, la date de publication, le nombre de volumes et le format. Quelques particularités d'exemplaires (papier réglé, reliures plus luxueuses...) sont parfois relevées. Toutes les notices sont précédées du numéro affecté à chaque unité bibliographique sur le fichet, découpé dans une carte à jouer, inséré lors de l'opération de « triage », antérieurement au catalogage de 1794. Un second numéro, également signalé, renvoie à l'état de la bibliothèque en 1799 et permet de mesurer les pertes qui ont pu intervenir entre ces deux dates.

En cette fin de XXe siècle où nous attendons toujours, sinon une base nationale du livre ancien, du moins un catalogage même sommaire des fonds anciens des bibliothèques publiques qui fait trop souvent cruellement défaut, cette publication vient fort à propros pour offrir à l'historien une photographie de cette bibliothèque au moment de sa constitution, mais également un remarquable instrument de travail et de repérage pour le chercheur qui souhaiterait exploiter tout ou partie de ce fonds, ou à tout le moins ce qui a échappé aux dilapidations postérieures. Cet exemple vient en tout cas démontrer l'intérêt des archives révolutionnaires pour les praticiens des fonds patrimoniaux, intérêt que nous avions souligné ici même dans un article récent *.

Un exemplaire portant, à la bibliothèque municipale de Grasse, les cotes des ouvrages encore aujourd'hui présents constituerait un instrument de travail appréciable.

L'historien des bibliothèques, quant à lui, y trouvera également son compte, dans la matière brute du catalogue, comme dans l'introduction qui le précède : fine analyse des provenances, des formats, de l'âge et de la composition (langues, catégories bibliographiques...) des collections, mais aussi confrontation des pratiques locales de bibliothécaires improvisés aux directives parisiennes, séduisantes dans leur ambition, mais pas toujours applicables.

On l'aura compris, dans sa présentation quelque peu austère, ce petit volume constitue tout à la fois une contribution de valeur à l'histoire de l'émergence des bibliothèques publiques à l'occasion de l'épisode révolutionnaire, mais aussi un très bel ouvrage de référence mis à la disposition des bibliothécaires, chercheurs et lecteurs curieux d'aujourd'hui. On ne peut que souhaiter qu'un tel exemple soit largement imité. Alors que les bibliothécaires contemporains, submergés par une multitude de tâches, ne peuvent consacrer qu'un temps fort limité aux collections anciennes, il fallait un universitaire pour oser ce travail. Souhaitons que les recherches menées aujourd'hui par Marie-Hélène Froeschlé-Chopard, dans le cadre de son séminaire de l'antenne marseillaise de l'EHESS, sur les fonds toulonnais débouchent rapidement sur d'autres publications de même type, et que des éditeurs français acceptent de prendre le risque de les livrer au public.