Regards sur l'alphabétisation

sélection bibllographique mondiale

par Yvonne Johannot

Shapour Rassek

Paris, UNESCO, 1990. - 312 p.
ISBN 92-3-202705-4.

Ancien professeur à l'Université de Téhéran, consultant à l'UNESCO et au BIE (Bureau international d'éducation), Shapour Rassekh nous offre ici une bibliographie des livres, documents, revues et articles sur l'alphabétisation, parus dans le monde ces dix dernières années, jugés comme étant les plus importants, ainsi que de quelques titres plus anciens mais jugés capitaux. Elle comporte une analyse commentée avec beaucoup de pertinence des 125 travaux retenus.

Colloques et alphabétlsme

Une longue introduction (30 p.) précède la bibliographie proprement dite, qui explicite les choix faits et la volonté de l'auteur que s'y retrouvent des orientations et opinions diverses, mettant en évidence combien ce concept resté flou d'« illettrisme » recouvre des notions et des problèmes multiples. Il utilise à ce propos avec bonheur le néologisme d'« alphabétisme », pour traduire l'intraduisible « literacy » anglais, qu'il définit comme « le résultat de l'alphabétisation réussie ou un niveau satisfaisant de maîtrise de la lecture, de l'écriture et du calcul » (p. 10), néologisme qu'il nous paraît indispensable de retenir.

A travers les grands colloques ou symposiums internationaux qui ont eu lieu depuis le Congrès de l'UNESCO à Téhéran, en 1965, il retrace l'évolution des idées et des pratiques sur l'alphabétisation, allant de la « fonctionnalité économique de l'enseignement » (1965) à la définition des « besoins éducatifs fondamentaux » (1990), en passant par les problèmes spécifiques à l'éducation des adultes (1975), l'analphabétisme dans les pays industrialisés, la prolongation de la scolarité, la libération de l'individu grâce à la possibilité qui lui est donnée de rompre les chaînes de l'ignorance et de l'exploitation (1982) par le « droit d'apprendre » qui lui est reconnu (1985), la formation des formateurs (1984), les besoins éducatifs fondamentaux (1990).

L'auteur trace les tendances récentes en matière de définition de l'alphabétisme, qui privilégient aujourd'hui le « critère de fonctionnalité » embrassant « tout ce qui touche à la vie », répondant aux besoins de la société comme de l'individu et dépassant largement les apprentissages en lecture-écriture. Il s'agit de permettre à un individu de « fonctionner comme il convient au sein de la société moderne » (p. 18) et donc d'envisager la formation comme un continuum dans un cadre interdisciplinaire et non comme un événement ponctuel.

Il analyse, dans cette perspective, les finalités diverses recherchées à travers l'alphabétisation : les courants économistes, ceux qui se préoccupent surtout de l'épanouissement de l'individu, ceux qui veulent permettre l'accès aux trésors culturels du passé.

Le contexte environnemental

Il montre comment a évolué l'idée que l'alphabétisation est une pratique qui ne prend son sens que dans le cadre d'une évolution générale des conditions économiques et sociales sans lesquelles elle risque d'être un échec.

Une tendance se dessine qui vise à « dépolitiser » les campagnes de masse, jugées trop marquées idéologiquement, bien que d'autres partisans de l'alphabétisation notent qu'elle ne pourra être une réussite que dans un projet général de société qui est bien politique. Les études se sont multipliées ces dernières années sur l'influence du contexte environnemental dans lequel vit l'enfant ou l'adulte, qui favorise (ou bloque) les acquisitions cognitives et linguistiques, les besoins et motivations de chacun.

Quelques études récentes soulignent le délicat problème de la langue à retenir pour l'alphabétisation. Un paragraphe est consacré à l'organisation des programmes d'alphabétisation qui s'orientent très différemment selon les pays, mais retiennent partout l'importance de la formation des formateurs, la mobilisation dans un contexte social favorable, la nécessité de motiver l'apprenant et de prévoir des structures de postalphabétisation et d'éducation continue.

Les nouvelles recherches s'orientent sur les méthodes d'apprentissage et le rôle qu'y jouent la lecture des images ; sur les rapports moins antinomiques qu'on ne le pensait jusqu'alors entre oralité et alphabétisme - ce qui intéresse les sociolinguistes ; sur la mise en question d'une supériorité absolue dont bénéficierait la culture écrite quant au développement de l'intelligence abstraite comme à celui de l'épanouissement du jeu démocratique. L'étude de l'histoire des pays alphabétisés de longue date serait révélatrice à ce sujet.

Pour terminer, l'auteur suggère que soient accrus l'ensemble des moyens financiers, techniques et humains au service de l'alphabétisation ; que les stratégies et méthodes soient beaucoup plus élaborées ; qu'une coopération internationale s'instaure en particulier au niveau des échanges d'information et des résultats de la recherche.

La bibliographie elle-même est divisée en douze rubriques : études comparées, monographies, méthodes et matériels, aspects culturels, socio-économiques de l'alphabétisation, etc.