La décentralisation culturelle

rapport au ministre de la Culture et de la communication

par Jean-Michel Salaün

René Rizzardo

La documentation française, Paris, 1990. - 129 p.
ISBN 0981-3764

Le rapport de René Rizzardo, responsable de l'Observatoire des politiques culturelles à Grenoble, précise son ambition en tête de l'avertissement au lecteur : faut-il, pourquoi et comment, conduire une nouvelle étape de décentralisation culturelle ?

A côté des questions primordiales

Vaste et passionnante question pour laquelle l'auteur a visiblement préféré une réponse pragmatique, un réajustement, plutôt qu'une redéfinition ou un nouvel élan, malgré quelques effets rhétoriques. Prudence vis-à-vis des rivalités partisanes, inter-régionales ou encore centre-périphérie ? Volonté de l'auteur, très impliqué dans le processus, de privilégier les négociations plutôt que la transparence ? Ou tout simplement manque de moyens pour réaliser une véritable étude ? L'enquête semble ici s'être réduite à quelques entretiens avec des responsables culturels régionaux. Le lecteur reste sur sa faim, et le rapport semble prouver a contrario combien la décentralisation a du chemin à faire dans la tête d'un ministère qui ne fait même pas l'effort d'aller voir sur place. Qu'on en juge : le chapitre intitulé « Bilan de la décentralisation culturelle et conditions du développement culturel dans les régions » tient en 26 pages (25 pour le bilan et une pour les conditions du développement...) ! Dès lors, il ne faut pas s'attendre à un tour d'horizon géographique, sectoriel ou institutionnel complet. A l'évidence, la dernière approche, correspondant le mieux à la commande, a été privilégiée. Le rapporteur a tenté de faire ressortir les points qui lui semblaient essentiels dans le partage entre les responsabilités de l'Etat et des différentes instances territoriales, mais faute d'éléments d'enquête objectifs, il est à prévoir que chaque corps professionnel ou chaque structure ou encore chaque particularisme local pourra lui reprocher de passer à côté de questions pour lui primordiales.

Quoiqu'il en soit, le rapport tire un bilan plutôt positif de la décentralisation culturelle au niveau administratif, pourtant peu touchée a priori par les lois de décentralisation. La contractualisation et la déconcentration paraissent satisfaire les partenaires. Les problèmes principaux sont plus à relever dans les relations entre collectivités locales de même échelon (intercommunalité) ou de niveaux différents (régions-départements-communes). Plus mitigé est le bilan culturel. Les inégalités restent, tant géographiques que sociales. Les banlieues et les campagnes sont toujours les parents pauvres. Les rapports avec l'Education nationale sont peu satisfaisants. Enfin, crise de croissance sans doute, les structures statutaires ne paraissent plus adaptées au développement culturel dans les régions.

Le bilan reste à faire

Dans le volet propositions, le rapport définit un cadre pour les négociations des différentes responsabilités entre collectivités territoriales et Etat. Elles visent à clarifier les rôles de chacun et découlent naturellement des constatations précédentes. On n'y trouvera pas de bouleversement spectaculaire, mais une volonté d'efficacité dans le partage et la coopération. Elles sont présentées par niveau de pouvoir institutionnel. Une annexe permet une lecture par domaine culturel. Pour ce qui concerne les bibliothèques, l'auteur juge positifs les transferts de compétences au département pour les BCP et la confirmation de la responsabilité communale pour les bibliothèques municipales. Ses propositions concernent surtout les grands établissements régionaux. Il considère que le système du concours particulier est inadapté. Il souhaite une mise en réseau de grandes médiathèques avec la Bibliothèque de France, et propose pour les principaux établissements le label d'« intérêt national ». Un programme minimum...

Bien des éléments essentiels dans le développement ou les insuffisances culturelles dans les régions ne sont qu'à peine évoqués. Citons par exemple l'importance croissante des zones « rurbaines », les effets pléthoriques des universités provinciales et les pratiques culturelles des étudiants, les cultures différentes (immigrés, régionales...), l'intégration des jeunes défavorisés, les « collectivités-spectacles », les médias locaux ou nationaux...

le bilan de la décentralisation culturelle reste à faire. Sans doute l'essentiel de la mission confiée à René Rizzardo visait à préciser les règles et le contenu des négociations entre l'Etat et les collectivités. Mais pourquoi alors publier son rapport à la Documentation française sous le titre La décentralisation culturelle ?