Le patrimoine des bibliothèques du XXIe siècle : technologie, coopération, partenariat, les moyens d'une politique patrimoniale

Actes de la 3e rencontre des médiathèques publiques de Niort, 16-17 novembre 1989

par Dominique Varry
Poitiers : ABCD, 1990, 152 p.

Ce petit volume, au long titre quelque peu ambitieux, reproduit le texte des communications et des discussions des « troisièmes rencontres des médiathèques publiques » tenues à Niort les 16 et 17 novembre 1989. Si le propre des contributions de ce genre de manifestation est de se périmer très rapidement, on saluera la célérité de cette publication qui apportera aux professionnels le fruit des réflexions et expériences de plusieurs collègues du pays tout entier. On regrettera cependant que les éditeurs de ces actes se soient contentés d'une simple transcription des enregistrements effectués lors du congrès. Un rapide toilettage aurait permis d'éviter quelques répétitions fâcheuses et expressions malencontreuses qui, si elles passent à l'oral dans le feu de l'ation, sont mal venues à l'écrit.

Le lecteur trouvera bien entendu dans ce volume le discours de l'administration centrale, dont la position n'est sans doute jamais assez explicitée auprès des professionnels du terrain, surtout en période de mise en œuvre de la décentralisation, qui la pousse à redéfinir sa politique... avec quelques tâtonnements. Tel est donc l'objet de la communication de Ségolène Bergeon : « Politique et statégie patrimoniales de l'Etat concernant les bibliothèques : acquis, projets perspectives », amendée et réactualisée par la postface, plus rédigée, de Bernard Huchet : « Où va le patrimoine ? Les missions de l'Etat et la déconcentration ».

Sept expériences

Mais l'intérêt principal, à mon sens, de cet ouvrage est de livrer les expériences de sept professionnels dans des domaines très divers. Au-delà même de la question patrimoniale, l'intervention de François Larbre : « Un bâtiment intelligent pour une bibliothèque » rapporte les réflexions menées pour la conception de la future bibliothèque municipale de Saint-Etienne. Tous les bibliothécaires engagés dans la construction d'un nouveau bâtiment, et ce quelle que soit sa destination, auront profit à en prendre connaissance pour concilier un projet ambitieux aux réalités multiformes du terrain et aux pesanteurs dûes à la situation préexistante.

Dans un tout autre registre, Hélène Richard dans : « A Besançon : de la mérule au CIRCE », nous livre son expérience d'une infestation particulièrement grave touchant un dépôt extérieur à la centrale. Le traitement du mal contribue à concrétiser le projet de Centre interrégional de restauration et de conservation de l'écrit qui se met en place en Franche-Comté, et dont il constitue en quelque sorte la première action. On souhaiterait d'ailleurs que, plus d'un an après cette communication, l'auteur dresse un bilan de cette opération de désinfection qui était alors en cours, surtout dans la mesure où la mérule est un champignon particulièrement résistant aux traitements traditionnels.

Brigitte Courtois dans : « La base bibliographique bourguignonne », et Alain Girard dans : « Le plan d'informatisation des bibliothèques de la ville de Caen et les fonds spéciaux » apportent ensuite d'utiles informations sur deux réalisations remarquables à plus d'un titre :
- une coopération régionale, et un partage des tâches entre établissements, pour la mise sur pied d'une base de données régionale en Bourgogne, s'appuyant sur une carte d'acquisition et de conservation des documents ;
- un réseau local: celui des bibliothèques de la ville de Caen, auquel sont en train de se rattacher un certain nombre d'établissements culturels extérieurs (musées), et qui intègre bien entendu le livre ancien pour lequel on a tiré profit de l'avance et de l'expérience britannique. Portant un regard lucide, mais non désabusé, sur la coopération, A. Girard livre quelques enseignements sur la lourdeur du système des empreintes, les avantages de la table Brunet-Parguez-Coulouma trop peu utilisée, en nous invitant à méditer l'exemple anglo-saxon, et à donner une cohérence aux diverses initiatives françaises jusqu'ici menées en ordre dispersé.

Deux communications traitent par ailleurs des problèmes de reproduction des documents à travers deux expériences précises : on y retrouvera et le microfilmage traditionnel, et le vidéodisque (trop souvent « gadget » ou « prétexte » à se donner l'impression de faire quelque chose !). Ce sont celles de Marie Berne : « Un atelier de microfilmage pour les bibliothèques et archives en Champagne-Ardenne », et d'Alain Neris : « Le vidéodisque, mémoire d'images en Poitou-Charentes, ou les effets inattendus d'une opération de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine iconographique régional ».

La dernière intervention, celle d'Erick Surget : « La médiathèque régionale de Niort : un outil pour la coopération patrimoniale en Poitou-Charentes » nous ramène chez la puissance invitante en montrant l'intérêt que peut présenter la collecte de documents visuels et sonores dans une région. De plus en plus, les archives départementales se préoccupent de recueillir des enregistrements : témoignages sur le passé récent, échantillons des programmes des radios locales... Les bibliothèques seraient bien inspirées de ne pas se désintéresser de ces questions. L'exemple de Niort devrait inviter à y penser sérieusement.

Enfin, Félix Torres, fondateur de la « Public Histoire », dans : « La recherche, la préservation et la promotion d'une identité collective », nous livre ses réflexions sur l'identité urbaine. Si on ne peut que partager son point de vue sur le fait que l'identité d'une ville est tributaire d'un passé dont elle doit tirer parti, on constatera que cela n'a rien de nouveau... et qu'il y a toujours eu des historiens régionalistes pour le faire, même si maintenant on use de la notion de « lieux de mémoire ». On se réjouira de même de constater que leurs préoccupations d'aujourd'hui concernent davantage l'archéologie industrielle et urbaine récente, permettant d'impliquer nos contemporains. En revanche, on sera plus circonspect sur le mariage entre histoire et marketing urbain d'une part, et sur l'identification d'une ville à un maire d'autre part. La décentralisation n'a que trop tendance depuis quelques années à renforcer les féodalités locales, œuvrons pour la collectivité, ne nous prostituons pas ! Il est vrai que la « Public Histoire » fait couler beaucoup d'encre chez les historiens de métier.

Au demeurant, ce petit volume doit être pris pour ce qu'il est : un jalon. Il rend compte d'expériences menées sur le terrain, il rappelle que le patrimoine se construit chaque jour et n'est pas seulement affaire de parchemin ou de papier, il incite à la réflexion et au débat, en ce sens il atteint son but.