Library buildings 1984-1989

par Jacqueline Gascuel
ed. by K.C. Harrison...
London : Library services limited, 1990. - X-336 p ; phot ; 30 cm.
ISBN 1-870144-01-5: £ 49,5.

Heureux collègues britanniques qui disposent d'une collection d'ouvrages présentant toutes les bibliothèques construites dans le Royaume-Uni depuis 1945!

Le mérite de l'entreprise revient à la Library association. Aux modestes fascicules annuels ou bisannuels des premières années, a succédé en 1987 un volume qui, couvrant la période 1975-1983, rattrapait le retard pris et démontrait que la Library association, loin d'abandonner le projet, avait l'ambition de lui donner une nouvelle audience. L'équipe de rédaction, dirigée par K.C. Harrison, s'était étoffée et comportait un architecte et un certain nombre des bibliothécaires connus par leurs publications et leurs activités au sein de la Library association et de l'IFLA. Sur 581 nouvelles bibliothèques publiques alors recensées, une centaine étaient présentées par un court texte, accompagné de quelques données chiffrées et de photos.

Le volume paru en 1990 est l'œuvre d'une nouvelle équipe, toujours placée sous la responsabilité de K.C. Harrison. Il reprend les mêmes éléments de présentation, mais comme les fascicules des premières années, il ne se limite pas aux bibliothèques publiques, mais s'intéresse également aux bibliothèques nationales, universitaires, polytechniques, etc. Il répertorie 452 bibliothèques ayant été construites, agrandies ou rénovées, entre le 1er janvier 1984 et le 31 décembre 1989, soit une moyenne de 75 bâtiments par an, rythme légèrement supérieur à celui enregistré dans la période précédente. Remarquons au passage et pour ramener notre chauvinisme à une juste modestie que la France n'a pas fait plus pendant cette période et a même fait beaucoup moins dans le domaine universitaire... La crise économique que connaît la Grande-Bretagne ces dernières années semble atteindre plus directement les budgets de fonctionnement que les budgets d'investissement.

La bibliothèque n'est pas une

Et comment la presse et l'opinion publique britanniques pourraient-elles se désintéresser de l'architecture des bibliothèques alors que se termine l'énorme chantier de Saint-Pancras - le futur site de la British library? A cet intérêt les auteurs du présent volume souhaitent répondre en montrant qu'en cette fin des années 1980 la bibliothèque idéale n'est pas une, mais multiple, sa richesse provenant justement de la diversité des projets et des solutions retenues. Quant au bâtiment de Saint-Pancras, il sera étudié dans le prochain volume, après avoir été achevé et mis en service.

En effet, la préoccupation des auteurs n'est pas d'ordre esthétique ou architectural, mais bien bibliothéconomique : il s'agit d'évaluer les bâtiments présentés... C'est pourquoi ils n'hésitent pas à sélectionner cinq bâtiments qui leur paraissent particulièrement réussis et dont ils conseillent la visite à leurs collègues, et plus particulièrement à leurs collègues étrangers : la bibliothèque universitaire de Dundee (Ecosse), les bibliothèques publiques de Newcastle en Irlande du Nord, de Cardiff au Pays de Galles, de Chesterfield dans le Derbyshire, et celle d'Illford dans le Borough de Redbridge (proche de Londres) : un beau voyage en perspective!

Les « Dix commandements »

Le bâtiment de Dundee est intéressant parce qu'il est l'œuvre de l'atelier d'architecture du président de la « section sur les bâtiments et l'équipement des bibliothèques" de l'IFLA, Harry Faulkner-Brown. C'est une bonne illustration des principes qu'il a souvent exposés dans les rencontres internationales (voir notamment Library buildings : preparation for planning, IFLA publications 48).

La bibliothèque est très accessible, bien située et largement ouverte ; elle est compacte, rigoureuse dans l'organisation des circulations, des zones de travail et de stockage ; la sobriété de son architecture répond probablement à la volonté d'économiser, tant en ce qui concerne la construction que le fonctionnement ; la flexibilité semble surtout s'être appliquée aux services intérieurs, le bureau du directeur est cloisonné, mais ses collaborateurs doivent se contenter de bureaux paysagés.

On notera enfin le confort et l'élégance, voire le luxe, du mobilier et de la signalisation, dessinés spécialement par l'architecte: tables ovales, sièges en chrome et cuir noir, moquette de laine... De ses dix commandements, Faulkner-Brown n'en a négligé qu'un : la bibliothèque n'est pas extensible et, un an après son ouverture, les 412 places de lecteur sont occupées dès dix heures du matin ! Ceci est peut-être la rançon du succès !

D'autres bibliothèques universitaires s'éloignent plus ou moins de ce décalogue... et retiennent tout autant l'attention. Par exemple, l'imposante bibliothèque de l'université de Glascow, une construction des années 1960 qui a connu deux agrandissements successifs, ouverts respectivement en 1983 et 1985. C'est au total un bâtiment de plus de 18 000 m2, (1383 places assises, 1,6 million de documents) qui se dresse sur treize niveaux, dont trois de magasins en sous-sol et dont la structure en escalier ne manque ni d'élégance ni de fonctionnalité.

Imposants sont aussi les magasins à livres du Document supply center de la British library, installés dans une ancienne fabrique de munitions, tout comme le nouveau bâtiment de la Bibliothèque nationale d'Ecosse.

D'autres bibliothèques se font remarquer par l'audace de leur plan ou du schéma d'implantation des rayonnages, par l'utilisation de verrières, par la place faite à l'informatique et à l'audiovisuel.

Une multitude de bibliothèques publiques

Les auteurs qui ont visité 152 bibliothèques publiques nous en présentent 101. Le plus souvent, les programmes de ces bibliothèques publiques ont des exigences précises concernant les services qui doivent être mis à la disposition des lecteurs : photocopieurs, téléphones publics, télévision et micro-ordinateurs. En revanche, les auteurs soulignent qu'au stade de la programmation, la croissance de la place prise par les documents audiovisuels (une des caractéristiques de la bibliothèque publique des années quatre-vingt) n'est pas vraiment prise en compte et ils invitent leurs collègues à regarder de plus près l'effort des médiathèques françaises comme celles d'Arles, Bordeaux, Nantes, Saint-Etienne, Villeurbanne.

Beaucoup de petites bibliothèques font l'objet d'une notice (l'une d'elle a moins de 100 m2). Nous allons du bâtiment le plus classique, à l'allure de maison bourgeoise, aux formes les plus hardies, en passant par la bibliothèque-chapelle ou la bibliothèque à mezzanine, une architecture très fréquente dans un pays qui semble ne pas se plier aux mêmes exigences des services de sécurité que nous. Tous les matériaux sont employés, mais une grande importance est donnée à l'isolation thermique et acoustique, ainsi qu'au traitement des cages d'escalier, des toitures ou au choix des couleurs.

Nombreuses sont les bibliothèques municipales de surfaces très sensiblement inférieures à ce que préconisent les normes françaises actuelles (0,07 m2 par habitant dans les villes de moins de 25 000 habitants). Cependant, elles abritent un nombre important de documents et réalisent souvent de bons scores de fréquentation. L'implantation dans un centre commercial, un temps abandonnée, semble revenir à la mode.

Des projets de plus grande envergure

Si le charme de la modeste bibliothèque publique de Newcastle (Irlande) provient en grande partie de son cadre et de la façon dont ce cadre est incorporé au décor intérieur, les bibliothèques de Cardiff (8872 m2), de Chesterfield (4100 m2) et d'Illford (5918 m2) manifestent une volonté bibliothéconomique plus complexe. De la bibliothèque de Chesterfield, implantée dans un centre commercial, nous retiendrons surtout la présence d'une salle de conférence de 194 places, et d'une médiathèque populaire (Popular library), directement accessible de la galerie commerciale, qui connaît un grand succès auprès des adolescents. La bibliothèque enregistre au total plus de 900000 prêts par an pour une population de 70 000 habitants.

Illford surprendra moins les bibliothécaires français, si ce n'est par l'importance donnée aux services intérieurs et aux équipements techniques. La bibliothèque de Cardiff est la plus imposante puisqu'elle dispose d'une surface légèrement supérieure à celle de la nouvelle bibliothèque municipale classée de Bordeaux. C'est aussi la construction la moins coûteuse au m2 (203). Là aussi, nous trouvons à côté de la section de référence et d'études (1992 m2), une « bibliothèque populaire et de loisir » distincte (552 m2). Ce bâtiment, qui offre un accueil chaleureux et une bonne lisibilité des espaces, a été plébiscité par le public, puisque six mois après son ouverture, il avait déjà vu croître de 70% le nombre des prêts (soit un million par an).

Un précieux outil d'évaluation

Ce volume ne présente pas les qualités esthétiques d'une revue d'architecture, et le lecteur aurait parfois envie de plus de photos ou d'un descriptif plus explicite. Les auteurs en ont bien conscience et fournissent les références des articles parus sur chacun des bâtiments. Mais le mérite de l'ouvrage est ailleurs, dans le nombre des études faites et dans leur objectivité. Le texte, direct et précis, se fait parfois sévère pour les bibliothèques décrites. Les auteurs n'hésitent pas à souligner les incohérences de certaines politiques locales « trop tard, trop petit », pas de personnel pour une utilisation efficace des locaux, etc. De même, ils indiquent les difficultés des climatisations, ou des chauffages, en particulier par air pulsé. Mais ils soulignent aussi les réussites, dues en règle générale à une bonne coordination entre bibliothécaires et architectes. Ils ne manquent pas non plus de rappeler les succès enregistrés par les nouveaux bâtiments qui font progresser de façon spectaculaire l'audience de la bibliothèque...

Les bibliothécaires français retiendront surtout les avancées techniques de la plupart de ces bibliothèques et le constant souci de satisfaire la clientèle.