Transdoc

une coopération réussie

Serge Chambaud

Catherine Fabreguettes

Le programme Transdoc de fourniture électronique de documents, retenu en 1983 par la Commission des Communautés européennes parmi les dix programmes DOCDEL, a pris fin en 1988. Il comprenait l'ensemble des fonctions documentaires présentes dans un système général d'information scientifique et technique, depuis l'entrée des documents dans un système d'archivage (microfiches ou disque optique numérique) jusqu'à leur fourniture à distance (par télécopie, satellite ou réseau à haut débit), en passant par leur identification dans le serveur base de données. Plus que les résultats quantitatifs (que les techniques actuelles permettraient encore d'améliorer), on retiendra surtout les apports qualitatifs importants, qui trouvent aujourd'hui leur prolongement dans un certain nombre de projets. Le programme aura en outre permis de poser clairement le problème du droit de reproduction soulevé par la mise en place de tels systèmes.

The Transdoc programme for electronic document delivery, which had been selected in 1983 by the Commission of the European communities, from among the ten DOCDEL programmes, has come to an end in 1988. It included all the documentary functions existing in a general system of technical and scientific information, from document input in a transfer system (microfiche or optical disk) and identification in the databank host, to remote delivery (fax, satellite or network). Although the quantitative results are noticeable (yet to be improved), the qualitative contributions are more important and their effects can be found in several projects. The programme will also have clearly expressed the reproduction fees problem raised by the implementation of such systems.

Transdoc a été élaboré dans le cadre d'un appel d'offres lancé par la Commission des communautés européennes (CCE) pour la mise en place de systèmes expérimentaux d'archivage et de diffusion électronique de documents (programme DOCDEL, document delivery). Lancé à l'initiative de Jacques Michel, alors directeur du Centre de documentation scientifique et technique du CNRS (CDST) 1, il figurait parmi les dix programmes sélectionnés par la CCE en 1983.

Se sont regroupés autour du CDST plusieurs organismes désirant mettre en commun leurs moyens et leur expérience : l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), la Direction des études et recherche d'Électricité de France (DER/EDF), la Direction des études et techniques nouvelles du Gaz de France (DETN/GDF), la société Télésystèmes, la Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS) et, à partir de 1986, la Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique (DBMIST) du ministère de l'Éducation nationale.

Ces différents partenaires se sont organisés en Groupement scientifique (GS) : largement utilisée au sein du CNRS, cette formule correspond en fait à un contrat multilatéral avec désignation d'un mandataire, en l'occurrence la société Télésystèmes 2. Constitué en 1984, le GS Transdoc devait initialement être dissous au bout de trois ans ; les partenaires ont toutefois décidé d'en prolonger l'existence jusqu'en 1988, afin de mener à terme les expériences en cours. Le projet a bénéficié de financements multiples, dont le montant total s'élève à 25,2 millions de francs 3.

Le programme proposé consistait à concevoir, développer et mettre au point un système comprenant l'ensemble des fonctions documentaires communément rencontrées dans un système général d'information scientifique et technique. Il s'agissait donc d'intégrer et d'expérimenter les différentes technologies qui, émergeant en 1983, venaient concrétiser les projets de fourniture électronique de documents : numérisation des documents en mode fac-similé, identification (en liaison avec les banques de données), stockage, recherche et restitution des documents à la demande, diffusion des documents. Le système était en premier lieu conçu pour permettre le test, en parallèle, de deux modes de stockage (disque optique numérique et microfiche), ainsi que l'expérimentation de plusieurs modes de diffusion (visualisation sur écran à haute définition, impression sur imprimante laser pour envoi postal, transmission par télécopie et sur réseaux à haut débit). Outre cet objectif technique, les partenaires de Transdoc s'étaient fixé d'autres perspectives : acquérir un savoir-faire dans le domaine, étudier l'impact de la mise en place de ces nouvelles technologies sur les organisations, évaluer la qualité des services offerts en mesurant leurs interférences avec d'autres produits préexistants, estimer les coûts de mise en oeuvre de ces systèmes. Un dernier objectif, essentiel, était enfin poursuivi, qui visait à étudier la manière de prendre en compte les problèmes de copyright. Cette étude devait être menée en liaison étroite avec les éditeurs, ce qui explique la présence, dans le groupement scientifique Transdoc, de la Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS).

Afin de bien expliquer le fonctionnement du système, il convient de décrire séparément la chaîne de production, qui sert à créer le contenu électronique, et la chaîne d'utilisation, qui permet au bout du compte de délivrer au client un document.

Chaîne de production

Transdoc s'appuyait sur la constitution d'un fonds documentaire. Dans le cadre de l'expérimentation, seuls furent stockés des documents auxquels ne s'appliquait pas de droit de reproduction (les brevets français de 1985) ou pour lesquels un des partenaires disposait des droits de reproduction (rapports techniques d'EDF ou de GDF), ainsi qu'une sélection de revues scientifiques et techniques, pour lesquels la Fédération de la presse nationale et spécialisée avait obtenu une autorisation des éditeurs concernés.

Choix des filières

Conformément aux objectifs de Transdoc, deux chaînes de production ont été testées : la première (filière DON) stockait sur disque optique numérique des documents numérisés à partir du support papier ; la seconde (filière microfiches) stockait les documents microfiches dans une armoire à accès automatisé, avec numérisation à la demande. Les documents retenus pour alimenter Transdoc étaient orientés vers l'une ou l'autre de ces filières selon deux critères de choix principaux : la taille du document et la fréquence d'accès (cf. fig. 1).

L'un des intérêts majeurs de l'expérimentation Transdoc reposait sur son intégration dans des chaînes de circulation et de signalement de documents déjà établies, qu'il n'était pas question de perturber. La première tâche consistait donc à repérer à quel moment le document était disponible dans le circuit habituel, sachant qu'il devait avoir été recensé au préalable dans la chaîne classique.

Afin de ne pas désorganiser cette chaîne, le document ne devait pas être conservé plus de 48 heures par Transdoc, pour l'ensemble des opérations de saisie et de stockage. Ces contraintes font déjà apparaître l'importance et la complexité de l'organisation dans un projet tel que celui-là.

Préparation des documents

Cette première étape avait pour but de rendre les documents conformes aux conditions requises pour leur saisie et leur reconnaissance dans la chaîne. Extrêmement importante, dans la mesure où elle conditionnait toute la suite des opérations, cette phase du travail s'est révélée plus ou moins contraignante selon la nature des documents.

Certains documents, tels que les brevets ou les rapports techniques, pouvaient être immédiatement traités, sans préparation préalable, car ils comportent, déjà inscrit en première page, un numéro les identifiant : le document était directement saisi sous forme originale dans le système avec ce numéro. A l'inverse, les articles scientifiques ne pouvaient pas être saisis sans une préparation préalable du document, qui consistait à numéroter chaque article de manière séquentielle dès son arrivée dans le circuit de production de la base de données correspondante. Cette identification était reportée manuellement sur les documents (numéro Transdo) et consignée sur 'une bande magnétique accompagnée de références bibliographiques. Cette bande magnétique, transmise au serveur Télésystèmes Questel, servait à constituer la banque de données TRANSDO.

Lors des opérations ultérieures d'archivage sur le disque ou de classement de la microfiche dans l'armoire, on associait alors à chaque image de document stocké à la fois son adresse physique et son numéro d'identification. Cette procédure constituait la seule façon d'assurer la cohérence entre la référence bibliographique des banques de données et les références image du document stocké. Elle apportait la garantie que la commande en ligne d'un utilisateur, en provenance d'un serveur, trouverait correspondance dans la base image (aux erreurs d'indexation près, inévitables mais limitées).

Les revues ne furent pas massicotées dans la mesure où le scanner n'était utilisé qu'en mode manuel. Dans le cadre d'une saisie en mode automatique - complexe à mettre en oeuvre avec des papiers de qualités hétérogènes (grammage, texture, format) -, cette phase de préparation pourrait prendre d'autres formes garantissant la rapidité et la qualité du travail effectué (déliassage ou massicotage des revues, reconnaisance automatique du nombre de pages des articles, etc.).

Saisie des documents

Selon la filière, la saisie des documents consistait soit à numériser les documents papier à l'aide d'un scanner, soit à fabriquer une microfiche, qui serait ensuite numérisée à la demande.

La numérisation était effectuée systématiquement pour tous les documents concernés par la filière DON. La définition adoptée (8 points/mm) peut aujourd'hui paraître bien faible en regard des résolutions de 12, voire 16 points/mm couramment offertes par les scanners. Il ne faut cependant pas oublier que cette performance a priori obsolète représentait encore en 1983, date de la mise en oeuvre de Transdoc, le seul choix possible. Une résolution de 8 points/mm s'est d'ailleurs révélée très satisfaisante pour des documents classiques (90 % des cas dans Transdoc), de même que pour des plans ou des schémas.

En outre, le choix de 12 points/mm est, il faut en avoir conscience, coûteux, à la fois en espace et en temps de stockage ; il ne se justifie véritablement que pour des documents dont les caractères sont particulièrement petits. Quant aux photos, elles ne peuvent être correctement traitées de cette manière, qu'il s'agisse du 8 ou du 12 points/mm, mais requièrent une analyse des « niveaux de gris » accompagnée d'une résolution plus élevée (12 à 16 points/mm).

« Numérisation » ne peut enfin se dissocier de « compression ». Dans Transdoc, les taux de compression moyens obtenus étaient de 5 et atteignaient 7,8 dans le cas des brevets de l'INPI ; il s'agissait d'une compression normalisée de groupe III. Actuellement, les compressions bidirectionnelles (groupe IV) permettent d'améliorer les facteurs de compression, qui peuvent être de l'ordre de 8 à 10 avec une résolution de 12 points/mm. Dans ces conditions, un document nécessiterait un volume de stockage seulement 10 à 25 % plus élevé qu'avec une numérisation à 8 points/mm et une compression de groupe III ; les temps de traitement pourraient être cependant plus longs.

Dans la filière microfiches, la numérisation n'était effectuée que lors de la demande du document, d'où l'intérêt de cette filière pour des documents peu sollicités. La définition de 8 points/mm s'est révélée ici très décevante. Cette mauvaise performance est tout à fait explicable : la numérisation d'une microfiche s'effectue sur un document résultant de deux conversions de support (microfiche mère, microfiche fille). Il faudrait, pour une filière microfiches, adopter du 12, voire du 16 points/mm.

Stockage

L'option DON de Transdoc a largement contribué à la mise au point des disques d'ATG, L'expérimentation a en effet démarré avec des disques prototypes présentant de graves défauts (secteurs défectueux au moment de la gravure, empêchant l'écriture). Le nombre de pages stockées sur les premiers disques fut de ce fait ridiculement faible. ATG a donc profondément revu la conception de ses disques, abandonnant notamment le support de plastique au profit d'un support en verre et, à partir de juin 1985, l'expérimentation se poursuivait avec de nouveaux disques, qui donnèrent entière satisfaction.

Avant d'archiver le document de manière définitive sur le disque optique numérique, il était indispensable de passer par une étape intermédiaire (stockage temporaire sur disque magnétique des données issues du scanner), qui permettait de contrôler le résultat de la numérisation. C'est d'ailleurs au cours de cette étape que l'opérateur, visualisant chaque article sur son écran, pouvait lire le numéro figurant sur la première page et transmettre cette information au DPS 6 (cf. fig. 2). L'adresse physique figurant sur le disque était ensuite générée automatiquement lors du transfert disque magnétique-disque optique.

Toutes ces opérations très manuelles furent la source de nombreuses erreurs de manipulation, aggravées par une préparation vraisemblablement trop rudimentaire : ainsi le nombre de pages de chaque article n'était pas identifié. La généralisation d'un tel système ne peut en réalité s'envisager qu'avec une automatisation sans faille des tâches, précédée d'une préparation très fine des documents, seuls moyens d'aboutir à un taux de fiabilité convenable.

Le système de stockage de microfiches a été spécialement mis au point pour Transdoc. il consistait en une armoire pouvant contenir jusqu'à 5 000 microfiches au format standard A 6, avec accès automatisé et numérisation du document microfiché à la demande.

Chaque microfiche était introduite manuellement dans un panier, qui était ensuite rangé dans l'armoire. L'indexation du document se faisait donc en deux étapes : repérage de sa position dans le panier, puis dans l'armoire. Ce système de stockage induit un accès séquentiel aux informations, particulièrement bien adapté aux documents volumineux. Un tel dispositif entraîne toutefois quelques contraintes au niveau des caractéristiques physiques des microfiches, notamment en ce qui concerne leur épaisseur (facteur qui détermine leur bon positionnement).

Chaîne d'utilisation

L'expérimentation proposée consistait à permettre aux utilisateurs sélectionnés d'obtenir d'une manière transparente et automatique, à l'issue d'une recherche bibliographique au travers des bases de données - menée selon les méthodes classiques d'utilisation des serveurs -, le texte intégral des documents correspondant aux références retenues, ces documents étant stockés dans Transdoc (cf. fig. 3).

Afin de permettre l'expérimentation de l'ensemble intégré de la chaîne d'utilisation (depuis la recherche bibliographique jusqu'à l'accès au document primaire), seuls les documents figurant déjà dans les banques de données produites par les partenaires de Transdoc furent introduits dans le système. Les banques de données concernées étaient : PASCAL (banque bibliographique scientifique et multidisciplinaire, produite par le CDST) ; INPI, rebaptisée FPAT (« French PATents », banque bibliographique sur les brevets français, produite par l'INPI) ; EDF-DOC (banque bibliographique sur les rapports techniques internes d'EDF) ; DAUGAZ (banque bibliographique sur les rapports internes de GDF). L'ensemble de ces banques était accessible sur le serveur Questel de la société Télésystèmes.

Un protocole spécifique fut mis en place pour les utilisateurs appartenant au groupe expérimental « Transdoc ». Ceux-ci ne pouvaient en effet savoir a priori si le document qu'ils souhaitaient commander était ou non archivé dans Transdoc. La solution consista à adresser systématiquement toutes leurs demandes à Transdoc ; lorsque l'objet de la commande ne figurait pas dans ses archives (DON ou microfiche), le système se chargeait de transmettre automatiquement la commande aux services habituels de fourniture de documents. Cette procédure, totalement automatisée, permettait de rendre transparente, pour l'utilisateur, la façon dont était traitée sa commande : via Transdoc, ou via le circuit classique.

Il est certain que, si l'on décidait de généraliser l'expérience, il serait nécessaire que l'utilisateur sache au préalable si le document qu'il veut commander se trouve ou non dans le système et puisse confirmer sa demande après avoir eu connaissance du coût de transmission à payer selon le mode de diffusion choisi. Plus généralement d'ailleurs, il serait important que les futurs systèmes de diffusion mis en place soient conçus comme des systèmes complémentaires aux serveurs bibliographiques. Cette connexion entre deux systèmes n'est certainement pas facile à mettre en place ; elle est néanmoins indispensable pour améliorer le service offert à l'utilisateur. Elle permettrait d'une part d'intégrer la commande de document comme ultime étape de la recherche bibliographique, d'autre part de mettre en place un accès direct et rapide pour les utilisateurs qui disposent de références relevées en cours de lecture et non obtenues par une recherche documentaire informatisée, enfin d'accepter les demandes isolées, en incluant un moyen de facturation simple et efficace.

Architecture du système

L'architecture générale du système (cf. fig. 4), installé au CDST (Paris), répondait au principe suivant :
- à l'issue d'une recherche bibliographique sur banque de données, la référence retenue était transmise au mini-ordinateur DPS 6 par un système de boîte à lettres électronique ; cette transaction générait l'adresse physique du document ;
- à partir de cette adresse, le lecteur de disque optique dans un cas, le numérisateur de microfiches dans l'autre, extrayaient les images du document concerné et les transmettaient au contrôleur image ;
- le contrôleur image alimentait ensuite le système de diffusion choisi (écran haute définition, imprimante laser, télécopie, réseau haut débit).

Le mini-ordinateur assurait, en outre, la comptabilité et les statistiques d'utilisation, en particulier pour les traitements liés aux droits de reproduction.

Il faut noter la séparation, dans une telle architecture, des fonctions traitement des images-gestion, archivage-diffusion. Chaque fonction requiert en effet, pour aboutir à des performances convenables, des équipements aux caractéristiques spécifiques, qu'il est impossible de trouver rassemblées sur un système unique. La simultanéité des tâches sur un tel système serait d'ailleurs pratiquement ingérable. Dans la première étape du programme Transdoc (jusqu'en 1986), les documents demandés étaient édités sur imprimante laser en local, puis communiqués par voie postale. L'extension du programme Transdoc permit d'expérimenter la transmission à distance de documents par télécopie (groupe III, 3 à 4 minutes par page) et par satellite (64 kilobits par seconde, 6 secondes par page en moyenne).

Durant toute cette expérience, les utilisateurs furent nombreux, et européens ; il y eut des chercheurs ou des laboratoires de recherche (Sandoz, Roussel Uclaf...), des industriels, des universitaires (Faculté de médecine de l'Université catholique de Louvain, Faculté de Lausanne, Bibliothèque universitaire de Reims, cette dernière ayant eu le privilège d'utiliser les services de transmission haut débit).

A l'heure des bilans...

Malgré de nombreux aléas techniques (mise au point des matériels), administratifs et financiers (retards des commandes), le programme Transdoc a permis d'explorer toutes les facettes des services de fourniture électronique de documents, depuis l'entrée des documents dans des systèmes d'archivage jusqu'à leur fourniture à distance par des réseaux appropriés, en passant par leur identification grâce au serveur base de données, intermédiaire indispensable possédant les références des documents. On a pu regretter les retards pris sur le calendrier initial, mais contrairement à ce qu'avait pu penser la Communauté européenne en lançant son programme DOCDEL, l'expérience a montré que tous les développements techniques n'avaient pas encore été faits.

Un apport avant tout qualitatif

Les résultats quantitatifs (cf. fig. 5) peuvent sembler a priori peu concluants, comparés aux performances actuellement rencontrées dans la littérature et dans la pratique 4. Il faut donc les lire en se souvenant que les choix opérationnels de Transdoc datent de 1983 : 5 ans, c'est presque une génération à l'échelle informatique ! En 5 ans, les composants électroniques ont évolué, comme toujours à grande vitesse, au plus gros bénéfice du temps : temps de numérisation et temps de compression ont ainsi été considérablement réduits... Il n'y avait, à cette lointaine époque de 1983, aucun système opérationnel de stockage de documents : les technologies commençaient à peine à émerger et leur fiabilité n'était pas totalement acquise lors du démarrage du projet ; le support DON lui-même devait subir en cours de route une profonde évolution, puisque les premiers disques, en plastique et d'une capacité de 500 mégaoctets, furent remplacés par des disques de verre, d'une capacité double. Aujourd'hui, les capacités des disques ont triplé, voire quadruplé ! Enfin, les juke-box actuels n'existaient pas non plus, et c'est manuellement qu'il fallait sélectionner et placer dans le lecteur l'un des trente disques choisis !

D'un point de vue qualitatif, les enseignements furent très riches, notamment en ce qui concerne la qualité des documents transmis, reconnue dans tous les cas 5. Le mode standard de télécopie groupe III (8x3,85 points/mm) s'est avéré convenir parfaitement pour les documents dactylographiés, à condition de disposer de télécopieurs de qualité ; il s'est toutefois révélé insuffisant pour la littérature scientifique, qui nécessite parfois des graphismes très fins : le mode supérieur (8x8 points/mm) est alors préférable. Pour de petits volumes d'information, la télécopie est certainement le service le plus accessible au plus grand nombre.

Les difficultés techniques les plus difficiles à résoudre ne sont pas venues d'équipements nouveaux à tester, mais de leur intégration aux circuits et architectures déjà en place : les difficultés de mise en place et de fonctionnement du système de boîte à lettres électronique pour la commande en ligne en sont une parfaite illustration. Une remarque identique peut être faite pour les délais de mise à disposition de ces services. La mise en œuvre de technologies nouvelles doit, si elle veut apporter un réel service à l'utilisateur et correspondre à ses besoins, s'appuyer sur une sérieuse étude de l'organisation globale de toute la chaîne d'utilisation et prendre en compte les modifications de structure engendrées : il est difficile d'insérer des procédures particulières dans une organisation déjà rôdée assurant des services diversifiés, qui ne doivent pas être perturbés par les changements apportés. Il ne pouvait être question que Transdoc bouleverse toute la chaîne Pascal ! C'est en cela que Transdoc était une expérience complète : il ne s'agissait pas de tester des équipements en laboratoire, mais d'offrir aux utilisateurs finals un service complet et amélioré intégrant les nouvelles technologies.

Au terme de cette longue expérimentation, il apparaît que les réseaux à haut débit constituent le noeud de l'ensemble des services de transmission électronique de documents. Leur utilisation est incontournable, car ils peuvent seuls assurer la diffusion électronique d'articles de plusieurs pages avec des délais de transmission acceptables pour l'utilisateur. Mais de nombreux développements restent à faire pour que ces réseaux, encore techniquement très récents, puissent être utilisés couramment... et économiquement dans le cadre d'architectures qui restent encore à définir (systèmes centralisés tels que Transdoc ou répartis ; complémentarité entre les différents réseaux...).

Les études de coût ont conduit aux résultats suivants :
- le coût d'un article moyen de 7 pages a été évalué à 30 F. Ce coût correspond au stockage, à l'identification, à l'impression en local et à l'envoi par courrier. Il inclut la moitié des coûts « Pascal » de l'article, ainsi que 6 F de copyright reversés au Centre français du copyright (CFC), pour un usage défini pour l'expérimentation de Transdoc ;
- le coût de transmission par satellite Télécoms 1 pendant le mois de mai 1987 est revenu à 4,80 F la page. Ce coût englobe la transmission, l'abonnement à Transcom, ainsi que l'entretien des équipements de réception. Très élevé, il s'explique par le faible nombre de documents transmis ; dans l'hypothèse d'une transmission de 1 500 documents par mois, il ne serait plus que de 1,80 F (tarif de jour) ou de 0,90 F (tarif réduit).

Droits de reproduction : une sensibilisation effective

Dès sa création en 1983, le Centre français du copyright (CFC) a remplacé la Fédération nationale de la presse spécialisée au sein du groupement Transdoc. Société civile à capital variable, le CFC a pour vocation la perception et la répartition des droits de reprographie ; il représente les intérêts matériels et moraux des éditeurs sur le plan national comme sur le plan international et effectue les études et démarches nécessaires à la défense de leurs droits.

Cette participation du CFC matérialisait la volonté qui existait de part et d'autre d'aborder de façon constructive et positive le problème des droits de reproduction dans le cadre du développement des nouvelles technologies. Selon les bases de l'accord élaboré dans le contexte Transdoc, le CFC se chargeait d'obtenir l'accord des éditeurs français ou étrangers pour la diffusion de leurs revues via Transdoc ; en contrepartie, chaque article fourni par Transdoc était soumis à une redevance de 6 F. La totalité de ces redevances était réinvestie par le CFC dans Transdoc, une première moitié représentant la participation du CFC à Transdoc, la seconde permettant de couvrir le coût de réalisation d'une étude spécifique sur le droit de reproduction dans le cadre des nouvelles technologies.

En ce qui concerne le problème des droits de reproduction, Transdoc a parfaitement rempli sa mission : il a sensibilisé les différents partenaires aux problèmes posés par le droit de reproduction lors de la mise en place de systèmes de diffusion électronique de documents protégés et a, de plus, permis aux éditeurs de mettre en place une structure représentative capable de dialoguer et, le cas échéant, de négocier avec les partenaires publics ou privés.

Promotion et valorisation

Une politique délibérée de valorisation de Transdoc a été menée dans toute l'Europe, afin de promouvoir celui qui fut pendant longtemps l'un des très rares systèmes au monde à présenter une chaîne de traitement complète (numérisation stockage, identification et diffusion de documents), qui soit visible de manière opérationnelle. Cette campagne promotionnelle a été l'un des points forts de l'expérience et a mobilisé de nombreuses personnes lors de représentations officielles, de congrès et de visites : plus de 1000 personnes se sont déplacées pour voir le système Transdoc à Paris.

Une expérience fructueuse

Au cours de ses quatre années d'existence, Transdoc aura pu montrer dans toute l'Europe la faisabilité technique de tels systèmes. L'engagement de différents membres du groupe dans ces techniques en est d'ailleurs la meilleure preuve : mise en place d'un centre de numérisation de brevets (7 millions de pages) à l'INPI (projet ANTIBE) ; mise en place d'un serveur de documents à l'INPI (projet DAIL) ; projet BACON de numérisation de 65 millions de pages de brevets à l'Office européen des brevets 6 ; création du Scanning center de Télésystèmes en collaboration avec le Bureau Marcel Van Dijk (Paris), dans le cadre de BACON ; projet MTE (Mémoire technique électronique) de la Direction des études et recherches d'EDF ; élaboration par l'INIST (Institut de l'information scientifique et technique) d'un centre de diffusion de documents sous forme électronique à Nancy ; projet FOUDRE, lancé par la DBMIST en 1988, de création d'un réseau décentralisé de fourniture de documents sous forme électronique.

Cette multiplicité de programmes place la France en position extrêmement favorable face aux États-Unis et au Japon. Le savoir-faire acquis par la France à l'occasion de ce projet devient un atout essentiel, à quelques années de l'échéance européenne, dont ne bénéficieront pas seulement les membres du groupement Transdoc, mais également les industriels engagés dans ce projet : MC 2 a su se tailler une position de leader dans ce domaine, tant en France qu'à l'étranger ; Alcatel-CGA a acquis un savoir-faire qui a pu être valorisé récemment.

Outre ces retombées techniques et économiques extrêmement positives, Transdoc aura été avant tout, et c'est peut-être l'un des points essentiels, une coopération réussie entre différents organismes de métiers et à vocations différentes. Tout au long de ce programme, les divers partenaires ont su travailler et avancer ensemble dans un esprit de coopération fructueux. Un échange permanent d'informations et d'expériences s'est établi au fil des mois : il faut souhaiter qu'il sache survivre au projet Transdoc.

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Les grandes étapes du projet

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Fig. 1 - Traitement des documents dans les deux filières

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Fig. 2 - Organisation fonctionnelle de TRANSDOC

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Fig. 3 - Procédure de commande de documents pour les participants à l'expérience "TRANSDOC"

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Fig. 4 - Architecture générale du système

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Fig. 5 - Principaux résultats quantitatifs

  1. (retour)↑  La responsabilité technique du projet a été assumée par MM. Claude GOULARD et Jacques SOULE.
  2. (retour)↑  Jusqu'en 1986, le GS Transdoc a été présidé par Claude FINZI de la société Télésystèmes ; le relais a ensuite été assuré par Serge CHAMBAUD de la DBMIST.
  3. (retour)↑  CCE : 4,6 MF ; MIDIST (Mission interministérielle de l'Information scientifique et technique, remplacée en 1979 par la DIXIT puis par la DIST) : 5,6 MF ; partenaires : 15 MF (dont 9,6 en nature : personnel, infrastructure, fonctionnement).
  4. (retour)↑  A titre d'exemple, on peut rappeler que le temps de saisie pour le programme des brevets OEB (Office européen des brevets) est de 2,5 secondes par page ; cette durée intègre la numérisation, l'identification, la compression et le stockage sur disque magnétique.
  5. (retour)↑  On a enregistré seulement 1 % de non satisfaits pour les documents fournis par le CNRS ; encore cela ne concemait-il essentiellement que les documents avec photos, qui avaient été exclus du champ de l'expérimentation.
  6. (retour)↑  L'opération, réalisée par un groupe de sous-traitants anglo-franco-allemand sous la direction de Télésystèmes, est en cours.