Les professions de l'informatique

par Marie-Hélène Kœnig
réalisé par l'Agence de l'informatique, l'Agence nationale pour l'emploi, et al.
Paris : La Documentation française. - (Dossiers professionnels)
Vol. 1 : juin 1986. - 326 p. ; 24 cm ISBN 2-11-001675-2
Vol. 2 : janvier 1987. - 403 p. ISBN 2-11-001778-3

Les deux volumes des Professions de l'informatique feront date. Cette somme de 700 pages s'attache en effet à cerner les filières professionnelles de l'informatique, espace professionnel non stabilisé s'il en est. Les auteurs des différentes contributions émanent d'organismes, administratifs ou professionnels, qui ont été associés à la définition et à la conception de ces dossiers sous la responsabilité technique du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) : Agence de l'informatique (ADI), Agence nationale pour l'emploi (ANPE), Centre pour le développement de l'information permanente (Centre INFFO), Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP). Une quinzaine de pages de bibliographie réparties sur les deux volumes complètent l'ensemble.

Cet ouvrage fait l'objet d'approches complémentaires. Le premier volume s'attache aux fondements technologiques des professions de l'informatique, ainsi qu'à l'évolution qualitative des emplois et du marché du travail. Le second volume présente une approche statistique des emplois de l'informatique, la formation initiale et la formation continue, ainsi que des fiches d'emplois types. C'est Pierre Berger, journaliste au Monde informatique, qui introduit le sujet avec une contribution sur les fondements technologiques. Il développe les différents éléments de ce qu'il appelle le « fleuve informatique » : le matériel, le logiciel, les méthodes et l'environnement technique, l'environnement général. La clarté de son propos mérite ici d'être soulignée.

Pierre Simula (CEREQ) évoque ensuite les emplois de l'informatique. II constate que les tendances d'évolution actuelle sont soit à l'élaboration d'un système d'information à part entière, au sein de l'entreprise, soit au rapprochement entre l'activité des utilisateurs et les procédures informatiques (la fameuse convivialité). II remarque qu'une trop grande spécialisation va à l'encontre de la flexibilité requise par ces nouvelles tendances. On s'achemine, semble- t-il, vers un profil professionnel de « généraliste de haut niveau » dont les compétences, plus étendues qu'approfondies, permettront la mobilité, signe de leur ascension sociale et professionnelle.

Béatrice Guillet (ANPE) traite en deux temps du marché du travail des informaticiens. Elle s'intéresse tout d'abord à l'évolution des politiques de recrutement par rapport aux itinéraires professionnels des informaticiens. L'informatique des années 80 - informatique éclatée - fait subir aux activités professionnelles correspondantes une mutation profonde et rapide. Les doubles compétences deviennent indispensables. Les entreprises ont certes besoin de spécialistes proches des machines, mais aussi de ces généralistes qui aient une vision intégrée de l'entreprise. Une formation d'un niveau élevé est alors le garant de la capacité d'évolution. Puis, sur la base des résultats d'une enquête réalisée en 1985 auprès de 3000 demandeurs d'emplois, l'auteur constate que cette évolution de l'informatique est la cause du désajustement offre/ demande d'emplois. Elle termine par des recommandations aux jeunes intéressés par l'informatique. Françoise Meunier, documentaliste au CEREO, clôt le premier volume sur une recherche bibliographique d'une dizaine de pages en cinq chapitres traitant de l'informatique et la société, des techniques et méthodes, des formations, des emplois et du marché du travail.

Jean-François Lochet et Éric Verdier (CEREQ) ouvrent le second volume sur une approche statistique des professions de l'informatique. A partir d'enquêtes standardisées (nomenclatures usuelles d'emplois) et d'enquêtes en entreprise, ils s'interrogent sur les incertitudes de recensement qui caractérisent le classement des informaticiens dans le but de mettre à jour le lien emploi/formation. Par ailleurs, ils constatent que la spécificité du marché du travail est d'inscrire de plus en plus profondément les informaticiens dans le fonctionnement des entreprises, ce qui ne devrait pas manquer de stabiliser les critères de recrutement.

Cécile Courty (ONISEP) nous trace un panorama de la formation initiale à l'informatique depuis 30 ans. Elle observe que l'informatique, érigée en science à part entière avec ses concepts et ses thèmes propres, a conduit à l'élévation des niveaux, la caractéristique de ces professionnels étant qu'ils se doivent d'être des étudiants permanents. L'auteur fournit en fin de contribution une liste détaillée des diplômes en vigueur. Les formations continues à l'informatique, quant à elles, sont abordées par Fabienne Berton (Centre INFFO). Celle-ci en dresse notamment une typologie, en distinguant les formations de base, d'intégration à l'emploi, d'adaptation à l'outil, de mise à niveau et d'élargissement des connaissances et des compétences. Elle observe que leur contenu a évolué en fonction des mutations technologiques en un mouvement d'extension et d'élargissement.

Enfin Diane Barrat et Pierre Simula (CEREQ) nous présentent des fiches d'emplois liés à l'informatique. C'est une typologie de 20 emplois basée sur une analyse fonctionnelle. Certains emplois nouveaux (type interface) n'ont pas été intégrés parce que pas encore suffisamment stabilisés. Chaque fiche décrit un emploi type, « modèle construit à partir d'un ensemble de situations de travail concrètes en association avec des activités et des profils individuels ».

Ces fiches contiennent : les appellations courantes, une définition, l'environnement économique et social, la situation et l'évolution, les condition d'accès et d'évolution. Les fiches sont ensuites réparties par fonction : application, exploitation, système, vente et après-vente. Un index de 140 appellations renvoie à ce corpus de 20 emplois types. On y apprend d'ailleurs qu'un bibliothécaire peut également relever de l'emploi type « opérateur d'exploitation » qui « prépare et exécute les manipulations encore nécessaires à l'alimentation des unités périphériques de l'ordinateur Il assure la conduite et la surveillance de ces unités ainsi que celles des équipements de façonnage lors de leur fonctionnement ». Autre appellation : « bandothécaire »... (p. 315).

A la suite de ces contributions, on ne peut que regretter l'absence d'une synthèse pour les deux volumes, qui aurait permis de pallier l'éclatement dû aux différents articles. Par ailleurs, un index général aurait été très apprécié. Néanmoins, il y a fort à parier que cet ouvrage servira de référence pour avoir dégagé les tendances d'évolution des professions de l'informatique, en même temps qu'il dissipe l'ésotérisme qui a longtemps entouré ce champ nouveau d'activités. Il devrait par là-même largement intéresser les professionnels de l'informatique, les bibliothèques et les centres de documentation, sans compter les organismes d'orientation scolaire et professionnelle.