La formation continue des bibliothécaires de la Caraïbe : actes

ACURIL (17 ; 1986 ; Sainte-Croix, Iles Vierges, États-Unis)

par Philippe Hoch
rédigés par Marie-Françoise Bernabé,... Charles Pierre-Jacques,...
Fort-de-France : Université des Antilles-Guyane ; Montréal : Université de Montréal, 1987. - 194 p. ; 28 cm
ISBN 2-890237-036

Les transformations profondes, voire, à certains égards, les bouleversements survenus dans le métier de bibliothécaire consécutivement à ce qu'il est convenu d'appeler les « nouvelles technologies », ont conduit les autorités de tutelle et les organisations professionnelles, notamment, à repenser le problème de la formation initiale, à en adapter contenu et forme à des données neuves. S'il convenait que les jeunes bibliothécaires pussent acquérir un savoir et un savoir-faire intégrant les apports les plus novateurs de la bibliothéconomie, il n'importait pas moins, cependant, d'assurer également le recyclage de leurs aînés. Or, il faut reconnaître que la formation continue des personnels en fonction a été prise en compte plus tardivement peut-être et de manière plus sporadique que la formation initiale, jugée prioritaire.

Aussi doit-on se féliciter qu'une association internationale ait pris pour thème unique de l'un de ses derniers congrès annuels « La formation continue des bibliothécaires ». Les membres de l'Association des bibliothèques d'université, de recherche et institutionnelles de la Caraïbe (ACURIL), en provenance d'une trentaine de pays ou territoires, se sont en effet réunis en mai 1986, durant une semaine, à Sainte-Croix, lies Vierges (États-Unis) pour confronter largement idées et expériences. Le lecteur en trouvera la substance dans les Actes trilingues de ce dix-septième congrès d'ACURIL, publiés conjointement par les universités des Antilles-Guyane et de Montréal. La richesse et l'intérêt de l'ouvrage pourraient se résumer d'un trait : la diversité dans l'unité. En effet, par-delà l'appartenance à une aire géographique commune et des obstacles, notamment économiques, largement répandus, les différences linguistiques, politiques, voire culturelles. sont grandes ; chaque page de l'ouvrage en témoigne d'une certaine façon.

Avant l'examen des cas particuliers, des exemples individuels, il convenait que fût présentée une vue d'ensemble de la question ; tâche dont s'est acquitté E. J. Losey dans sa communication inaugurale : « Continuing library education : its necessity and importance ». La nécessité et l'importance de la formation continue des bibliothécaires : ouverture, thème initial, mais aussi leitmotiv du congrès d'ACURIL, où les différents intervenants n'ont guère cessé, au fond, d'en proposer de nombreuses et subtiles variations.

Missions réelles des écoles

Le premier groupe de communications réunies dans ce volume concerne le rôle des écoles de bibliothéconomie, dont la vocation première réside bien entendu dans la formation initiale, mais qui sont toutefois appelées, dans le prolongement de leur mission fondamentale, à participer à la mise à jour des connaissances et au perfectionnement des bibliothécaires en poste. Les écoles professionnelles disposent en effet de toute une infrastructure, d'un personnel permanent et d'un réseau d'intervenants extérieurs, dont peut et doit bénéficier un public plus large que celui des étudiants. L'œuvre que ces institutions éducatives sont appelées à accomplir est d'autant plus importante, sans doute, dans les pays en développement, comme le souligne Daphne Douglas, dans la mesure où elles constituent fréquemment la seule structure du pays capable d'offrir de telles prestations. Quelle part, concrètement, prennent les écoles de bibliothéconomie dans la formation continue ? Emilia Bernal Rosa présente les résultats du recensement qu'elle entreprit pour les pays de la Caraïbe hispanophone, avant de conclure à la nécessité, non seulement d'une coordination à l'échelle régionale, mais bien d'une véritable coopération, c'est-à-dire d'un partage des moyens, matériels et humains, au service de cette mission.

Jacqueline Ayrault, pour sa part, examine la situation dans la Caraïbe francophone et particulièrement dans les trois départements d'outre-mer, pour lesquels un Centre régional de formation professionnelle (CRFP) a été mis en place entre 1980 (Martinique) et 1984 (Guyane), l'implantation en Guadeloupe se situant en 1981. Si le rôle premier du CRFP des Antilles - et des centres régionaux en général - était d'assurer la formation de base des nouveaux bibliothécaires, il est apparu rapidement, pour des raisons diverses (notamment le peu de reconnaissance, semble-t-il, des diplômes professionnels par les employeurs) que les besoins exprimés concernaient davantage le recyclage des personnels déjà engagés dans la vie active que l'apprentissage du métier par les débutants. La situation semble particulièrement nette, à cet égard, en Martinique, et si l'auteur reconnaît qu'en Guyane les données du problèmes sont bien différentes, on pourrait cependant se demander s'il n'en va pas de même pour la Guadeloupe. Toujours est-il que la préparation au CAFB a dû être abandonnée au profit d'actions de formation continue.

Bibliothègues et associations : participation continue

Outre les écoles de bibliothéconomie, dont c'est en quelque sorte la fonction naturelle, d'autres institutions participent au perfectionnement des bibliothécaires. Une table ronde, présidée par Gérard Thirion. permit d'en présenter quelques-unes. La première intervention (Yvonne C. Lancaster), dont le texte nous est offert dans le volume, examine le rôle des cours du soir et le développement de l'enseignement supérieur par correspondance, lesquels permettent de contourner, au moins partiellement, les obstacles géographiques et économiques. Virginia Betancourt Valverde, quant à elle, met en exergue la mission de formation spécifique qui incombe aux bibliothèques nationales, appelées à intervenir tout particulièrement dans certains domaines relevant traditionnellement de leur compétence ; parmi ceux-ci, l'introduction dè nouvelles techniques, l'adoption de normes internationales, la constitution de listes d'autorité, la conservation des collections, etc. Les besoins propres aux bibliothèques de lecture publique, dont le développement a été rapide autant que spectaculaire en aval des campagnes d'alphabétisation et d'éducation de masse (Myriam Mejia), ceux des bibliothèques spécialisées (Vere Achong), ainsi que des institutions d'archives (Jean Wilfrid Bertrand) sont ensuite exposés tour à tour.

A côté des centres de formation officiels et des autres institutions documentaires, les associations professionnelles jouent, elles aussi, un rôle important dans la formation continue. Françoise Montbrun et Henriette Brival évoquent le travail entrepris au sein de l'Association des archivistes, bibliothécaires, documentalistes francophones de la Caraïbe (AABDFC) et des Associations de documentalistes-bibliothécaires de centres de documentation et d'information des établissements secondaires (ASSODOC). Après celles des Antilles françaises, sont présentées les associations œuvrant à Curaçao (Winifred L. Stegeman-Tanasale), à la Jamaïque (John A. Aarons), à Trinité-et-Tobago (E. Mohamed), ainsi qu'à Porto Rico (Almaluces Figueroa).

Les Actes du congrès d'ACURIL rendent aussi compte de séances parallèles, tenues sur l'« éducation à distance », formule promise, semble-t-il, à un bel avenir (Albertina Jefferson) et sur l'adaptation aux systèmes informatisés (Peter Moll). Mention particulière doit être faite de la communication de Jean Meyriat intitulée « Propositions de tronc commun en formation continue ». L'auteur voit dans des enseignements de perfectionnement et de réactualisation des connaissances, qui seraient dispensés non seulement aux bibliothécaires, mais aussi aux membres des professions apparentées (documentalistes, archivistes...) un remède à l'inévitable spécialisation dans laquelle s'enferment souvent les professionnels des différentes branches. Le mérite de Jean Meyriat est d'offrir, par-delà les prises de position générales, l'ébauche de ce que pourrait être un recyclage profitable à l'ensemble des professionnels de l'information et de la documentation. L'ouvrage prend fin avec le compte rendu de deux ateliers. Dans le cadre du premier, Lydia Mérigot rappelle les actions et objectifs nouveaux de la DBMIST et Gérard Briand définit les grandes lignes de l'action de la Direction du livre et de la lecture dans le domaine de la formation continue. Le bilan de la décennie écoulée et les perspectives à plus ou moins longue échéance font l'objet, enfin, du second atelier.

Au total, un ensemble de contributions intéressantes, portant sur un problème important entre tous et placé dans une perspective résolument internationale. On eût aimé, cependant, qu'à côté des présentations d'expériences diverses, pour riches qu'elles soient, une synthèse générale de quelque ampleur vînt pallier quelque peu les inconvénients. pour le lecteur, de la simple juxtaposition des exposés.