Enseignement de la bibliothéconomie en Chine

Yong-Li Zou

Le niveau de l'enseignement de la bibliothéconomie dans un pays est étroitement lié à celui du développement des bibliothèques : l'enseignement fournit du personnel qualifié aux bibliothèques; le développement des bibliothèques crée une demande permanente de personnel qualifié qui détermine le développement de cet enseignement.

En Chine, l'enseignement de la bibliothéconomie a 65 ans d'histoire. Bien qu'il ait fait des progrès remarquables, notamment ces dernières années, son développement est encore insuffisant. Ceci est dû principalement au sous-développement de l'entreprise nationale en matière de bibliothèques, qui a lui-même deux causes : la situation économique difficile du pays et le mépris dans lequel les gouvernements ont tenu le rôle des bibliothèques pendant de longues années.

C'est à la fin de la Révolution culturelle, en 1976, que la nécessité du développement économique, pour sortir le pays de la crise où il était plongé, a poussé le gouvernement à essayer d'augmenter le niveau culturel de toute la nation, afin de pouvoir réaliser les quatre modernisations 1 avant l'an 2 000. Pour la première fois, on a vraiment reconnu l'importance des bibliothèques. C'est dans ce contexte qu'est intervenu le développement considérable de l'enseignement bibliothéconomique depuis 1978.

Panorama : de 1920 à nos jours

L'histoire de l'enseignement de la bibliothéconomie en Chine s'étend sur une soixantaine d'années au cours desquelles on peut distinguer quatre périodes principales : la fondation(1920-1952), la réorganisation (1953-1966), la décadence pendant là Révolution culturelle (1966-1976) et enfin le redressement après 1977.

En 1909, le gouverneur de la dynastie Tsing (1644-1911), dernière dynastie féodale de l'histoire chinoise, promulguait une loi créant les bibliothèques publiques, intitulée Les règlements nationaux des bibliothèques de Pékin et des provinces, dont l'application entraîna l'apparition d'une première série de bibliothèques de lecture publique à Pékin et dans les provinces.

Au mois de mai 1920, l'Université Wenhua de Wuchang (devenue l'Université de Wuhan en 1950) fut la première à créer un Département des bibliothèques qui prit modèle sur le programme d'enseignement de l'Ecole départementale des bibliothèques de New York, aux Etats-Unis. D'autres créations suivirent à partir de 1925, au fur et à mesure de la diffusion de la bibliothéconomie moderne et du développement des bibliothèques publiques. Toutefois, le Département bibliothéconomique de l'Université de Pékin, créé en 1947, est le seul à avoir fonctionné depuis sa création jusqu'à nos jours. Au début, il recrutait uniquement à l'intérieur de l'Université de Pékin parmi les diplômés des autres disciplines.

A partir de 1952, il y eut une campagne nationale de réorganisation des instituts et des facultés de l'enseignement supérieur, qui toucha également le domaine de l'enseignement bibliothéconomique et favorisa dans une certaine mesure son développement. En 1953, le département des bibiothèques de Wenhua fit passer la durée de l'enseignement de deux à quatre ans. Le programme s'enrichit beaucoup grâce à de nombreuses disciplines enseignées à l'Université. Le département bibliothéconomique de l'Université de Pékin procéda aussi à des réformes allongeant d'abord la durée de l'enseignement de deux à trois ans en 1953, puis de trois à quatre ans en 1956. Le recrutement se fit sur le plan national par un concours d'entrée universitaire accessible seulement aux titulaires du baccalauréat.

Après 1950, le nombre des bibliothèques s'accrut rapidement et le nombre d'étudiants diplômés issus des deux départements bibliothéconomiques de l'Université de Pékin et de l'Université de Wuhan ne suffit plus à satisfaire les demandes en bibliothécaires qualifiés. Pour pallier cette insuffisance, le ministère de l'Education autorisa la création de départements bibliothéconomiques dans certaines universités de statut régional.

En 1956, en plus de l'enseignement universitaire, l'Université de Pékin commença à organiser parallèlement des cours de bibliothéconomie par correspondance et des cours de perfectionnement pour les bibliothécaires en fonction. Elle fut suivie en cela par l'Université de Wuhan.

Dès 1957, sous l'égide de l'administration centrale et locale furent organisés des stages et des cours de bibliothéconomie (formation et perfectionnement) qui, pour une grande part, pallièrent l'insuffisance de l'enseignement universitaire dont le développement était alors restreint en raison de la situation économique.

De 1966 à 1976, le fonctionnement du système éducatif se touva paralysé et l'enseignement de la bibliothéconomie fut gravement touché. Les établissements d'enseignement bibliothéconomique et les différents types de formation de bibliothécaires furent tous supprimés, à l'exception du Département bibliothéconomique de l'Université de Pékin et de celui de l'Université de Wuhan, qui n'accueillirent toutefois aucune promotion pendant six ans. Ils reprirent en 1972, avec une durée de scolarité réduite à deux ans. Le programme d'enseignement s'était aussi beaucoup réduit. Les manuels d'enseignement, très tendancieux politiquement, comportaient peu d'information en ce qui concernait les connaissances et les techniques fondamentales de la bibliothéconomie, et presque rien sur l'évaluation des études bibliothéconomiques à l'étranger.

Depuis la Révolution culturelle, l'enseignement bibliothéconomique a repris son cours. De 1978 à 1979, une dizaine d'universités ont établi ou rétabli un département de bibliothéconomie. Quant aux départements bibliothéconomiques des Universités de Pékin et de Wuhan, ils se sont réorganisés pour régler les problèmes concernant leur programme d'enseignement et la durée de la scolarité qui repassa à quatre ans. En outre, en 1978, ils créèrent, chacun, une section d'information scientifique pour former des professionnels en recherche documentaire informatisée. Ainsi débuta une nouvelle époque dans l'enseignement de la bibliothéconomie qui allait désormais répondre aux tendances et aux besoins de la modernisation des bibliothèques. Treize universités assurent actuellement l'enseignement de l'information scientifique.

En 1984, le ministère de l'Education a autorisé la création d'un Institut de bibliothéconomie et de science de l'information, l'IBSI, premier établissement d'enseignement supérieur spécialisé dans le domaine bibliothéconomique à l'Université de Wuhan, sur la base du Département de bibliothéconomie. Il comprend quatre départements: bibliothéconomie, information scientifique, archives, diffusion des livres, et un centre : le Centre national de formation des informaticiens documentaires; il est représentatif des tendances actuelles de la bibliothéconomie en Chine, à savoir l'accroissement de la dimension de la bibliothéconomie et le raffinement des disciplines du métier de bibliothécaire.

D'après le rapport de la conférence nationale de l'enseignement bibliothéconomique qui a eu lieu en août 1985 à Xindou, il existe actuellement 38 universités ayant un département de bibliothéconomie, 9 collèges professionnels de bibliothécaires et 33 établissements non permanents d'enseignement bibliothéconomique dispensé avec le soutien de l'administration centrale ou locale. Chaque province dispose d'établissements d'enseignement bibliothéconomiques sauf certaines, très éloignées, comme le Qinghai ou le Tibet.

Modalités de la formation

Actuellement la formation des bibliothécaires s'effectue essentiellement de deux manières : par l'enseignement bibliothéconomique en université pour la majorité des bibliothécaires du niveau supérieur, et par la formation professionnelle assurée par les administrations centrales et locales.

Enseignements assurés par les universités

Selon l'organisation de l'enseignement et le niveau des cours, on distingue l'enseignement universitaire, l'enseignement post-universitaire, les cours de perfectionnement et l'enseignement par correspondance. Les deux premières formes tiennent une place fondamentale dans l'enseignement effectué par les universités.

L'enseignement universitaire

Un concours national d'entrée à l'Université, ouvert à tous les bacheliers, est organisé chaque année en juillet par le ministère de l'Education. Ceux qui veulent se spécialiser en bibliothéconomie participent au concours de sciences humaines qui comporte six contrôles : chinois, philosophie et actualité, histoire, géographie, mathématiques, langue étrangère (une langue au choix). Ceux qui veulent se spécialiser dans la science de l'information participent au concours de sciences exactes qui comporte également six épreuves : chinois, mathématiques, chimie, physique, biologie, langue étrangère. La durée totale du cursus est de quatre années : pendant trois ans et demi, l'enseignement magistral tient une large place, à côté de travaux de groupes, de stages de quelques jours et de visites, et, pendant les cinq derniers mois, les étudiants se consacrent à leur mémoire; ils font d'abord un stage de quatre à sept semaines en bibliothèque, en liaison avec leur sujet de mémoire et, à l'issue de ce stage, travaillent à leur mémoire sous la direction d'un professeur ou d'un maître chargé de cours.

Le programme d'enseignement se divise en trois parties correspondant à trois catégories de disciplines :
- les disciplines spécifiques, qui sont essentiellement, pour les étudiants de la section bibliothéconomie proprement dite, la bibliographie, les classifications, le catalogage, la bibliologie, l'histoire des bibliothèques, l'automatisation des bibliothèques, leur management, l'introduction à la science de l'information... et, pour la section sciences de l'information, en plus de certains cours portant sur les bibliothèques, la recherche de documentation scientifique et technique, la programmation, le management des systèmes documentaires, l'analyse des langages documentaires...
- les disciplines générales dont les étudiants suivent généralement les cours dans d'autres départements de l'université : pour la section bibliothéconomie, il s'agit de cours d'histoire, de littérature, de sociologie, de psychologie, de logique, de langue étrangère, de chinois ancien, etc., et, pour la section sciences de l'information, ce sont des cours de mathématiques, de physique, de chimie, de langue étrangère, ainsi que des cours sur les systèmes de banques de données et sur les langages informatisés.
- les disciplines politiques : il y a des cours communs, pour tous les étudiants, qui sont des cours de philosophie marxiste et d'économie politique. Les étudiants de la section bibliothéconomie suivent, en plus, des cours sur l'histoire du parti communiste chinois et sur l'histoire des mouvements communistes internationaux.

Les programmes d'enseignement sont relativement différents d'une université à l'autre, ce qui s'explique par la jeunesse de l'enseignement bibliothéconomique en Chine. Ces différences sont aussi le reflet des polémiques qui eurent lieu autour de l'élaboration d'un programme parfait.

Le diplôme final, Xueshi, équivalent de la maîtrise française, est délivré par la commission des diplômes de l'université, au vu des notes obtenues par les étudiants, sous le contrôle du ministère de l'Education.

Les débouchés offerts aux étudiants diffèrent suivant le statut de leur université. Les diplômés du Département de bibliothéconomie de l'Université de Pékin et ceux de l'IBSI de l'Université de Wuhan sont nommés sur le plan national car il s'agit d'universités pilotes pour le ministère de l'Education. C'est donc le ministère qui fournit directement les postes dans les bibliothèques provinciales (les plus grandes de chaque province), les bibliothèques des grandes universités, les bibliothèques des unités importantes d'études et recherches, ou bien les établissements d'enseignement bibliothéconomique. Pour les diplômés des universités ayant un statut régional ou provincial, la nomination se fait à l'échelon correspondant à des postes équivalents, mais qui peuvent se trouver dans des bibliothèques municipales de villes moyennes.

L'enseignement post-universitaire

il a été mis en place en 1978 par les deux établissements pilotes dont il a été question plus haut, afin de former des chercheurs de haut niveau dans le domaine de la bibliothéconomie, ainsi que des enseignants pour les universités.

Le recrutement se fait par un concours ouvert aux titulaires du Xueshi. Il est organisé conjointement par le ministère de l'Education et l'établissement concerné, chaque année, au mois de février. Les disciplines diffèrent d'un établissement à l'autre, voire à l'intérieur d'un même établissement, et dépendent des domaines dans lesquels les futurs professeurs des lauréats voudront ensuite les spécialiser.

Deux épreuves sont cependant obligatoires à tous les établissements : l'épreuve de connaissance politique, qui couvre les domaines de la philosophie, de l'économie, de l'actualité, etc., et l'épreuve de langue étrangère pour laquelle le candidat peut choisir entre l'anglais, le français, l'allemand, le russe et le japonais.

La durée totale de la scolarité est de trois ans et comprend des cours magistraux, des séminaires et des stages. Les programmes d'enseignement diffèrent un peu selon les établissements. En général 2, au cours des dix-huit premiers mois, les étudiants doivent suivre un tronc commun, quel que soit le domaine de leurs études particulières. Il s'agit de cours approfondis de bibliothéconomie générale, management des systèmes d'information, théorie et méthodologie de la science de l'information, communication et diffusion de l'information, bibliographie, histoire des bibliothèques, collecte des références bibliographiques en bibliothéconomie, fonds et lecteurs, étude des classifications chinoises, étude sur les fonds anciens, construction des bibliothèques, étude des ouvrages de références étrangères en sciences sociales, bibliothéconomie internationale et langue étrangère. Des cours d'orientation politique, comme la philosophie marxiste, sont également obligatoires. Le nombre total d'heures de cours est d'environ six cents heures.

Les étudiants consacrent la deuxième partie de leur scolarité (les dix-huit derniers mois) à des travaux personnels sur un sujet précis dans leur domaine d'études propre, sous la direction du professeur concerné. Ce travail donne lieu à une thèse.

A l'issue de ces études, le diplôme de Shuoshi, équivalent du Master's degree des Etats-Unis, est délivré, au vu des notes obtenues, par le département universitaire intéressé, sous le contrôle du ministre de l'Education. C'est actuellement le diplôme le plus élevé de l'enseignement bibliothéconomique en Chine.

Depuis l'entrée de la première promotion à l'Université de Pékin et à l'Université de Wuhan, en 1978, trois autres universités ont ouvert un cycle similaire. D'après les statistiques de la Conférence nationale de l'enseignement bibliothéconomique d'août 1985, soixante-deux étudiants ont obtenu le diplôme de Shuoshi et cent onze suivent actuellement cet enseignement.

Les cours de perfectionnement

Autre formule d'enseignement de la bibliothéconomie, ces cours s'adressent à deux publics : les bibliothécaires ayant un diplôme universitaire dans un autre domaine que la bibliothéconomie et les bibliothécaires qualifiés, diplômés en bibliothéconomie, qui trouvent nécessaire, après une période de travail, de se perfectionner sur un sujet précis, sur lequel les recherches avancent souvent très vite. Ce peut être aussi le cas d'enseignants ou d'enseignantsstagiaires en bibliothéconomie.

Pour répondre aux besoins de ces deux catégories d'étudiants, les cours peuvent s'organiser de deux manières : soit un cours d'initiation portant sur l'ensemble des connaissances bibliothéconomiques et couvrant largement toutes les disciplines qui s'y rapportent, mais de manière peu approfondie, et dont la durée varie de 1 à 2 ans; soit, pour le deuxième type de public, un cycle de perfectionnement d'un an portant sur un sujet précis. Ces sujets varient en fonction de la demande et des besoins : ainsi l'Université de Pékin a organisé, en 1978, un cours sur les livres rares et précieux, et l'IBSI un autre, en 1980, sur les applications de l'informatique dans la recherche documentaire. Les cours se déroulent à l'université.

Il n'y a pas d'épreuves pour le recrutement. A la fin du cycle, un diplôme de perfectionnement est attribué à ceux qui ont réussi le contrôle final et qui retrouvent ensuite leur ancien poste. Treize universités assurent actuellement régulièrement cette formation. On ignore le nombre exact de diplômés.

L'enseignement par correspondance

L'enseignement par correspondance est organisé pour les bibliothécaires en poste. Les universités organisent elles-mêmes le concours de recrutement qui est ouvert aux candidats possédant un baccalauréat ou un diplôme équivalent, et dont les disciplines sont les mêmes que celles du concours national d'entrée à l'université mais moins approfondies. Les études sont payées par les bibliothèques et les établissements où exercent les étudiants. Ceux-ci restent en fonction et reçoivent leurs cours par la poste. Les programmes d'enseignement sont presque identiques à ceux des universités, mais ne comportent pas de stage. Au bout de quatre années, les étudiants dont les résultats sont satisfaisants obtiennent un diplôme, inférieur cependant au Xueshi.

Cet enseignement a été mis en place en 1960. Aujourd'hui, neuf établissements d'enseignement bibliothéconomique sont autorisés à le dispenser. Ils ont déjà formé 3 019 bibliothécaires ; 2 551 étudiants suivent actuellement ces cours.

Formation professionnelle dispensée par l'administration

Elle est parallèle à l'enseignement universitaire et a pour but d'améliorer la qualité des bibliothécaires non qualifiés, qui représentent une part importante de la profession.

Les cours accélérés de courte durée

Ils sont organisés tant par les administrations locales que centrales. Dans les cours organisés par les administrations locales - généralement les municipalités - les participants viennent de toutes les bibliothèques situées dans la circonscription administrative correspondant à l'administration organisatrice : bibliothèques de quartier, d'usines ou de lycées. La durée d'un cycle de formation est comprise entre 3 et 6 mois, durant lesquels les bibliothécaires sont détachés de leur emploi pour suivre la formation accélérée.

Parfois, les cours sont organisés autour d'un sujet précis, afin que les bibliothécaires soient capables de maîtriser une technique ou une pratique professionnelle précise. Parfois, ils portent sur l'ensemble de la bibliothéconomie générale, comme ceux que la ville de Taiyuan a organisés en 1983 et 1984 et dont les cycles s'intitulaient Le métier de bibiothécaire.

Différentes branches de l'administration centrale organisent également des cours à l'intention des bibliothécaires exerçant dans les établissements dont ils ont la charge. Les modalités d'enseignement sont presque identiques à celles des cours organisés par les administrations locales; certaines sessions regroupent cependant des promotions beaucoup plus importantes.

L'organisation des cours accélérés de courte durée est aléatoire : il n'y a pas de promotions régulières et les sujets des cours changent suivant les sessions. Cette formation ne donne pas lieu à un diplôme et les candidats sont sélectionnés sur la recommandation des bibliothèques qui les envoient. D'après le Bulletin des bibliothèques (chinoises), (1985, n° 11), et le Bulletin des bibliothèques universitaires, (1985, n° 8), il y a eu au total 4 060 sessions de cours accélérés de courte durée sur le plan national depuis 1949.

Cours assurés en dehors des heures de travail

L'administration locale, généralement la municipalité, assure également cet enseignement. Elle finance la formation, fournit les locaux et le matériel nécessaire, et assure la rémunération des enseignants. Sur le plan technique, cette formation résulte d'une coopération entre les bibliothèques locales dont les bibliothécaires sont habilités à assister aux cours. Chaque bibliothèque délègue des participants qui forment la direction des études, laquelle se charge de mettre en place le programme d'enseignement et décide du mode de recrutement. Le programme est comparable à celui du département de bibliothéconomie des universités, exception faite de certains cours non bibliothéconomiques. L'horaire total d'un cycle d'études correspond à 1 600, 1 800 heures.

Le mode de recrutement est variable, suivant les décisions des collectivités organisatrices des cours. Dans la plupart des cas, il se fait sur recommandation de la bibliothèque où travaille le candidat; certaines conditions sont cependant requises : le postulant doit posséder le baccalauréat ou une équivalence, ou bien justifier d'un certain nombre d'années de service dans les bibliothèques.

A l'issue du cycle de formation, un diplôme est délivré au vu des résultats obtenus. Il n'est pas encore reconnu comme l'équivalent du diplôme universitaire par le ministère de l'Education. Actuellement, trente trois-municipalités assurent régulièrement cette formation. Ce système tend à se développer et à se renforcer depuis quelques années.

Solutions envisageables

Compte tenu de la prépondérance de l'université, l'amélioration et le développement de l'enseignement universitaire sont le préalable indispensable à l'amélioration effective de la qualité des bibliothécaires.

Réforme des programmes et amélioration des outils pédagogiques

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l'évolution des bibliothèques au niveau mondial, la naissance de la science de l'information et son application rapide ont provoqué une profonde transformation au sein de la bibliothéconomie traditionnelle. Intégrer des cours sur la science de l'information dans les programmes d'enseignement bibliothéconomique paraît donc indispensable : c'est d'ailleurs ce qu'ont fait et sont en train de faire certains établissements étrangers. En revanche, la science de l'information occupe une place très modeste dans les programmes des départements de bibliothéconomie des universités chinoises.

A cela, deux raisons essentielles : d'une part, la conception traditionnelle de la bibliothéconomie a fortement dominé l'enseignement et l'on a trop longtemps considéré que la bibliothéconomie s'intégrait entièrement dans les sciences humaines; d'autre part, depuis quelques années, certains départements de bibliothéconomie ont créé une section Sciences de l'information, considérant que cette section nouvelle était le lieu privilégié pour un enseignement de cette discipline, mais on a négligé d'introduire la science de l'information, pourtant de plus en plus indispensable aux bibliothécaires, dans la section bibliothéconomique proprement dite.

Pour sortir de cette situation, il convient donc de réformer la conception traditionnelle de la bibliothéconomie et, en second lieu, d'introduire progressivement des cours sur la science de l'information, en particulier des cours combinant bibliothéconomie et science de l'information. On devrait adopter deux critères pour décider des cours à introduire : compte tenu de la situation actuelle des bibliothèques en Chine, il serait bon qu'ils exposent des théories applicables aux réalités chinoises. Par ailleurs, ils devraient également exposer les théories issues des recherches les plus avancées en science de l'information, afin que les étudiants aient une idée générale du contexte international dans ce domaine. L'enseignement doit en effet toujours devancer la réalité pour que la profession progresse.

Les programmes d'enseignement de certains établissements étrangers pourraient être consultés et servir de référence. Certains manuels intéressants peuvent même être utilisés directement. Dans son article L'enseignement bibliothéconomique au Japon 3, Jian-Ping Jiang préconise l'adoption de manuels sur des thèmes tels que le management des centres d'information, le traitement du langage naturel, l'exploitation d'un système d'information, le contrôle bibliographique automatisé à la bibliothèque et d'autres ouvrages utilisés à l'Ecole de bibliothéconomie et d'information du Japon.

Des manuels unifiés d'usage national

Des manuels de bonne qualité constituent une condition nécessaire pour assurer la qualité de l'enseignement. Mais, jusqu'à maintenant, il n'existe pas encore de collection complète, en chinois, qui puisse être reconnue et adaptée par la plupart des universités. Leur indigence, depuis longtemps reconnue, a très souvent entraîné les universités à rédiger des polycopiés, à usage interne, qui n'ont aucun statut officiel. La qualité de ces travaux varie beaucoup selon le niveau de leurs rédacteurs, qui cherchent, d'autre part, trop souvent à y imposer leurs points de vue. Le défaut commun de ces manuels est l'obsolescence de leur contenu.

Pour régler ce problème, le ministère de l'Education a chargé , en 1981, un groupe d'enseignants de rédiger des manuels bibliothéconomiques de niveau universitaire à usage national, mais ils n'ont pu achever leurs travaux. Ils n'ont publié que cinq manuels en plus de 5 ans, manuels qui ne se sont d'ailleurs pas avérés satisfaisants. Il faudrait d'abord déterminer les domaines dans lesquels un manuel est nécessaire. On pourrait ensuite rassembler tous les manuels existants, et former un groupe de spécialistes chargés de sélectionner le meilleur dans chaque discipline, d'étudier ses insuffisances et de formuler des propositions pour l'amélioration; puis, dans un troisième temps, charger les établissements dont les manuels ont été sélectionnés d'en rédiger un nouveau, en tenant compte des critiques faites par les spécialistes et en se référant, au besoin, à des manuels étrangers remarquables. Cette rédaction répartie entre plusieurs universités devrait permettre de bonnes mises au point pour remplacer les manuels actuels qu'on utilise tout au plus un an ou deux.

Les enseignants

Le manque d'enseignants qualifiés est actuellement un des principaux obstacles au développement de la bibliothéconomie en Chine. Il se fait particulièrement sentir dans les nouveaux départements universitaires de bibliothéconomie. On rencontre principalement deux problèmes : tout d'abord, la majorité des enseignants actuels ont obtenu leurs diplômes du département de bibliothéconomie de l'Université de Pékin ou de celui de l'Université de Wuhan dans les années 50 à 70. Or, à cette époque, l'enseignement universitaire normal était périodiquement influencé, voire interrompu, par des mouvements politiques et, de ce fait, les diplômes obtenus n'avaient pas la valeur qu'ils auraient dû garantir. Par ailleurs, le domaine de la bibliothéconomie évolue tellement vite que le vieillissement des connaissances est devenu un problème commun aux professeurs qui ont, pour la plupart, de trop lourdes charges quotidiennes d'enseignement pour pouvoir se recycler.

En second lieu, si l'on examine l'origine des enseignants qui exercent dans ces établissements anciens, on s'aperçoit que plus de 90 % d'entre eux sont diplômés du département où ils exercent. Ce phénomène, qu'on peut qualifier de véritable népotisme intellectuel, a conduit à la pétrification des théories et des méthodes pédagogiques. De plus, presque tous ont commencé à enseigner dès l'obtention de leur diplôme, sans avoir acquis d'expérience pratique en bibliothèque, ce qui serait pourtant nécessaire pour que les innovations se propagent dans l'enseignement.

Ces problèmes ont été formulés depuis longtemps 4. Il n'est pas réaliste d'essayer de les régler en quelques jours. Des efforts sont pourtant possibles et nécessaires dans les directions suivantes :
- Chaque département devrait établir un plan pour alléger successivement la charge de chacun des enseignants, afin de leur donner du temps pour faire des recherches personnelles ou se perfectionner dans un autre établissement. Par ailleurs, chaque fois que c'est possible, on devrait leur permettre de faire des visites et des stages de courte durée à l'étranger, afin de suivre l'actualité internationale dans leur domaine.
- Les enseignants nouveaux diplômés devraient d'abord travailler un certain temps dans les différents types de bibliothèques ou centres documentaires. Il serait également souhaitable que les départements d'enseignement évitent de sélectionner systématiquement leurs enseignants parmi leurs propres diplômés et s'efforcent plutôt de recruter dans d'autres universités.
- Certains cours seraient donnés plus avantageusement par des spécialistes exerçant dans des bibliothèques ou des centres de documentation. Cette méthode, largement utilisée en France et aux Etats-Unis est pratiquement inexistante en Chine. L'expérience montre pourtant que l'intervention de spécialistes qui n'enseignent qu'en surérogation est très bénéfique : ces invités connaissent bien leur métier et sont, en général, capables de faire des approches sur un sujet de manière plus vivante et plus concrète. Cela permettrait surtout de pallier l'insuffisance des enseignants dans les nouveaux établissements.
- Enfin, il faudrait qu'un centre de formation continue de haut niveau pour les enseignants soit créé à l'intérieur d'un établissement d'enseignement bibliothéconomique de grande réputation, où, en plus des spécialistes chinois les plus prestigieux, des experts étrangers pourraient venir assurer certains cours.

L'accroissement nécessaire du potentiel de formation

Malgré le développement réel (quoiqu'inégal) de l'enseignement bibliothéconomique depuis 1978, celui-ci est encore loin de pouvoir satisfaire la demande des bibliothèques, sur le plan quantitatif notamment.

Actuellement, toutes catégories de bibliothèques confondues, on compte environ 143 000 bibliothécaires parmi lesquels seulement 4 % ont reçu une formation professionnelle. Dans ces 4 % de bibliothécaires qualifiés, le vieillissement commence à se faire sentir. A la bibliothèque de l'Université des transports et de la communication de Xian, l'une des universités chinoises les plus importantes, 53 % des bibliothécaires qualifiés ont déjà dépassé l'âge de la retraite.

L'accroissement du nombre de diplômés de l'enseignement universitaire présuppose que soit réglé le problème des enseignants, quantitativement et qualitativement, en particulier dans les nouveaux départements de bibliothéconomie. Il faudrait en priorité équiper les établissements pilotes dont les diplômés fournissent actuellement les gros contingents d'enseignants.

Il est également souhaitable que l'on généralise les collèges professionnels de bibliothécaires dans chaque province. En effet, en dehors de l'enseignement universitaire dont la vocation est de former le personnel de management des bibliothèques - et, à supposer même qu'il s'acquitte convenablement de sa tâche -, il n'existait pas avant 1983, d'établissement spécialisé dans la bibliothéconomie qui assurât une formation systématique de niveau moyen' destinée à former des bibliothécaires professionnels pour effectuer un travail concret à la bibliothèque. Il y en a aujourd'hui neuf en tout, ce qui demeure bien insuffisant.

Il convient également d'encourager la création de sections bibliothéconomiques dans les établissements d'enseignement spécialisé comme les écoles polytechniques, les instituts de médecine, etc. L'idée originale est de former des bibliothécaires pour des établissements du même genre que l'établissement formateur, de façon à ce que l'enseignement puisse être organisé spécifiquement autour d'une grande discipline et que les diplômés puissent mieux s'adapter au travail dans les bibliothèques spécialisées; un tel type de formation favorisera et complétera l'enseignement de la bibliothéconomie en lui défrichant de nouveaux terrains. Ce type de formation se trouve encore dans sa période expérimentale, seuls six établissements reçoivent des promotions régulières : l'Université de médecine de Bethune, l'Ecole polytechnique de Dalian, l'Université des transports et de la communication de Xian, l'Ecole supérieure de l'agriculture de Nanjing, l'Ecole nationale supérieure des mines et l'Ecole supérieure de l'électricité du Nord-Est.

Il faut cependant remarquer que le développement rapide de l'enseignement bibliothéconomique est susceptible de s'accompagner de problèmes, en particulier des problèmes de qualité. Les établissements d'enseignement professionnel devraient donc être soumis à un contrôle de qualité effectué par l'Association nationale des bibliothèques : reste à définir des exigences minimales de connaissances pour les diplômés des différents niveaux d'enseignement. Seuls les établissements dont le niveau d'enseignement serait considéré comme suffisant pour permettre aux étudiants de satisfaire à ces exigences seraient habilités par l'Association à délivrer un diplôme correspondant reconnu sur le plan national. Actuellement, la création d'un établissement professionnel et l'enseignement qu'il délivre ne sont soumis qu'au contrôle administratif, effectué par le ministère de l'Education ou par l'autorité de la province, mais aucun contrôle n'est effectué quant au niveau professionnel.

On pourrait ajouter qu'il n'y a pas que les problèmes de l'enseignement de la bibliothéconomie que nous avons abordés ci-dessus. En ce qui concerne la méthode pédagogique, le programme d'enseignement, la proportion des diplômés des différents niveaux d'enseignement, il y a beaucoup de choses à parfaire. D'une part chaque établissement doit reconnaître, analyser les problèmes qui existent et chercher à les régler. D'autre part, au niveau du ministère de l'Education, un suivi de l'évolution de l'enseignement bibliothéconomique devrait être organisé, des évaluations devraient être effectuées, afin que les problèmes communs et les tendances négatives soient perçus assez tôt pour que les établissements aient les moyens de les régler.

Pour un développement rationnel

Après cette présentation des différents aspects de l'enseignement, on peut conclure que, pour l'essentiel, ce sont des interventions humaines qui sont responsables des difficultés de son développement. Elles ont entraîné pendant longtemps un déséquilibre entre l'enseignement et la demande des bibliothèques.

Face à l'extrême rapidité de son développement actuel, l'Association nationale des bibliothécaires et le ministère de l'Education ont un rôle très important à jouer : ils doivent veiller à ce que l'enseignement se développe en conformité avec les demandes des bibliothèques à l'échelle nationale.

Il faudrait une estimation de la population à desservir, une étude de la vitesse de croissance du nombre des bibliothèques et de l'augmentation correspondante des fonds, menée à partir de l'évolution passée. Cela permettrait d'estimer les besoins en bibliothécaires et de prévoir les dimensions correspondantes des établissements d'enseignement bibliothéconomique. Une croissance rapide de leur nombre et de leur dimension est-elle souhaitable ou doit-elle être ralentie ? Le tableau ci-joint montre l'ampleur du marché potentiel de l'enseignement bibliothéconomique chinois.

Il faut tenir compte aussi du fait que sur un total de plus deux mille districts, 40 % n'ont pas de bibliothèques et que les 60 % qui en ont sont quasiment privés de bibliothécaires qualifiés. Ce manque de qualification sera d'autant plus criant que le gouvernement demande que chaque district ait sa bibliothèque dans les cinq années à venir 5.

Le problème actuel ne serait donc pas le développement trop rapide de l'enseignement bibliothéconomique, générateur d'un excédent de bibliothécaires qualifiés, comme certains le craignaient lors de la conférence sur l'enseignement de la bibliothéconomie d'août 1985, mais plutôt le suivant : alors que l'enseignement bibliothéconomique paraît encore insuffisant pour répondre à la demande et que le manque de bibliothécaires qualifiés est général, on a, par contre, gaspillé et on continue à gaspiller beaucoup de personnel diplômé en l'affectant à des tâches très inférieures à sa qualification.

Ce phénomène est dû à un mode déficient de nomination des diplômés et à une organisation fossilisée de la fonction publique. Il faudrait donc réformer sans retard ce système périmé inadéquat qui détruit en grande partie l'intérêt des efforts faits pour développer l'enseignement de la bibliothéconomie.

  1. (retour)↑  Cet article reprend une partie d'un mémoire de fin d'études de l'ENSB, soutenu en 1986.
  2. (retour)↑  Cet article reprend une partie d'un mémoire de fin d'études de l'ENSB, soutenu en 1986.
  3. (retour)↑  Modernisation des sciences et techniques, celle de l'industrie celle de l'agriculture et celle de la défense nationale.
  4. (retour)↑  L'analyse se fait d'après le programme de 1985 du Département de bibliothéconomie de l'Université de Pékin et celui de 1984 de l'IBSI.
  5. (retour)↑  Jian-Ping JIANG, « L'enseignement bibliothéconomique au Japon », Etudes sur les bibliothèques et les sciences de l'information (Tu Shu Qing Bao Gong Zuo), 1983, n° 2, p. 44-46.
  6. (retour)↑  Yi-Xian GUAN, « Mon point de vue sur la réforme de l'enseignement bibliothéconomique », Bibliothèque (Tu Shu Guan), 1984, n° 3, p. 82-85. Yun-Jiao SONG, « Tendance de l'enseignement bibliothéconomique », Bibliothèque universitaire (Ta Xue Tu Shu Gan), 1986, n° 3, p. 21-27.
  7. (retour)↑  Selon la planification économique nationale pour 1986-1990.