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Les centres de documentation et d'information dans les lycées, collèges et LEP

Françoise Chapron

Depuis leur création en 1958, les CDI (centres de documentation et d'information) se sont largement développés dans les lycées, collèges et LEP. Malgré l'extrême hétérogénéité des réalisations qui varient d'établissement à établissement, il est possible d'observer quelques caractéristiques générales de leur évolution : la généralisation du travail sur documents, la diversification des offres de lecture pour permettre aux enfants de maîtriser tous les types d'écrit, la volonté de s'associer à un projet éducatif global pour favoriser chez chacun d'eux l'autonomie, la construction d'un savoir et d'une culture personnels.

Founded in 1958, the documentation and information centers (CDI) have widely developed in colleges and in technical schools. In spite of the diversity of the centers, the main lines of their development can be noticed : generalization of work on documents; diversification of all sorts of written work; the will to cooperate with a general educational project for independance and formulation of personal knowledge and culture.

Les CDI (centres de documentation et d'information) se sont multipliés depuis leur création en 1958. Le premier SDI (service de documentation et d'information) fut mis en place au lycée Janson-de-Sailly sous l'impulsion de Marcel Sire proviseur de l'établissement (et futur inspecteur général chargé des CDI). C'était l'amorce d'une fusion entre les bibliothèques scolaires des lycées et les services de documentation (souvent très modestes) regroupant documents, revues et matériels divers destinés aux professeurs.

Progressivement, les SDI, dont l'activité restait essentiellement tournée vers les enseignants (il y avait souvent des rayonnages « bibliothèque élèves », « documentation professeurs »), évoluèrent. La diversification des fonds de bibliothèque-loisir et de documents fut entreprise, en les adaptant au niveau et aux centres d'intérêts des élèves. L'évolution des pratiques pédagogiques liées au développement du travail sur documents, introduit dans les disciplines littéraires notamment, à partir des années 70, entraînera un changement de leur appellation.

De simples services de conservation et mise à disposition de livres et de documents, à l'origine presque exclusivement écrits, les nouveaux CDI devinrent d'année en année des lieux de travail et de lecture dont la fonction fut modifiée par la volonté des usagers eux-mêmes. Certains professeurs, pratiquant le travail sur documents, exploitèrent de façon plus régulière les ressources documentaires mises à leur disposition; les documentalistes de leur côté entendaient rendre plus vivant et efficace cet espace original dans l'école, dont ils avaient la responsabilité.

Pour ces raisons, la fréquentation des CDI par les élèves eux-mêmes venant y travailler avec leurs professeurs, ou attirés par un choix de lectures plus large (romans, contes, documentaires, bandes dessinées...) disponibles dans l'école même, s'accrut.

Une implantation disparate

Cependant, l'évolution quantitative de l'implantation des CDI (et, à partir de la fin des années 60, leur extension aux collèges, puis plus récemment encore aux LEP) n'a pas suivi un rythme suffisant pour couvrir les besoins. A l'heure actuelle, environ 70 % des collèges, 30 % des LEP et tous les lycées (où la structure des bibliothèques existait à l'origine) possèdent un CDI. Encore faut-il s'entendre sur la réalité et la nature de ces chiffres : création officielle ou non du poste, présence d'un poste budgétaire de documentaliste officiel ou saupoudrage de compléments de service, existence d'un fonds et de moyens de fonctionnement décents ou rayonnages clairsemés, tous les cas de figure coexistent dans la situation actuelle.

En ce domaine, aucune statistique officielle précise n'a jamais été clairement entreprise par le ministère de l'Education nationale lui-même. Des disparités sont à noter dans la répartition de ces implantations entre les différentes académies, entre zones urbaines et rurales. Ces dernières sont, dans certaines régions, très peu « couvertes », alors même que le réseau de la lecture publique ou des organismes culturels y est déjà plus lâche voire même inexistant.

Soulignons pourtant qu'aussi modestes soient-ils, ces CDI de collèges ruraux représentent, en dehors de la desserte d'un bibliobus, le seul endroit où les enfants (et leurs parents bien souvent par leur intermédiaire) peuvent se procurer localement livres et documents. Certains sont d'ailleurs tout à fait remarquables, grâce à la volonté de l'administration et des équipes d'enseignants locales et à la présence d'un documentaliste dynamique et motivé.

Dans certaines académies, on a donné justement priorité aux créations en zones rurales. Regrettons simplement que ce choix se fasse au détriment d'autres établissements non pourvus eux aussi en milieu urbain, et procède donc d'un pis-aller en l'absence de création de postes en nombre suffisant. Les 50 créations prévues en 1986, après des efforts notables en 1982 et 1983, sont ridiculement insuffisantes pour répondre aux besoins recensés par les académies et pour créer un CDI par établissement, doté de poste officiel de documentaliste, et non comme on le voit en ce moment de jeunes « TUC » lorsque la création officielle attendue n'est pas intervenue.

Des personnels non spécifiques

Historiquement, la variété, voire l'éclectisme, de cette mise en place des CDI pendant les vingt dernières années s'est accompagnée de modalités de recrutement pour le moins variables des personnels de documentation selon les périodes. La majorité du corps est constitué d'enseignants dotés de licence, auxiliaires ou adjoints d'enseignement dans les disciplines littéraires. Depuis 1980, on a fait appel à d'autres catégories telles que les certifiés, agrégés, PEGC...

Tous ces nouveaux documentalistes-bibliothécaires ont dû s'adapter rapidement aux réalités d'une profession pour laquelle ils n'étaient pas spécifiquement formés et dont les facettes se sont enrichies et diversifiées au cours des années.

Les problèmes d'un recrutement et d'une formation répondant aux nécessités de la mission qui leur est confiée sont depuis vingt-cinq ans en suspens. L'institution ne les a jamais pris en compte - on y réfléchit toujours !

Les plus dynamiques d'entre eux ont pallié ces carences de départ par auto-formation et notamment par l'acquisition de diplômes professionnels complémentaires (CAFB, INTD, DUT... ). Il y a mieux à faire en ce domaine !

Ce rappel de la situation des CDI et de leurs personnels est essentiel pour appréhender la diversité des réalisations selon les établissements et apprécier les difficultés ou au contraire les réussites du réseau des CDI actuels. Le niveau de l'établissement, les activités menées par les équipes pédagogiques, les conditions matérielles, la personnalité et la qualification des personnels sont autant de paramètres pour saisir les disparités entre CDI aujourd'hui.

Lieu de conservation des documents et des livres, le CDI a acquis une vocation d'« espace-carrefour » entre l'école et la vie. En mettant à la disposition des élèves et des enseignants des informations venues de l'extérieur, en faisant connaître les activités culturelles locales, en aidant à l'organisation de visites pédagogiques, de conférences et d'expositions, les documentalistes lui ont donné une dimension culturelle plus large et plus ouverte que sa mission d'origine.

De nouvelles missions

Cependant, de façon progressive, une fois mis en place les fonds de documentation et de bibliothèque et leur prêt, est apparue la nécessité d'aider les élèves qui fréquentaient les CDI à maîtriser tous ces « objets à lire ».

En effet, ce dispositif nouveau destiné prioritairement à leur usage risque, si l'on n'y prend pas garde, de devenir un élément supplémentaire de sélection entre ceux qui savent se « débrouiller » et ceux qui, déjà en difficulté ou de milieux sociaux culturels modestes, auraient pu théoriquement trouver dans cette nouvelle structure une compensation à un environnement peu favorable à la lecture.

Au lieu d'être incités à utiliser ces nouveaux outils, la plupart reculent devant l'effort souvent disproportionné par rapport aux faibles résultats enregistrés, tant leur fait défaut une maîtrise correcte de la lecture et de l'écrit pour se retrouver dans tous ces « écrits » bruts et produire une communication acceptable et valorisante, condition d'un progrès ultérieur.

De plus en plus fréquemment des travaux par discipline ou interdisciplinaires sont menés (en groupe ou individuellement) au CDI, faisant appel à des productions d'élèves (exposés, panneaux d'exposition, de fiches de lecture, de comptes rendus...); or les élèves maîtrisant mal la lecture (et la langue écrite, voire le raisonnement logique) se découragent vite sans aide spécifique et se bornent au recopiage mécanique d'articles d'encyclopédie. Ils recourent à la paraphrase pour résumer leurs lectures et se retrouvent bloqués devant l'écrit et de nouveau en échec. Ce sont souvent ces mêmes élèves qui viennent peu ou pas en bibliothèque et y empruntent irrégulièrement ou pas du tout des livres. Lorsqu'ils sont là, ils pratiquent le « feuilletage » en guise de lecture (y compris les BD) ou naviguent un peu « déboussolés » d'un rayonnage à l'autre.

Les professeurs eux-mêmes, déçus par ce travail mené autour du livre, d'un résultat peu probant malgré les efforts souvent réels des élèves, sont tentés d'abandonner ce type d'activité et de retourner au cours traditionnel, poussés par la nécessité de « boucler les programmes ».

Pourtant le CDI, grâce à la diversité des documents et des livres qui s'y trouvent, invite les élèves à la lecture. Structure intégrée à l'école mais spécifique par rapport à la classe traditionnelle, il doit répondre à deux fonctions :
- être un instrument au service des apprentissages des élèves (savoirs et savoir-faire) :
- favoriser dans l'école (et quelquefois malgré elle) l'épanouissement d'une culture individuelle et personnelle chez les élèves, dont la construction n'obéit pas aux stricts impératifs scolaires. Savoir être devient aussi un objectif de formation par l'acquisition d'une autonomie progressive de chacun(e). Le CDI est à la fois dans l'école et déscolarisé voire déscolarisant. C'est là son originalité.

Il importe de garder cette double mission présente à l'esprit et de ne pas considérer le CDI comme une bibliothèque classique. Il n'est pas non plus un simple support logistique dans les processus de formation des élèves de l'enseignement secondaire. Il faut aussi se garder de penser que la lecture au CDI se réduit à une approche unique des documents écrits. Les supports audio-visuels, vidéo, informatiques, sont de plus en plus présents dans l'école. Cela pose le problème d'une formation des élèves à ces langages. Il y a donc « des lectures » à prendre en compte.

Il ne faudrait pas non plus croire que les enseignants dissocient la lecture « fonctionnelle » de la lecture dite de « loisir » par commodité de langage. Le « savoir-lire » est une condition du vouloir lire (et vice versa). Prendre en charge le problème de la lecture au collège, et en LEP notamment, implique que l'on ne limite justement pas la lecture à de simples capacités instrumentales basées sur l'étude de morceaux choisis déconnectés des préoccupations des adolescents.

De multiples situations de lecture

Lire, c'est-à-dire selon la définition communément admise « produire du sens », est un acte qui ne s'effectue valablement qu'à travers les questions d'ordre intellectuel et affectif que se pose le lecteur à partir d'acquis culturels et d'un imaginaire, produit de son histoire personnelle et du contexte social qui lui est propre.

L'important est de comprendre pourquoi l'enfant lit, quel sens il donne à cet acte. Lit-il pour travailler, se distraire, apprendre, trouver une réponse précise à des questions personnelles ? Maîtrise-t-il suffisamment la lecture (et donc l'écrit) pour se mouvoir avec aisance dans les situations de lecture qui lui sont fournies ? Lui offre-t-on des conditions matérielles et des choix de lecture diversifiés par leur nature et leurs centres d'intérêt ?

Ce sont toutes ces questions que doivent se poser les enseignants et les documentalistes. Ils doivent, et ceci n'est pas tâche aisée dans le système actuel, analyser d'abord ce que comprennent les élèves en situation de lecture pour les faire progresser, pour les aider à être ou à redevenir (car le passage au collège est une période délicate) des lecteurs.

Prendre en charge ce problème implique un projet commun aux membres de l'équipe éducative dans son ensemble. La maîtrise de la lecture est nécessaire dans toutes les disciplines. Elle n'est pas l'exclusivité - même s'ils y ont quelques compétences spécifiques ou vocation à s'en préoccuper plus particulièrement -des professeurs de français ou des documentalistes !

Multiples sont les situations de lecture que rencontre l'enfant aussi bien à l'école qu'au dehors, en français certes et au CDI, mais aussi en mathématiques pour comprendre un énoncé, en technologie pour décrypter un schéma ou un mode d'emploi, en histoire devant un document d'archives ou une représentation iconographique. Hors de l'école, il est confronté aux journaux, à la télévision, à la publicité rencontrée sur le chemin de l'école, ou au règlement intérieur de l'établissement, pourquoi pas !

Cette constatation banale, somme toute, fait apparaître les supports pour le moins multiples et déroutants offerts aux élèves. Ils doivent apprendre à les maîtriser et à les décoder.

La maîtrise de la langue écrite

L'arrivée en second degré correspond à un élargissement considérable, pour l'enfant d'une dizaine d'années, des aptitudes qui lui sont demandées dans ce domaine. L'enfant entrant en 6e est censé avoir appris à l'école primaire à maîtriser correctement le langage oral, et avoir acquis une pratique correcte de la lecture. A ce stade de sa formation, il a, en principe, pratiqué des activités de lecture diversifiées et s'est familiarisé avec la littérature enfantine (d'autant plus facilement qu'il a pu fréquenter une BCD ou une bibliothèque pour enfants). Au collège, l'objectif fixé est d'accéder à une véritable maîtrise de la langue écrite, donc de lui permettre de faire face à des situations de communication orale et écrite plus complexes.

Former de futurs lecteurs adultes suppose donc que l'on initie les élèves à l'appropriation des informations auxquelles ils recourent constamment dans leur vie scolaire et personnelle mais aussi que l'on facilite des pratiques culturelles (ou interculturelles) spécifiques à chacun d'entre eux. En ce sens la formule célèbre, « Former l'homme, le travailleur, le citoyen », reste d'actualité, et la lecture est un des axes fondamentaux qui sous-tendent cette ambition.

Dans une société en constante mutation, face à des défis technologiques sans cesse renouvelés, entraînant les individus à un recyclage et une auto-formation permanents, dans un monde où l'inflation d'informations « tous azimuts » est très mal maîtrisée, fragmentée et du domaine de l'éphémère, une bonne maîtrise de la lecture est vitale pour les futurs adultes de demain qui seront aussi des citoyens.

On comprend aisément que les objectifs récemment définis pour les collèges - former la pensée logique, maîtriser l'écrit, l'oral et l'image, et aider au travail personnel - supposent des pratiques pédagogiques dans lesquelles la lecture au sens large intervient constamment. Ce n'est qu'en intégrant ces apprentissages, qui ne sont jamais terminés, dans des situations de lecture motivantes et variées que l'on peut espérer développer chez les jeunes un goût pour la lecture, et par là même stimuler leur curiosité intellectuelle, leur faire exercer leur sensibilité, leur donner une ouverture d'esprit elle-même génératrice de nouvelles quêtes de lectures et de communication enrichie.

Et s'ils ne savent pas lire ?

Le programme est ambitieux y compris pour les enfants déjà correctement formés lorsqu'ils abordent le collège. De nombreux élèves malheureusement n'ont pas suivi ce schéma logique du primaire décrit précédemment et force est de constater (enseignants et parents réunis) qu'« ils ne savent pas lire en 6e » (et donc écrire à plus forte raison !). Les documentalistes sont donc impliqués dans un travail d'équipe mené avec des professeurs de français ou d'autres disciplines (tout particulièrement dans les LEP sous contrôle continu; l'action du documentaliste y est précieuse dans la mesure où les élèves travaillent beaucoup par fiches individuelles et doivent utiliser diverses ressources documentaires).

Ces actions menées autour des apprentissages ou consolidations « lecture/écriture » varient du stade de la presque alphabétisation, ou reprise des apprentissages de base, jusqu'au stade d'un entraînement à une diversification des modes de communication beaucoup plus large et élaborée dans les procédures mises en place.

Il va sans dire que les enfants d'origine étrangère posent des problèmes spécifiques (pour lesquels le CNDP, par exemple, a mis en place des réflexions et expériences qui s'intensifient actuellement).

Il est difficile lorsque l'on veut rendre compte de ces expériences de faire une synthèse très précise dans la mesure où chacune d'entre elles correspond à des objectifs bien délimités et liés à une analyse locale (niveau, équipes en action, besoins recensés...). Les actions mises en œuvre combinent des aspects d'apprentissage (ou réapprentissage) des mécanismes de lecture/expression et des activités plus centrées sur la lecture « loisir ». Elles peuvent se dérouler aussi bien dans le cadre de la classe qu'au CDI, être communes aux professeurs et au documentaliste, à des moments séparés, ou à partir de procédures spécifiques aux uns et aux autres, préalablement définies en commun et visant à la complémentarité des rôles des différents intervenants auprès des élèves.

Pour la commodité de l'exposé, les actions dites de « lecture fonctionnelle ou de loisir » sont présentées à la suite les unes des autres. Elles ont en fait les mêmes objectifs et interviennent souvent (ou devraient intervenir) de façon conjointe.

Savoir et vouloir lire

Comment les aider à savoir et vouloir lire ? Au niveau du collège, tout particulièrement depuis quelques années, se développe une initiation des élèves, de 6e notamment, à la recherche et au travail sur documents. Ses modalités et sa fréquence sont variables selon les établissements. Il est souhaitable qu'elle soit consolidée jusqu'à la 3e et qu'elle continue -selon les objectifs propres du LEP ou du lycée - au-delà.

Cette nécessité d'aider les élèves à utiliser les ressources documentaires et à acquérir des méthodes de travail et de lecture efficaces n'est plus discutable. On a déjà eu l'occasion d'en constater les effets positifs (à condition qu'elle soit accompagnée d'une mise en oeuvre rapide de travaux concrets valorisant et fixant les capacités acquises : aptitudes à l'analyse et à la synthèse, au raisonnement logique, au développement du sens critiqe, à la rigueur et à l'organisation).

Ainsi est facilitée une acquisition progressive de l'autonomie de chaque élève dans la construction de son savoir et de sa culture personnelle. L'élève doit passer par certaines étapes ponctuées d'exercices variés afin d'apprendre à formuler un sujet de recherche, le délimiter dans l'espace et le temps, en situer les différentes approches, rechercher ses documents après avoir découvert les différentes ressources offertes, leur rangement et leur mode de classement. A ce stade, l'élève doit acquérir un vocabulaire suffisant pour traduire son sujet en mots-clés, et apprendre à mettre en relation ou à hiérarchiser des notions et des concepts qui lui permettront de maîtriser les systèmes de classement, donc les codes permettant l'accès aux documents pertinents.

Une fois les documents utiles sélectionnés, les informations disponibles doivent être exploitées et communiquées. C'est là le cœur du problème ! En effet, à observer le schéma ci-dessous 1, on se rend vite compte des difficultés auxquelles vont se heurter la plupart des élèves dont les aptitudes en lecture ne sont pas satisfaisantes.

En effet, pour peu qu'on les ait aidés à formuler leurs objectifs de recherche, la plupart des élèves arrivent à trouver les documents et à manipuler les fichiers. Bien moins nombreux sont ceux qui sont capables de les utiliser, d'en exploiter le contenu, d'en rendre compte de façon synthétique et claire.

Ici ce sont des « lecteurs » et non des « liseurs » ou des « feuilleteurs » qui peuvent être efficaces.

La plupart des élèves tournent la difficulté en pratiquant un recopiage systématique ne nécessitant pas la reformulation écrite ou orale dont ils ne sont pas capables. Certains, interrogés sur les informations recueillies, manifestent une totale incompréhension du contenu « recopié ».

C'est d'ailleurs confrontée à ces difficultés que Brigitte Chevalier et ses collègues de lettres du collège République de Bobigny décidèrent d'introduire des activités de réapprentissage ou d'amélioration de la lecture très concrètes 2, afin d'apporter des remèdes à une situation d'échec ressentie aussi cruellement par les élèves au CDI qu'en classe traditionnelle de français.

Ainsi retrouve-t-on inévitablement, au CDI, les problèmes de lecture rencontrés en classe traditionnelle. Placé en situation de lecture réelle et variée au CDI, l'élève ne résoud pas ses problèmes si une aide spécifique ne lui est pas apportée pour le faire progresser de façon globale.

Des professeurs de plus en plus nombreux (malgré une carence flagrante en ce domaine dans leur formation universitaire) 3 développent des pratiques sortant de l'étude traditionnelle des morceaux choisis ou de l'histoire littéraire classique afin de répondre de manière plus efficace aux blocages rencontrés.

Ils utilisent pour cela des instruments ou des méthodes souvent extérieurs à l'enseignement secondaire, tels des fichiers de lecture de primaire (type ATEL), des méthodes de « français langue étrangère », des outils informatiques tel le logiciel Elmo de l'AFL. Priorité est donnée à la lecture d'oeuvres intégrales, à des productions d'écrits liés aux lectures, à une sollicitation d'échanges oraux autour d'écrits divers (articles de presse, contes, romans...) pour favoriser la communication orale, tout en suscitant chez les élèves l'envie de lire par eux-mêmes et non seulement d'écouter des comptes rendus.

De nombreux PAE (projets d'action éducative) « lecture » concernant des activités ouvertes et interdisciplinaires autant que l'aménagement de CDI ou de coins-lectures, la venue d'intervenants extérieurs, écrivains, illustrateurs, peuvent bénéficier d'aides de la part des missions d'action culturelle des rectorats.

L'intervention des CDI et des documentalistes dans ces activités permet de ne pas limiter au cours traditionnel de français ces activités et d'offrir aux élèves des situations de lecture diversifiées (textes descriptifs, narratifs, argumentatifs ; de la poésie aussi bien que des contes, romans ou BD, documents audiovisuels...).

Cependant il serait vain de sous-estimer les contraintes matérielles et institutionnelles (programmes, réticences à modifier des pratiques anciennes, insuffisance de personnels ou de locaux pour les CDI) qui limitent la mise en place de ces actions. Amener des élèves à prendre des livres au CDI sans modifier l'approche de la lecture en classe n'est bien souvent qu'un emplâtre sur une jambe de bois.

Faire connaître les livres nouveaux

De leur côté, les documentalistes eux-mêmes, responsables de la bibliothèque de l'établissement, ont la possibilité d'organiser des animations autour du fonds de livres ou de documents mis à la disposition des élèves.

La première démarche consiste à mettre en valeur et à faire connaître les livres nouveaux par une information régulière, des présentations et des expositions. D'autres initiatives peuvent aider à réactiver régulièrement la fréquentation et le choix en bibliothèque.

Elles supposent un investissement en temps, une organisation matérielle et une implication personnelle du documentaliste qui ne sont pas toujours facilités en raison des contraintes d'horaires, de locaux et de tâches diverses à assurer par ailleurs. Elles sont souvent un choix personnel fait par rapport à d'autres activités tout aussi souhaitables. Leur non-existence procède elle aussi quelquefois de la même démarche de choix entre les « urgences » quotidiennes au profit d'autres « priorités ». Le documentaliste peut confectionner des listes thématiques par centres d'intérêt, des bibliographies par auteurs, par programmes, ou encore organiser des expositions autour d'un auteur, d'un thème en liaison éventuellement avec les éditeurs ou libraires locaux. La présentation de certains livres à l'aide d'une fiche d'information-résumé ménageant le suspens de l'action peut amorcer un désir « d'aller plus loin ».

On peut aussi inciter les élèves à élaborer eux-mêmes une fiche de lecture (sans obligation) dont la consultation est accessible à l'ensemble des élèves. Le recours à la présentation par les élèves eux-mêmes (ou à l'illustration) de livres appréciés permet de faire naître un dialogue entre les lecteurs.

Certains collègues ont choisi d'intégrer dans l'emploi du temps du CDI (souvent à l'interclasse de la demi-journée) une plage hebdomadaire ou bi-hebdomadaire réservée à ces présentations et annoncée à l'avance.

Des clubs lecture

Dans un collège des Yvelines 4, un club lecture « à variante » existe depuis sept ans. Plusieurs possibilités sont offertes aux élèves :
- un club lecture régulier (2 fois par quinzaine);
- des clubs « à la carte » pour permettre à des élèves non disponibles aux heures régulières d'organiser un autre carrefour ;
- des clubs de lecture de classe avec le professeur, en classe ou au CDI ;
- des clubs improvisés autour d'un thème surgi autour d'une discussion au CDI.

Les élèves ou les documentalistes peuvent y présenter un roman, lire une nouvelle ou un conte, organiser un débat enregistré sur cassette (prêtée éventuellement pour la réécouter avec leurs parents), passer un film ou une cassette vidéo amorçant ou illustrant le thème ou l'œuvre choisis. La venue d'un conteur, d'un écrivain, de divers participants extérieurs (illustrateurs, imprimeurs, parents) est aussi sollicitée.

Ailleurs, des activités lecture/écriture autour du thème de la poésie s'organisent: il s'agit de rechercher au CDI et de lire à haute voix des poèmes, en utilisant des techniques d'expression, puis de créer soi-même son propre texte dont la réalisation peut prendre l'aspect d'une plaquette de présentation, d'un panneau, d'un mime...

Le travail de découverte des mécanismes du récit (exemple des retours en arrière) d'une lecture faite en classe peut être le prétexte d'une recherche, au CDI, de récits utilisant la même technique.

On peut constater que les plus jeunes élèves sont souvent séduits par une histoire qu'on leur raconte (certains avouent même avoir l'impression d'avoir « lu ») et souhaitent s'évader ainsi à l'intérieur du cadre scolaire.

Les élèves plus âgés sont souvent attirés par des débats autour d'un thème ou d'un livre liés aux programmes d'histoire-géographie notamment, ou à un sujet d'actualité.

Dès les dernières années de collège et surtout au lycée, les causes du fléchissement généralement constaté dans les activités de lecture des adolescents sont multiples : réduction du temps libre dans leur emploi du temps, charge de travail scolaire, concurrence d'autres loisirs, priorité donnée aux relations avec les camarades (qui sont peu compatibles avec cet acte solitaire qu'est la lecture), difficulté aussi du passage à une littérature « d'adulte », qualité très variable des nombreuses collections « pour adolescents ».

Les lectures des lycéens prennent d'ailleurs fréquemment, en raison du bachotage des programmes, une coloration plus utilitaire. Si le goût de lire n'a pas été acquis avant, il a peu de chances de s'épanouir dans la structure actuelle de nos lycées (dont les CDI, faute de « permanences », prennent souvent une allure de local « utilitaire » ou même strictement scolaire). Les horaires et les programmes chargés des lycéens les incitent le plus souvent à lire « efficace » pour le Bac.

Les activités en classe de français sont très liées à l'apprentissage souvent difficile des techniques d'expression écrites (dissertation, commentaire, contraction, résumé... ).

Les listes de lectures proposées s'inspirent souvent des auteurs inscrits au programme (quelquefois plus à la demande des élèves eux-mêmes que des professeurs). Certains (élèves comme professeurs) gardent un cheminement personnel qui s'écarte de la règle et cela est heureux !

Malgré ce panorama des contraintes et des difficultés, bien des expériences intéressantes sont tentées à l'heure actuelle dans le système éducatif.

Une prise de conscience s'opère dont les effets commencent à se faire sentir. De nombreux professeurs et documentalistes tentent d'aborder les problèmes de la lecture par rapport à la situation des élèves qu'ils ont en charge et non en référence à l'enseignement secondaire d'il y a trente ans.

Mais une politique bien définie et cohérente en matière de pédagogie de la lecture n'existe pas à l'heure actuelle. La formation des enseignants n'intègre pas, ou si peu (malgré des demandes très fortes en formation continue), la connaissance de la littérature/ jeunesse (de ses défauts et de ses qualités), une sensibilisation aux données psycho-linguistiques, une connaissance des mécanismes instrumentaux de la lecture et de l'écriture.

Pour un projet éducatif global

Il n'existe pas non plus un projet éducatif intégrant réellement le CDI comme une structure dynamisante et lui donnant sa place au sein de pratiques pédagogiques et culturelles encore marginalisées dans notre système éducatif.

Les documentalistes sont écartelés entre les sollicitations de plus en plus pressantes de certains professeurs pour participer aux apprentissages lecture/écriture/ communication.

Le travail d'initiation ou d'animation se fait toujours en concurrence avec la gestion du centre, la mise à jour et l'enrichissement du fonds documentaire qui reste un acte quotidien.

Ni bibliothèques classiques, ni centres de documentation comparables à ceux des entreprises ou des administrations, les CDI sont des lieux originaux dans l'école. Ils participent, comme les BCD d'école primaire, au vaste réseau de la lecture publique.

Leur équilibre ne pourra exister qu'en référence à une pédagogie globale de la lecture et de l'écrit, inscrite dans un projet tendant à favoriser, chez les enfants et les adolescents, des comportements de lecture individualisés partant de leurs motivations et de leurs goûts.

C'est à ces conditions, la formation des personnels enseignants, le renforcement des structures d'accueil des CDI, la promotion d'une véritable recherche pédagogique en ce domaine, que l'on pourra participer efficacement, dans le cadre scolaire, à la formation d'adultes utilisateurs des bibliothèques publiques et autonomes dans leurs pratiques culturelles.

Illustration
Utilisation des ressources documentaires

  1. (retour)↑  Extrait du travail réalisé par Brigitte CHEVALIER, documentaliste, chercheur à l'INDP et responsable du module de formation des maîtres « Utilisations des ressources documentaires et conseil méthodologique ».
  2. (retour)↑  Brigitte CHEVALER a publié Méthodologie d'initiation à l'utilisation d'un CDI en 1980 chez Hachette et, en 1985, Bien lire au collège, niveau I (le niveau II est en préparation) chez Nathan. Ce dernier ouvrage reprend, en l'adaptant au collège (voire au LEP), la démarche de F. RICHAUDEAU ou J. FOUCAMBERT.
  3. (retour)↑  Voir à ce sujet les articles de la revue de l'AFEF, Le français aujourd'hui, notamment le n° 61, mars 1983, « Lire ou ne pas lire »; la revue Pratiques et spécialement le no 35 d'octobre 1982 sur la lecture; ainsi que Degrés n° 3 (SNES) « Objectif lecture », et les travaux de l'AFL (Association française pour la lecture).
  4. (retour)↑  Inter-CDI n° 63, mai-juin 1983, « Cinq ans de club lecture ». La présence de deux documentalistes dans ce collège favorise cette activité régulière.