May I help you ?

Marie-Françoise Bois-Delatte

May I help you ? Formule magique ou mot de passe, cette phrase s'entend de tous côtés dès l'entrée du Jesse H. Jones Library Building. Dans une bibliothèque comme la HAM-TMCL (Houston Academy of Medicine - Texas Medical Center Library), la qualité du service rendu aux utilisateurs est l'axe prioritaire de la politique générale de l'établissement. Les évaluations qui en sont faites fournissent des arguments lors des discussions budgétaires entre les différents bailleurs de fonds (cf. encadré). Et cette qualité du service rendu passe par un soin particulier apporté à l'information des lecteurs perdus dans l'abondance de la documentation ou... dans la bibliothèque. Des moyens humains et matériels importants sont voués à cette tâche : guider, orienter, conseiller.

Le groupe le plus important des utilisateurs de l'HAM-TMCL est constitué par les étudiants et les chercheurs appartenant aux organismes regroupés dans les 200 hectares du Centre médical du Texas à Houston. Les activités de cet ensemble, composé de laboratoires et d'instituts de recherche, d'hôpitaux et de centres d'enseignement dans l'ensemble des disciplines médicales, sont en plein développement : le nombre des étudiants (10 190) 1 a triplé durant la dernière décennie. Le même dynamisme peut s'observer dans le domaine de la recherche de pointe : $108 859 067 ont été attribués en bourses de recherche, dans les différentes institutions du Centre dont le haut niveau, particulièrement en cardiologie et en cancérologie, est universellement reconnu.

Un des premiers services rendus à ces utilisateurs consiste bien sûr à mettre à leur disposition des collections adaptées. Un effort particulier est fait dans deux directions. La première est la rationalisation des acquisitions: un plan de développement des collections a été élaboré pour guider la sélection des ouvrages à acquérir. Ce document fixe les différents niveaux de collection à atteindre (de l'élémentaire à l'exhaustif) dans chacune des disciplines en fonction des besoins documentaires de la recherche et des enseignements dispensés dans le Centre médical. La seconde est l'élargissement des collections à tous les types de documents et, en particulier, le développement d'un service audiovisuel qui acquiert films, cassettes et, plus récemment, vidéodisques. Sa place est de plus en plus importante dans la bibliothèque, le nombre des prêts de documents en augmentation (+ 14,6 % en 1983) et il a complété l'éventail de ses activités par l'ouverture, en avril 1984, d'un laboratoire de matériel micro-informatique mis à la disposition des usagers. Le succès de ce nouvel équipement a été immédiat, témoin notamment le nombre de questions sur l'utilisation des micro-ordinateurs posées au service de référence.

Le service de référence

Le service de référence, par son implantation dans la bibliothèque, l'importance de son personnel et de ses collections, est le pivot de la politique d'accueil et d'aide aux utilisateurs.

Nul ne peut ignorer le service d'information : tout utilisateur de la bibliothèque passe devant lui dès son entrée dans le bâtiment. Il est situé sur la droite en entrant et fait face à la banque de prêt; seuls les catalogues sur fiches forment la séparation entre les deux services, en attendant leur disparition progressiye avec la mise en place du fichier en ligne. À la banque d'information, l'élément le plus visible du service, se tiennent en permanence deux personnes disponibles pour répondre à toutes les demandes. A proximité se trouvent les collections d'ouvrages de référence en libre accès. L'ensemble est complété par les bureaux des bibliothécaires et les salles contenant les terminaux affectés à la recherche documentaire.

L'ouverture de ce service, son accessibilité aux utilisateurs s'appuient aussi sur des horaires très larges : 8 h à 21 h du lundi au vendredi, 9 h à 17 h le samedi et 13 h à 22 h le dimanche 2, heures pendant lesquelles tout utilisateur peut disposer de l'aide d'un personnel qualifié.

Un personnel spécialisé

Outre-Atlantique, la référence est une spécialité à part entière. Les reference librarians ont acquis cette qualification à la suite de leur diplôme ou dans le cadre de leur travail, en formation continue. À la HAM-TMCL, le service est assuré par des bibliothécaires qui ont acquis - ou avaient à leur arrivée dans la bibliothèque -une connaissance approfondie de la documentation générale et médicale. Il leur revient de tenir ces connaissances et leur information constamment à jour, ce qui passe par la participation à des congrès - ceux de la Medical Library Association en particulier -, des séminaires, des cours de recyclage.

Les effectifs, 12 conservateurs sur les 24 que compte la bibliothèque, témoignent de l'importance de cette fonction de référence. La charge de service public est elle aussi très importante. Les permanences à la banque d'information nécessitent une organisation rigoureuse : chacun y passe en moyenne 3 à 4 h par jour. Le reste du temps est consacré aux recherches automatisées, à la poursuite de recherches sur des questions complexes qui n'ont pu être traitées à la banque d'information, à la documentation professionnelle, à la préparation de la revue mensuelle de la bibliothèque, New Titles and News, à la participation à des visites guidées de la bibliothèque.

Tout est organisé autour du service public à la banque d'information : il est prioritaire et l'équipe de base, la plupart du temps deux personnes, est complétée dans les périodes de très grande affluence par une troisième qui se tient prête à venir en renfort. Deux postes téléphoniques desservent la banque d'information: leur sonnerie résonne sans arrêt et il est fréquent que, dans le même temps, trois à quatre personnes attendent devant le bureau. Aussi la priorité est-elle donnée au lecteur qui a fait la démarche de se déplacer jusqu'à la bibliothèque, plutôt qu'à l'interlocuteur au téléphone qui doit patienter.

Du personnel qualifié, une bonne situation à un point stratégique de la bibliothèque ne font pas, à eux seuls, le service d'information. Les moyens matériels rassemblés sont de première importance pour fournir les renseignements demandés le plus rapidement possible et de façon complète. A Houston, où la qualité et l'efficacité sont des priorités, les reference librarians, outre toutes les collections de la bibliothèque, disposent de la documentation nécessaire, soit à portée de la main, soit dans la reference collection, installée derrière la banque : manuels, encyclopédies, dictionnaires, annuaires, catalogues, un exemplaire du Cumulated Index Medicus, etc., et les dernières éditions de ces ouvrages : tout est à leur disposition pour qu'ils soient efficaces.

Quels services en attendre ?

Quels services les utilisateurs attendent-ils de ces professionnels de l'information que sont les bibliothécaires de référence ? A Houston, ils sont de différents types, allant du basic service (renseignements, recherches automatisées, formation de l'utilisateur) au service complémentaire rendu, grâce au Library department program, aux autres bibliothèques d'instituts ou d'écoles implantées dans le Centre médical.

Que recouvre la centaine de questions de référence posées quotidiennement aux bibliothécaires ?

- 50 % sont ready, ne nécessitant pas une trop longue recherche, effectuée souvent grâce à un seul outil bibliographique : par exemple la localisation de tel médecin, l'orthographe exacte d'un terme, les coordonnées d'un laboratoire fabriquant tel produit, l'existence de tel ouvrage à la bibliothèque, etc. Cette dernière demande est très fréquente par téléphone: après vérification dans le fichier, on effectue un autre pointage sur le listing quotidien de circulation des documents, pour y trouver d'éventuelles indications complémentaires.

- Les questions extensive (30 % environ) nécessitent plus de temps : ce peut être une question courte mais à laquelle on n'a pu répondre dans les délais d'une conversation téléphonique, l'explication à un lecteur de la démarche à suivre et des instruments à utiliser, ou bien encore la recherche d'une référence exacte. Le bibliothécaire recourt alors à une quick search au terminal, où l'interrogation de Medline fournit l'indication désirée.

- Un conservateur désigné a la responsabilité de vérifier des listes bibliographiques pour les lecteurs inscrits à la bibliothèque et qui souhaitent, avant la parution de leur travail de recherche, faire vérifier et compléter éventuellement leurs références.

- Une catégorie de recherches qui ne se pratique pas dans les bibliothèques françaises (5 % des questions totales) est représentée par les clinical searches. Réservé aux lecteurs inscrits à la bibliothèque, ce service est fort apprécié par les professionnels de la santé, éloignés de la bibliothèque et désireux d'obtenir deux ou trois références très pertinentes sur un sujet - et non une bibliographie exhaustive - et de recevoir photocopie des articles à domicile. Le délai de traitement d'une telle question est de 24 heures maximum : un diagnostic de maladie est parfois lié à la fourniture de tels documents. Après une interrogation de Medline, le bibliothécaire fait un travail de sélection : premier tri au vu des références obtenues, puis deuxième sélection à partir d'une lecture rapide des documents eux-mêmes. Les documents les plus pertinents sont ensuite expédiés (sous forme de photocopies) à l'utilisateur qui les demande. Comment garder toute son impartialité face à un tel choix ? Conformément à la déontologie du bibliothécaire, celui-ci n'intervient dans aucune décision concernant un malade : aux questions proprement médicales des « ready searches », il conseille de se référer à un médecin. Pour les « clinical searches », il ne choisit que des articles de fond, étudiant un cas de maladie, ou possédant une bibliographie suffisamment abondante pour s'y reporter ultérieurement.

- Les recherches automatisées forment à peu près 15 % des requêtes. Notées par les bibliothécaires de permanence à la banque, elles peuvent être, ensuite, traitées par n'importe lequel d'entre eux. (En fonction parfois de ses goûts, de ses spécialités, et des bases de données qu'il connaît. Par exemple, une collègue ayant une formation antérieure d'infirmière était notre conseillère dans ce domaine, quand elle ne faisait pas elle-même les recherches correspondantes).

La plupart du temps, le lecteur souhaite recevoir une dizaine de références, fournies en ligne, puis le listing complet par courrier. J'ai constaté avec étonnement qu'un listing en provenance de la National Library of Medicine met une semaine, pour parvenir de Bethesda à Houston, tout comme pour franchir l'Atlantique et arriver dans nos établissements.

Les recherches effectuées sur des bases de données autres que celles de la NLM tendent à augmenter légèrement, bien que le serveur Dialog soit également très coûteux pour les utilisateurs américains. Les bases non NLM interrogées se répartissent entre Psychological Abstracts, Eric, Biological Abstracts, Chemical Abstracts, Excerpta Medica, pour les plus importantes.

Sauf cas très exceptionnel, le lecteur n'est pas présent lors de la recherche, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de bibliothèques françaises : cela poserait trop de problèmes d'organisation et d'emploi du temps, compte tenu du nombre quotidien de recherches. On essaie de déterminer, le mieux possible, son sujet avec lui, quitte à faire une pré-recherche et à le recontacter. En revanche, certains terminaux sont situés dans un bureau vitré, près de la banque d'information, ce qui équivaut à une certaine publicité pour les recherches automatisées.

Une recherche automatisée d'une moyenne de 15 mn, sur une base habituelle de la NLM revient environ à $13 (répartis entre$6 de connexion, facturés en temps réel d'utilisation, et $7 fixes de frais pour toute recherche automatisée), auxquels s'ajoutent les frais de listing ou de référence. Les lecteurs non inscrits à la bibliothèque payent un surplus de $20. Tout travail fourni est payé aux États-Unis, où l'on admet que la recherche ne peut pas être gratuite.

Formation de l'utilisateur

La HAM-TMCL s'oriente toujours plus vers la formation de ses utilisateurs. Deux bibliothécaires en ont la responsabilité, dans le service d'information, un Coordinator for user education et un Coordinator for nursing and allied health. La bibliothèque a même créé, en 1984, un poste de directeur pour le service de formation, ce qui prouverait, si besoin était, l'importance de ce service à ses yeux.

La base de cette formation est fournie par une visite générale de la bibliothèque, des tours organisés pour des lecteurs individuels ou pour des groupes, et par des séminaires sur des sujets précis (utilisation de la bibliothèque par les secrétaires, classement des tirés à part et, de plus en plus, nouvelles technologies et micro-informatique, etc.), ou par des cours de bibliographie pour les nouveaux étudiants.

Au mois de mai 1984, la bibliothèque a lancé une opération qui a dépassé toutes ses espérances. Devant les demandes de lecteurs désireux de faire leurs propres recherches automatisées, mais n'ayant pas le matériel adéquat, elle a offert un mois d'utilisation gratuite du système BRS-Colleague ; avec l'aide d'un reference librarian et celle du système, qualifié de User-friendly, les utilisateurs pouvaient interroger Medline à leur gré. Ceux-ci se pressaient devant les deux micro-ordinateurs installés et il était nécessaire de prendre rendez-vous par tranche horaire. 266 personnes utilisèrent ce service en mai. Lorsqu'en juin, la bibliothèque laissa libre l'utilisation de son mot de passe, moyennant un coût horaire de$30 pour les lecteurs inscrits et de$45 pour les non-inscrits, le nombre de ses clients baissa de façon systématique. L'expérience de cette recherche do-it-yourself montre que la mise à disposition de terminaux de recherche documentaire est un des services importants que la bibliothèque doit rendre à ses lecteurs. Toutefois, l'établissement offrant terminaux et mot de passe ne peut prendre à sa charge le temps réel d'utilisation. Comme pour une recherche automatisée traditionnelle, le lecteur paye cette utilisation, qu'il réglait également lorsqu'il avait recours à un bibliothécaire servant d'intermédiaire entre la machine et lui.

Toujours dans le cadre de la formation de ses utilisateurs dans le domaine de l'information automatisée, la HAM-TMCL avait inauguré, au printemps 1984, une mini-foire, Micros and Medicine (reconduite cette année 1985), réunissant vendeurs de matériel et professionnels de l'information. Le stand de la bibliothèque, où des reference librarians se relayaient pour faire des démonstrations de recherches automatisées, était très fréquenté. De nombreuses conférences étaient organisées auxquelles ils participaient également. Cette mini-foire a été comme une vitrine de la bibliothèque où celle-ci a pu montrer, à travers tout le centre médical, l'importance de ses services d'information.

Le Library Department Program

Non contents de fournir le maximum d'informations à leurs utilisateurs, les reference librarians aident également les petites bibliothèques des autres institutions du centre médical. Des contrats sont signés avec celles-ci, impliquant la fourniture, par un bibliothécaire qui se déplace, des services de base (dont les renseignements et les recherches automatisées). De plus en plus d'institutions, qui ne peuvent avoir un bibliothécaire attaché à leur établissement, ont recours à cette coopération : entre 1982 et 1983, le nombre de renseignements a augmenté de 127 % et celui des recherches automatisées de 44 %. Ces statistiques reflètent les succès de services traditionnels adaptés à un groupe particulier d'utilisateurs, le bibliothécaire « se décentralisant », en quelque sorte, pour rendre ces services. A côté de ce programme a été mis en place un séminaire traitant l'organisation d'une petite bibliothèque. Il a rencontré un tel succès qu'il devrait être reconduit.

Au terme de cette présentation du service d'information de la bibliothèque du Centre médical du Texas, quel enseignement tirer ?

Dans les bibliothèques américaines, l'usager est roi, le besoin de satisfaire ses demandes, de lui fournir une information de qualité et de le former à l'utilisation de la bibliothèque est une priorité. Certes, les moyens financiers, matériels et humains sont autres que ceux des bibliothèques françaises, mais la place centrale est donnée au lecteur : tout doit être mis en oeuvre pour lui, quitte à se remettre en question, à reformuler ses objectifs. Comme dans le reste des États-Unis, on évalue les besoins et les services rendus.

Le service de référence est un carrefour animé où chacun est vigilant à diffuser l'information scientifique et technique dans les meilleures conditions. Il ne reste qu'à souhaiter voir les bibliothèques françaises, plus accueillantes et nanties d'outils adéquats, réaliser les mêmes ambitions.

Illustration
HAM-TMCL

  1. (retour)↑  L'auteur a effectué un séjour de longue durée (mi-octobre 1983 à fin juin 1984) à Houston, dans le cadre des échanges de bibliothécaires, mis en place par la DBMIST et la Commission franco-américaine des échanges universitaires et culturels.
  2. (retour)↑  L'auteur a effectué un séjour de longue durée (mi-octobre 1983 à fin juin 1984) à Houston, dans le cadre des échanges de bibliothécaires, mis en place par la DBMIST et la Commission franco-américaine des échanges universitaires et culturels.
  3. (retour)↑  Les chiffres cités à propos du Centre médical du Texas concernent l'année 1983.
  4. (retour)↑  Ces horaires sont ceux de l'ensemble de la bibliothèque pendant le week-end; pour les jours de la semaine, ils correspondent aux heures de plus grande fréquentation, la bibliothèque étant, elle, ouverte de 7 h à 24 h, du lundi au jeudi et jusqu'à 21 h, le vendredi.