La formation des spécialistes de l'information au Maghreb et au Sénégal
Mohamed Benjelloun
Abdelaziz Abid
Le contexte
La formation des personnels des bibliothèques, des archives et de l'information documentaire au Maghreb et au Sénégal est conditionnée par la physionomie de l'état de développement (ou de sous-développement) du secteur.
Or, si on peut schématiser l'infrastructure des bibliothèques et des centres d'information dans les pays développés par une pyramide, reposant normalement sur une large base constituée par les bibliothèques publiques et les centres multimédias, dans les pays en développement, en général, la pyramide est en quelque sorte inversée, elle repose sur sa pointe. Les bibliothèques scolaires et les centres multimédias y sont inexistants dans les écoles primaires et embryonnaires dans les établissements d'enseignement secondaire, les bibliothèques publiques peu développées, alors que les bibliothèques universitaires et les organismes de documentation spécialisés se partagent l'essentiel des maigres effectifs professionnels disponibles. Ceux-ci sont employés dans leur grande majorité par l'administration publique, du fait de son omniprésence dans la vie socio-économique. La recherche, qui devrait pourtant constituer un secteur prioritaire dans le développement économique et social de ces pays, continue à être négligée, alors que les industries restent tributaires du flux nord-sud. La lecture publique et scolaire reste insignifiante, les centres culturels étrangers continuent à combler en partie le vide laissé par le manque de bibliothèques publiques et scolaires.
Nonobstant ces considérations d'ordre général, les besoins des pays du Maghreb et du Sénégal en information et en cadres spécialisés dans ce domaine restent mal connus. A notre connaissance, dans aucun de ces pays n'a été menée une étude des besoins en spécialistes de l'information, que ces besoins soient réels, traduits en demandes et en postes budgétaires, ou simplement potentiels, à l'instar par exemple de l'enquête menée dans les Caraïbes 1. Les besoins potentiels sont immenses; quant aux besoins réels, ils dépendent largement de la conjoncture économique et sociale de chaque pays.
L'inexistence d'organismes documentaires modernes crée à son tour un problème pour la formation de cadres qualifiés. Une politique rationnelle de formation ne peut être indépendante d'une politique globale du développement des organismes de documentation. Il faudrait avoir des bibliothèques-pilotes, universitaires, scolaires et publiques, des centres multimédias pour servir de centres d'application. Plusieurs pays restent en dehors du flux moderne de l'information à partir des banques de données, qu'elles soient nationales, régionales ou internationales. Même lorsqu'on accède à ces banques, on constate un déséquilibre entre ce qui est offert et ce qui est demandé. On a alors accès à des banques de données qui souvent ne correspondent pas aux besoins réels des utilisateurs, qu'ils soient chercheurs, planificateurs, décideurs... Cette inadéquation n'a pas reçu l'attention qu'elle mérite.
La centralisation des décisions et le manque d'une politique claire entravent le développement du secteur de l'information. La planification telle qu'elle est pratiquée favorise cette centralisation, l'informatisation'dans ses formes actuelles l'accentue davantage. Cette politique n'est guère en train de changer et l'avenir des écoles dépend ainsi étroitement d'un environnement sur lequel elles n'ont que très peu de moyens d'action.
Il n'est nul besoin enfin de souligner l'entrave essentielle que constitue l'analphabétisme au développement de la lecture et des services d'information documentaire. Près d'un quart de siècle après l'indépendance des pays du Maghreb et du Sénégal, l'alphabétisation massive ne s'est toujours pas produite. Tant qu'il y aura un nombre important d'analphabètes, le développement de la lecture et des services documentaires restera limité. Quel que soit le caractère stimulant et novateur des solutions proposées aux problèmes de la lecture et de l'information, il est essentiel que celles-ci s'inscrivent dans le cadre d'une politique d'alphabétisation globale.
Qu'en est-il de la situation de la formation dans nos pays, devant les contraintes et les difficultés que nous venons d'évoquer ? La formation des bibliothécaires, documentalistes et archivistes en Algérie, au Maroc, au Sénégal et en Tunisie, n'a débuté que dans les années 60. En Tunisie, cette formation fut initialement confiée en 1964 à l'Institut Ali Bach Hamba et concernait à la fois les journalistes et les documentalistes. En 1971, elle fut transférée à l'Ecole nationale d'administration, celle-ci étant le principal pourvoyeur en cadres de l'administration publique, la formation des documentalistes, bibliothécaires et archivistes restait tributaire de ses capacités globales d'accueil. On décida alors, en 1979, de confier cette formation à l'Institut de presse et des sciences de l'information (IPSI). En 1981, fut créé l'Institut supérieur de documentation (ISD), afin d'augmenter la capacité de formation des spécialistes de l'information 2.
En Algérie, la Bibliothèque nationale d'Alger organisait depuis 1963 un stage de formation, officialisé en 1964 par l'institution du diplôme technique des bibliothèques et archives (DTBA). En 1975, fut fondé l'Institut de bibliothéconomie de l'Université d'Alger 3. L'Université de Constantine et celle d'Oran offrent depuis un an un programme de formation de bibliothéconomie, au sujet duquel on ne dispose pas encore de renseignements suffisants.
Succédant au Centre régional de formation de bibliothécaires des pays d'expression française, qui avait fonctionné de 1963 à 1967, l'Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (EBAD) de Dakar a été fondée en 1967 et a reçu le statut d'institut de l'Université de Dakar 4.
En 1974, le Maroc s'est doté de l'Ecole des sciences de l'information (ESI), seule institution nationale de formation des bibliothécaires documentalistes et archivistes.
Avant de détailler l'organisation des études et le contenu des programmes dans chaque pays, il y a lieu de souligner, tout d'abord, que, dans la plupart des programmes qu'offrent ces écoles, existe un tronc commun de cours obligatoires pour tous les étudiants. D'autres cours de culture générale, des cours de langue, des travaux pratiques, des visites et des stages viennent compléter la formation de ceux-ci.
l'Algérie
La formation en Algérie est actuellement de trois types.
La formation moyenne
Au lendemain de l'indépendance, devant les besoins pressants en personnels documentaires, la Bibliothèque nationale d'Alger a organisé un stage de formation. Ce stage, initialement ouvert aux bacheliers, s'est orienté vers l'acceptation de candidats ayant le niveau de classe terminale et sélectionnés par un concours d'entrée. Cette formation, sanctionnée par le diplôme technique des bibliothécaires-archivistes, dure un an. L'enseignement à ce niveau est polyvalent et tente de couvrir toutes les techniques documentaires ; il comporte des cours et des travaux pratiques, ainsi qu'un stage d'un mois que les étudiants suivent dans un service de documentation et d'information.
La formation supérieure
La licence est assurée par l'Institut de bibliothéconomie de l'Université d'Alger après un cursus de huit semestres. L'accès en est ouvert aux bacheliers et aussi, dans un souci de promotion interne, aux titulaires du diplôme technique des bibliothèques et archives ayant exercé pendant trois ans.
Les matières enseignées sont de deux sortes :
- les matières techniques classiques de la bibliothéconomie, documentation et archivistique, réparties sur tout le cursus;
- les matières de culture générale (sciences sociales, langues et littérature, informatique, etc.), réparties également sur tout le cursus.
Des visites et des stages sont prévus à chaque semestre. Le programme de cette licence a été conçu de manière à compléter la culture générale de l'étudiant et à lui donner une formation technique complète. Cependant, la lourdeur des horaires et des programmes qu'entraînait cette double vision, a amené les responsables, en Algérie, à envisager la réforme de cette licence.
Cette licence n'ayant pu répondre, qualitativement parlant, aux besoins des bibliothèques en cadres, on a été conduit à proposer la création d'un diplôme supérieur des bibliothèques (DSB).
Le diplôme supérieur des bibliothèques, envisagé depuis plusieurs années, a démarré en 1983. Les cours durent deux ans et ont pour objectif immédiat la formation du personnel des bibliothèques universitaires, dont l'effectif est encore tout à fait insuffisant. Pendant la première année, l'enseignement est dispensé sur deux semestres; il comporte des cours magistraux, des travaux dirigés, des visites et des conférences. En deuxième année, l'étudiant doit effectuer un stage dans un établissement et assister également à des séminaires en rapport avec la préparation du mémoire qu'il doit soutenir en fin de cursus 5.
Le Maroc
Les programmes d'études qu'offre l'Ecole des sciences de l'information au niveau des deux cycles de formation (cycle des informatistes et cycle des informatistes spécialisés) ont fait l'objet, depuis la création de l'école, de plusieurs évaluations annuelles, au cours desquelles les commentaires, critiques et suggestions émanant de toutes les parties concernées (administration, enseignants, étudiants et employeurs) sont prises en considération dans le but de faire de ces programmes un outil dynamique, répondant aux besoins de la profession dans le pays et au développement des sciences de l'information dans le monde.
L'ESI forme aussi bien des documentalistes que des bibliothécaires et des archivistes. Ses programmes ont donc été conçus pour répondre aux besoins de ces différentes catégories de personnel, qui sont certes différenciés, mais n'en comportent pas moins de nombreuses caractéristiques communes les rapprochant suffisamment pour que l'on puisse considérer qu'il s'agit d'une profession unique exercée dans des spécialités variées. Les programmes comprennent donc des cours communs et des cours à option.
A leur origine, ces programmes avaient été conçus comme s'adressant à des étudiants n'ayant reçu aucune formation préalable en science de l'information; on s'est aperçu ensuite qu'il fallait aussi prendre en considération le cas des diplômés du cycle des informatistes qui revenaient, après quelques années d'exercice suivre le cycle des informatistes spécialisés. A cet effet, un nouveau programme destiné au cycle des informatistes spécialisés a été élaboré en 1981.
Dans les deux programmes, les enseignements sont répartis en trois catégories :
- cours d'archivistique, de bibliothéconomie et de documentation, dits cours techniques;
- cours de connaissances générales, de matières connexes aux sciences de l'information, telles que linguistique, statistique, informatique, épistémologie, etc.;
- cours de langues.
Le Cycle des informatistes
Ce programme, dont la durée est de trois ans, est conçu de manière à assurer à l'étudiant une formation technique, sans toutefois négliger sa culture générale et sa formation en matière de langues étrangères (anglais, allemand, espagnol et russe). A ce stade, la formation comprend des cours théoriques, des travaux dirigés et travaux pratiques, des séminaires, des stages et des visites. En dehors du choix entre l'arabe et le français, tous les cours de première année sont obligatoires. En deuxième année, l'étudiant a un peu plus de choix, puisqu'il peut opter pour une 3e langue étrangère de son choix (l'anglais étant obligatoire), ainsi que pour deux des trois cours suivants : lecture des enfants, communications de masse et psychosociologie de la communication.
C'est en 3e année que le choix devient plus important, puisque l'étudiant peut opter, en dehors de la langue à option déjà choisie en 2e année, pour deux des quatre grands cours à option : bibliothèques ; archivistique et gestion des documents; centres de documentation ; mécanisation des fonctions documentaires.
Cycle des informatistes spécialisés
Alors que l'objectif essentiel de la formation au niveau du cycle des informatistes est de donner à l'étudiant une compétence technique, la formation au cycle des informatistes spécialisés est orientée vers la recherche et la solution de problèmes, tant théoriques que pratiques.
Elle est conçue en fonction des objectifs suivants :
- rendre l'étudiant capable de mener une recherche autonome en sciences de l'information;
- le rendre apte à concevoir, gérer et évaluer des services et réseaux d'information documentaire ;
- développer chez l'étudiant une attitude d'adaptation aux différents milieux d'utilisateurs des services d'information documentaire.
C'est sur la base de ces considérations et en partant du principe qu'un enseignement supérieur doit allier continuité et possibilité de choix, rigueur et souplesse, que ce programme qui s'étale sur deux ans a été élaboré.
Etant donné que ce programme s'adresse à la fois à des informatistes qui ont étudié les sciences de l'information pendant trois ans et à des licenciés et des ingénieurs abordant les sciences de l'information pour la première fois, il était nécessaire de consacrer une partie importante des deux années d'études à une « mise à niveau » des deux catégories d'étudiants 6.
Le Sénégal
L'Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes de Dakar a pour objet de former des spécialistes de l'information dans chacune des branches des sciences de l'information, en mettant en place trois filières : bibliothéconomie, archivistique et documentation. Les étudiants admis à suivre les cours de l'Ecole sont orientés, dès le début de leurs études, vers l'une ou l'autre de ces filières.
Le contenu de leur formation, durant tout le cycle d'études, est basé essentiellement sur les techniques d'une discipline donnée, ce qui aboutit à l'obtention de cadres qualifiés pour la gestion d'un type unique d'organisme documentaire. Ceci est la conséquence normale de l'organisation compartimentée de l'enseignement à l'EBAD, où toutes les activités de formation sont planifiées séparément pour chacune des différentes sections. C'est ainsi que la section de bibliothécaires, créée la première en 1967, se propose de former des spécialistes des techniques bibliothéconomiques, tout en leur assurant une culture générale et en les initiant à l'archivistique et à la documentation. La durée des études, comme c'est d'ailleurs le cas pour les deux autres sections, est de deux ans à temps plein, durant lesquels est dispensé un enseignement couvrant des cours techniques, des travaux pratiques, des cours de culture générale et des cours complémentaires.
La section d'archivistes, la deuxième ouverte après celle des bibliothécaires, a commencé son programme régulier à la rentrée universitaire 1971. Elle se propose d'assurer la formation des cadres responsables de la conservation du patrimoine national et de la gestion des centres d'archives. Dans cette section, l'enseignement comprend aussi bien des cours techniques et des travaux pratiques que des cours de culture générale.
Quant aux étudiants de la section documentaire, la plus récente, ils suivent en première année des cours professionnels avec les étudiants des deux autres sections et en 2e année, des cours avec les étudiants-bibliothécaires 7.
Un 2e cycle de deux ans, réservé à des effectifs réduits, entame maintenant sa deuxième année d'existence.
La Tunisie
Plusieurs expériences ont marqué l'enseignement de la documentation., de la bibliothéconomie et de l'archivistique en Tunisie. En effet, dès 1964 un cours de formation des documentalistes a commencé à l'Institut Ali Bach Hamba. Le programme dispensé à l'époque comportait seulement des cours théoriques sur les matières techniques. Le programme durait 6 mois, auxquels s'ajoutait un voyage d'études de courte durée en République fédérale d'Allemagne et parfois ailleurs. La formation a été transférée en 1971 à l'Ecole nationale d'administration. Dans cette école, trois programmes furent élaborés, le premier pour les commis et les aides-documentalistes, le second pour les documentalistes adjoints. Ces deux programmes duraient chacun deux ans. Quant au 3e programme, qui durait quatre ans, il a débuté en 1976 et avait pour objectif de former des documentalistes. Ces trois programmes ont cessé respectivement en 1977, 1978 et 1979. A partir de cette dernière date, l'enseignement de la documentation, bibliothéconomie et archivistique fut transféré à l'IPSI.
L'Institut de presse et des sciences de l'information
La section documentation, bibliothéconomie et archivistique à l'IPSI assure une formation débouchant sur la maîtrise en sciences de l'information, avec deux types de recrutement :
- l'un par orientation pour la première année du premier cycle. Cette forme de recrutement a cessé à partir de la rentrée 1982-1983;
- l'autre à partir du DUEL ou DUES (deux années d'études supérieures) ou de diplômes équivalents pour la première année du 2e cycle.
L'Institut supérieur de documeatation
Cet institut forme en deux ans des techniciens supérieurs en documentation, bibliothéconomie et archivistique. Sans négliger la culture générale, la formation met l'accent sur l'apprentissage professionnel, ce qui conduit à accompagner l'enseignement théorique de nombreux travaux pratiques et dirigés et de stages et visites. Dans le même esprit, une place importante est réservée à l'étude des langues vivantes (anglais et italien) 8.
La répartition entre les différents groupes de matières dans le programme de l'Institut supérieur de documentation de Tunisie, ainsi que des données analogues concernant toutes les écoles évoquées sont récapitulées dans le tableau 1.
Le corps enseignant
La réussite ou l'échec d'une institution d'enseignement dépend en grande partie de son corps enseignant. Il n'est pas difficile pour les autorités d'un pays de décider la création d'une école, d'un institut ou d'un département pour l'enseignement des sciences de l'information et de mettre à la disposition de celui-ci les moyens nécessaires en bâtiments et équipements ainsi qu'en personnel administratif, mais la difficulté réside dans le fait de recruter un corps enseignant compétent sur les plans théorique et pratique, capable de mettre en place un programme et d'assurer son enseignement. Dans les pays du Maghreb et au Sénégal, le nombre et la qualité des enseignants varient d'un pays à un autre et même d'une institution à une autre dans le même pays. Les écoles disposent d'un corps enseignant permanent, et d'enseignants vacataires, plus nombreux que les enseignants permanents (cf. tableau 2).
L'un des problèmes auxquels sont confrontées ces écoles réside dans le fait qu'il n'y a pas assez d'enseignants par rapport à l'effectif des étudiants. L'IFLA estime qu'il faut en moyenne un enseignant permanent pour 12 étudiants, ceci sans tenir compte du nombre d'enseignants vacataires 9.
La situation actuelle dans nos écoles se résume dans le tableau 3.
Il en ressort que toutes ces écoles sont déficitaires en enseignants permanents. Ceux-ci sont appelés à assurer en moyenne une charge horaire qui dépasse 10 à 12 heures d'enseignement par semaine, avec bien sûr le même nombre d'heures sinon plus pour la préparation des cours et les corrections, en plus de l'encadrement de stagiaires, la direction de travaux de fin d'études, etc. Que reste-t-il pour la recherche ? Aucune école ne dispose pour l'instant d'équipes ni de programmes de recherche.
Si les différentes écoles délivrent des diplômes supérieurs et si l'enseignement dans les différentes institutions est d'un niveau supérieur, il est tout à fait naturel que les compétences et les qualifications académiques du corps enseignant dans les institutions chargées de l'enseignement des sciences de l'information, soient similaires ou équivalentes à celles des enseignants des établissements universitaires. Or, qu'en est-il en réalité ? Les données font défaut pour répondre à cette question.
Perspectives d'avenir
Il faut tout d'abord modifier l'état d'esprit des responsables quant à l'importance à accorder au domaine de l'information. Les écoles et leurs diplômés peuvent modifier cet état d'esprit en se faisant écouter par les instances supérieures ; ceci ne peut se réaliser que par la présence d'un nombre important de spécialistes d'une part, et d'autre part en montrant l'utilité du rôle qu'ils peuvent jouer d'une manière concrète.
Les mérites de l'approche marketing sur le plan commercial sont connus. Sur le plan de l'incitation des utilisateurs à recourir à l'information, de telle sorte qu'elle devienne vitale et nécessaire pour n'importe quelle prise de décision, la même approche a fait ses preuves dans plusieurs pays développés. Rien ne semble indiquer que cette approche ne convienne pas aux pays en voie de développement. Les associations professionnelles peuvent jouer un rôle d'incitation auprès des décideurs et des groupes de pression. La presse, la radio et la télévision peuvent jouer un rôle important pour faire passer le message.
Il semble d'autre part que si nous voulons la survie de nos écoles et leur développement, la formation classique de bibliothécaires-documentalistes-archivistes ne soit plus suffisante. Il faut s'engager progressivement à former d'autres catégories de spécialistes de l'information. Quel peut être, par exemple, le rôle du « recherchiste » au Parlement 10, ou celui de l'« informatiste » auprès des tribunaux, des services de vulgarisation et de développement agricole ?
La révolution informatique va diversifier davantage le rôle du spécialiste de l'information. Plusieurs formules de formation sont à envisager, qui sont au carrefour de l'informatique documentaire, de la bureaucratique, du traitement de texte ... et de toutes les « nouveautiques ». Nos programmes, quoi qu'on dise, sont assez traditionnels; il faut prévoir des méthodes modernes, non en fonction de la situation actuelle mais d'une situation qui sera atteinte à moyen terme, voire à court terme, du fait de la diminution croissante des coûts de la micro-informatique et des progrès des technologies de télécommunication.
L'adaptation de l'enseignement aux besoins réels dans chacun de nos pays, compte tenu des expériences constatées et vécues, doit être cependant une préoccupation permanente. Comment doit-on voir l'avenir de nos écoles ? Il faut continuer à former aux trois niveaux et même penser sérieusement au doctorat. La formation permanente de nos enseignants et de nos diplômés doit être notre premier souci. Il nous manque des organismes dont on puisse dire : voilà l'idéal que nous proposons. Des expériences-pilotes dans nos pays pourraient être d'une très grande utilité vers ce changement. Des missions dans les pays qui ont ces institutions modèles pourraient également favoriser une évolution plus rapide.
Il convient enfin de porter une attention accrue aux moyens à mettre en oeuvre pour élever le niveau académique des enseignants et leur permettre de développer leurs connaissances et d'accroître leur expérience tout au long de leur carrière. Il serait temps que nos écoles mettent en œuvre, à l'instar de ce qui se pratique dans les entreprises, une véritable politique de développement du personnel visant à assurer à leur corps enseignant une formation permanente adéquate, à faire participer activement les professeurs à un programme national de recherche de développement et à leur permettre de garder le contact avec les réalités de la profession « sur le terrain » par des missions de consultation et d'expertise.