User education in libraries

par Alban Daumas

Nancy Fjällbrant

lan Malley

2nd ed.
London : C. Bingley, 1984. - 251 p.; 21 cm.
Index p. 241-251. - ISBN 0-85157-361-4.

Bien que beaucoup d'articles et de livres aient paru et paraissent chaque jour sur ce sujet, on peut, avant d'aller plus loin poser une question : après tout puisque les bibliothèques disposent de trop peu d'argent pour acheter suffisamment de documents, est-il vraiment nécessaire de penser à former nos usagers ? Ne peuvent-ils pas apprendre à utiliser plus ou moins bien nos établissements, simplement en y venant d'eux-mêmes et en y empruntant quelques ouvrages ?

Pendant longtemps c'est ainsi que les choses se passaient, mais aujourd'hui ce n'est plus possible. Car d'une part, savoir se servir d'une bibliothèque fait partie de cette formation permanente que chacun devra recevoir pour affronter le processus continu d'auto-éducation qui est désormais l'avenir possible et souhaitable pour tous. Et d'autre part, parce que l'accroissement incessant de la masse de l'information fait que l'on devra à l'avenir renouveler constamment ses connaissances. Quant aux étudiants, ils ont besoin plus que jamais d'une formation à l'usage des bibliothèques. En effet, ils sont poussés de nos jours à développer une approche logique, critique et créative de leurs études. Pour ce faire, il faut qu'ils deviennent plus autonomes dans leur recherche d'information, alors même que l'interdisciplinarité oblige à consulter une plus large variété de documents.

Par ailleurs, le développement de l'automatisation a apporté dans les bibliothèques des changements révolutionnaires. Mais il ne faut pas que les techniques nouvelles deviennent chez nous un obstacle supplémentaire, là où déjà de vraies barrières métalliques et des procédures plus ou moins compliquées et plus ou moins efficaces ne facilitent pas les contacts et la communication. D'où pour les lecteurs une indispensable et constante adaptation aux plus récentes nouveautés techniques. Constatons-le enfin : une bonne partie de la formation des usagers est rendue nécessaire par la complexité et le peu d'efficacité des systèmes actuels d'information employés dans les bibliothèques à l'intention précisément des gens qui y viennent. Comment alors attirer les usagers potentiels si ce n'est aussi en cherchant à les informer et à les former ?

Mais que doit-on entendre au juste par formation de l'usager ?

S'agit-il simplement de lui donner quelques règles ou trucs pour l'aider à mieux connaître une bibliothèque ou s'agit-il plus sûrement d'une partie d'un ensemble complexe qui concerne la compréhension globale de l'information et de la communication ? Ce processus continu ne pouvant se concevoir que s'il commence à l'école par une orientation à sa bibliothèque, puis se poursuit en passant par les bibliothèques publiques, pour aboutir dans les bibliothèques universitaires et spécialisées à une formation proprement dite. Ceci est valable si on entend par orientation les voies et moyens qui apprennent comment se servir d'une bibliothèque en général et si on comprend dans la formation l'apprentissage des techniques qui permettent de trouver et d'utiliser au mieux les ressources existantes en information sur tel ou tel sujet.

Les buts et les objectifs d'un programme de formation des usagers

Dans les bibliothèques comme ailleurs, pour définir des programmes valables de formation, il est nécessaire de reconnaître et de délimiter au préalable les buts principaux et les objectifs spécifiques des enseignements, le contenu des cours qui doivent être donnés, le calendrier qui sera suivi et d'arrêter les méthodes et moyens d'enseignement qui seront utilisés. Les résultats de cette véritable planification devront être ensuite testés dans une situation réelle et une évaluation devra contrôler l'efficacité des programmes de formation retenus. Rappelons ici que par commodité les buts et les objectifs d'un programme éducatif quel qu'il soit, peuvent être divisés comme ayant un caractère soit cognitif c'est-à-dire qui donne des connaissances et une compréhension, soit affectif faisant entrer en compte les sentiments et impressions, soit psychomoteur concernant une activité ou une aptitude physique. Il est certain en tout cas que les élèves (dans notre cas les usagers) eux-mêmes doivent participer activement au choix des buts et objectifs de ce qui sera leur formation. Et en ce qui concerne les bibliothèques universitaires il va de soi que les professeurs, les étudiants et les instances scientifiques de l'Université doivent donner leur avis, la formation des usagers rentrant dans le cadre de la politique générale des enseignements. Malgré une grande diversité d'apparence, on retrouvera évidemment dans presque tous les programmes les mêmes objectifs. La formation des usagers devant être telle, par exemple, que ceux-ci puissent :
- exploiter convenablement les ressources de la bibliothèque et le faire avec une certaine satisfaction,
- établir un lien entre leurs centres d'intérêt, leurs sujets d'étude et les ressources documentaires disponibles à la bibliothèque,
- utiliser au mieux et au maximum les ressources du réseau local, régional ou national de l'information. Les usagers doivent aussi arriver à des relations confiantes avec le personnel de la bibliothèque, tout en se sentant indépendants et capables d'apprécier par eux-mêmes les mérites et la valeur des différents documents. Plus concrètement, il faut différencier des programmes pour le court et le long terme. Voici par exemple ce que pourraient être les objectifs à atteindre avec un étudiant débutant et à court terme : après avoir reçu les rudiments d'orientation indispensables celui-ci doit être capable :
- ayant reçu un plan de la bibliothèque, de se rendre immédiatement à l'emplacement (ou dans le service) qui le concerne;
- de savoir, parmi le personnel, à qui s'adresser;
- pour une période déterminée, de citer les principaux ouvrages de référence;
- pour un sujet qui ne lui est pas familier, de donner cinq titres de périodiques valables. Evidemment, cet étudiant devra aussi savoir quand et comment la bibliothèque est ouverte et accessible, et ce que signifient les principaux catalogues...

A plus long terme et à un niveau plus élevé, l'étudiant, ayant reçu la formation appropriée, doit :
- appréhender pleinement le flot informatif du producteur au lecteur et en distinguer les différents canaux,
- différencier clairement les différents types d'information à rechercher (rétrospective, courante, information primaire ou traitée),
- localiser, sélectionner et obtenir l'information sur un sujet spécifique. Ce même étudiant doit aussi : comprendre et maîtriser la séquence logique d'une recherche automatisée, savoir construire un profil de recherche adapté à ses travaux et obtenir une bibliographie correcte et consistante. Ce sont là des objectifs cognitifs auxquels il faut ajouter des objectifs affectifs qui, une fois atteints, feront que l'étudiant souhaitera utiliser la bibliothèque universitaire et comprendra l'enrichissement qu'il peut y trouver dans ses études et pour son futur travail.

Quelles méthodes ? Quels moyens ?

On a coutume de dire qu'il existe trois sortes de moyens : ceux qui peuvent servir pour des groupes, ceux qui ne conviennent qu'à des individus isolés, et ceux qui pourraient être utilisés dans les deux cas précédents ! Une certitude cependant, il n'y a pas de moyens ou de méthodes valables dans tous les cas et pour toutes les personnes. Par contre, la période où la formation des usagers doit être envisagée, peut assez bien être définie. S'agissant de la simple orientation, il faut qu'elle ait lieu au début de l'année scolaire, au moment où les étudiants doivent prendre conscience de l'ensemble des services et commodités existant à l'Université. Quant à la formation proprement dite, elle doit être prévue au moment où les étudiants en sont arrivés à un niveau scientifique tel qu'il nécessite, pour leurs cours, travaux pratiques ou recherches, un certain nombre de documents. La formation à la bibliothèque peut alors être intégrée à l'enseignement, bénéficier de crédits d'heures, être considérée comme une unité de valeur. Tandis que les méthodes traditionnelles de formation des usagers dans les bibliothèques ont été pendant longtemps le cours magistral ou la lecture d'un texte et les visites guidées, sont apparus depuis quelques années les moyens audiovisuels et l'enseignement assisté par ordinateur. A ce sujet, il est peut-être opportun de rappeler certains chiffres : un élève retient a peu près 10% de ce qu'il lit, 20 % de ce qu'il entend, 30 % de ce qu'il voit, 50% de ce qu'il voit et entend... Quoi qu'il en soit, des expériences faites, des opinions exprimées et des résultats obtenus, on peut retirer une appréciation globale sur les différentes méthodes employées pour la formation des usagers des bibliothèques :

le cours magistral ou la lecture d'un texte sont des modes de communication très criticables et, pour les étudiants débutants, sûrement une perte de temps.

Le travail en petits groupes (5 à 6 personnes) avec démonstration est plus efficace. L'atmosphère y est moins formelle, la motivation réelle car l'étudiant peut s'y exprimer; il peut aussi être actif et percevoir les progrès qu'il fait.

Les visites guidées sont une approche traditionnelle du problème. Organisées d'ordinaire pendant les premières semaines de l'année scolaire, elles donnent cependant parfois des résultats bien décevants : mieux vaut, semble-t-il, pour une brève orientation dans la bibliothèque universitaire, la visite individuelle, « guidée » grâce à un texte imprimé ou enregistré, pendant laquelle l'usager parcourt le bâtiment et fait les travaux pratiques qui lui sont proposés. Il acquiert ainsi une certaine confiance et pourra ensuite prendre contact avec le personnel.

Parmi les méthodes audiovisuelles, la meilleure serait, paraît-il, celle qui comporte une succession de diapositives ou de transparents (informations unitaires) conjugués avec une sonorisation ou des imprimés. Ce procédé présente de nombreux avantages : flexibilité (pour 1, 2, 3 personnes), répétitivité possible (1, 2, 3 fois successives), disponibilité permanente, simplicité, contrôle de la vitesse de progression, mise à jour facile. Les films par contre sont chers, difficiles à réaliser alors que les bandes vidéo sont plus pratiques et moins coûteuses. Mais dès qu'il y a une projection continue d'images il faut remarquer que l'étudiant ne peut pas arrêter la progression, revenir en arrière en cas de difficultés et qu'il est donc passif, ce qui n'est pas souhaitable.

Les brochures et les guides imprimés ont des avantages importants : disponibilité certaine, usage individuel. C'est pourquoi beaucoup de bibliothèques universitaires en produisent et les mettent à la disposition des lecteurs. Il y a lieu, lorsqu'on les rédige, de prendre garde à écarter le jargon professionnel et à bien penser à l'usager « qui ne sait rien des bibliothèques ». En tout cas, ces imprimés ne doivent pas être distribués à l'étudiant au début de la scolarité alors qu'il a déjà reçu une masse trop grande de documents. Il faut remarquer encore une fois que seuls les étudiants motivés et qui cherchent d'une façon active une information les utilisent.

Les travaux pratiques sont un des meilleurs moyens de formation car l'étudiant qui y participe peut constater ses progrès. Par ailleurs, ces travaux pratiques peuvent être faits en groupe ou individuellement et ils conduisent à une interaction enseignants/enseignés qui est très profitable.

Les livres d'exercices sont en quelque sorte l'aboutissement à la fois de la visite personnelle et des travaux pratiques. Ces ouvrages peuvent être conçus pour tous les niveaux, du simple livret d'orientation pour une bibliothèque en général, à celui fait pour une bibliothèque spécialisée. Mais évidemment, ici aussi, seuls les étudiants motivés et actifs les utilisent. Pourtant ils donnent de bons résultats, surtout pour les sciences humaines.

L'enseignement assisté par ordinateur - en plus des méthodes plus ou moins classiques énumérées ci-dessus il existe désormais, pour la formation des usagers des bibliothèques, des programmes d'enseignement assisté par ordinateur. Ceci est vrai surtout pour les Etats-Unis. Par exemple on peut dans ce pays, acheter dans le commerce un ensemble de 14 cours nécessitant chacun deux heures d'utilisation d'un terminal, heures pendant lesquelles des questions sont posées à l'étudiant, fondées sur une étude préalable qui a repéré les erreurs habituellement commises. Cependant, il faut remarquer que cet enseignement assisté par ordinateur donne des résultats à peu près égaux à ceux obtenus par les méthodes classiques, mais qu'il procure un gain de temps très important pour le personnel enseignant, encore qu'il faille quand même combiner cet enseignement avec des travaux pratiques.

La signalisation et l'information graphique - lorsqu'on visite beaucoup de bibliothèques, on s'aperçoit souvent que la signalisation et l'information graphique y sont pauvres et peu attrayantes. C'est pourtant là une façon commode d'orienter les lecteurs dans nos bâtiments, eux qui sont habitués dans leur vie de tous les jours à une abondance de signaux plus ou moins impératifs et visibles. Il faudrait, à ce propos, que les bibliothécaires se concertent et établissent un système d'approche rationnel où des signes différents compréhensibles et évidents seront utilisés pour illustrer certaines fonctions ou usages (direction, interdiction, instructions, façons de faire) courants dans nos établissements. (Remarque : le i minuscule a bien été adopté internationalement pour signifier information générale, renseignements).

La formation individuelle - la meilleure méthode pour former les usagers c'est évidemment le contact personnel et individuel. Lorsque l'étudiant motivé pose une question sur un point précis et que le bibliothécaire lui répond et lui apprend quelque chose, il semble que ce soit l'idéal. Mais en vérité il faut savoir que ce faisant on résout des cas, mais que la plupart du temps on ne donne pas une méthode. Dans la pratique il y aura combinaison des méthodes et moyens, selon les différentes parties du programme, les enseignants, les élèves. L'essentiel, c'est la participation de l'étudiant au processus de sa formation et la motivation qu'il va acquérir quand il verra les effets positifs de ses premiers efforts.

La formation des usagers aux recherches bibliographiques automatisées

Le développement extraordinaire des bases et banques de données a été accompagné d'une promotion considérable, de stages et de cours innombrables. Mais on ne sait plus trop qui fait quoi entre les producteurs des bases, les serveurs, les bibliothèques (et leur personnel spécialisé) en faveur des utilisateurs finaux. Ici encore, le programme de formation des usagers peut être partagé en deux. D'une part l'orientation proprement dite, telle que l'usager sache ce que c'est que la recherche bibliographique automatisée, les résultats qu'on peut en attendre (ce qui est possible, où, quand, comment une recherche aboutit) : ce que l'on souhaite alors obtenir de sa part, c'est d'abord et avant tout une attitude positive. D'autre part la formation véritable qui apprend comment faire pour « sortir » une recherche bibliographique automatisée; mais dans ce cas, il faut en plus distinguer l'usager « intermédiaire », qui doit savoir faire des recherches dans de nombreux domaines, sur les bases les plus performantes et qui doit comprendre ce que demande le chercheur, de l'usager « final » qui se limitera à la recherche automatisée dans sa spécialité mais qui doit savoir où et quand il doit la faire. Quoi qu'il en soit, une fois formé, l'étudiant doit : inclure les interrogations automatisées dans son plan de travail, savoir ce qu'il va trouver (base bibliographique, factuelle), comprendre les relations existantes entre systèmes automatisé et manuel et les principes généraux logiques qui les structurent. Pour cette formation, les méthodes sont forcément plus interactives; la motivation, la compréhension, la stimulation auditive et visuelle plus nécessaires et valables que jamais. Aussi, les démonstrations en petits groupes sont-elles très pratiquées et les moyens audiovisuels couramment utilisés. Avec eux, l'étudiant n'est pas engagé dans une véritable recherche bibliographique automatisée, mais il peut s'auto-instruire, il reçoit des ordres et ses réponses sont comparées aux modèles, selon des programmes progressifs. Remarquons que pour un premier contact avec les recherches bibliographiques automatisées il existe une grande quantité d'imprimés de toutes sortes : feuillets promotionnels descriptifs, bulletins rédactionnels, manuels d'utilisation, exemples de recherches, manuels d'exercices et de travaux pratiques. Il faut croire que cette littérature est utile puisque plus de la moitié des chercheurs reconnaissent avoir commencé à interroger après l'avoir lue ! Mais bien entendu, c'est l'enseignement assisté par ordinateur qui, dans le cas présent, est particulièrement valable puisque entièrement interactif, alors qu'il y a justement besoin de rationaliser la formation en termes de suivi et de retour sur les progrès faits. L'ordinateur est utilisé dans ce cas de plusieurs façons : comme support et lien entre l'élève et le programme, comme interface entre l'usager et la réalité du système en ligne, comme moyen de substitution pour ces travaux pratiques, comme secours en cas d'erreurs. Enfin, il est évident que la formation via l'utilisation d'un système réel est encore meilleure, puisqu'alors on pratique en vrai et on apprend en faisant. C'est pourquoi plusieurs producteurs de bases de données proposent des « collections tutoriales » où l'usager peut pratiquer des recherches à bas prix (avec des questions de difficulté croissante) et comparer ses résultats avec ceux obtenus par des spécialistes. Par ailleurs, producteurs et serveurs ont mis en vente de nombreux cours pour les débutants ou pour les usagers avancés avec le plus souvent des heures gratuites d'utilisation des bases.

Notons encore ici : le plus pratique pourrait être évidemment, de travailler aux côtés d'un spécialiste des interrogations et de l'observer. Pour l'usager d'un niveau moyen c'est la meilleure façon de faire (même si le « spécialiste » en prend à son aise avec le « débutant ») car il y a forte motivation, participation active, mesure réelle des progrès faits et compréhension entière de la nature profonde de la recherche bibliographique automatisée.

L'évaluation des enseignements et des programmes pour la formation des usagers

Dans le cas qui nous occupe, le but de l'évaluation est de produire de l'information utilisable pour choisir les programmes de formation, avec des alternatives basées sur certains facteurs éducatifs et économiques. L'évaluation portera donc sur les variables qui affectent le processus de formation et sur les résultats finaux : les usagers formés et l'emploi rationnel des bibliothèques et des réseaux. S'agissant d'un processus éducatif, l'évaluation se fera :
- d'une part, selon trois types différents : l'évaluation psychométrique, basée sur les méthodes quantitatives et la psychologie de l'éducation. Les changements intervenus chez les étudiants sont mesurés par des tests, encore faut-il des résultats quantifiables et des objectifs pré-spécifiés; l'évaluation sociologique vise les changements possibles dans la structure du programme éducatif ou dans le rôle des participants; elle se fait par questionnaires et observations sur le terrain; l'évaluation éclairante élargit le rôle des entretiens et des observations avec les participants pour avoir une vue d'ensemble et comprendre comment le programme de formation agit et comment les participants le ressentent;
- et d'autre part, à certains moments : en effet, l'évaluation qui a lieu pendant les cours de formation et qui produit alors des retours immédiats peut être dite informative, cependant que celle qui s'intéresse au résultat final, au programme de formation dans son ensemble est dite globale. En tout état de cause, la situation enseignants/élèves est complexe et comporte des facteurs parfois imprévisibles, d'où la nécessité d'une évaluation multiforme avec des recoupements possibles. Il n'empêche, les bibliothécaires doivent désormais prendre une attitude professionnelle vis-à-vis de leur fonction enseignante et donc l'évaluer avec une grande rigueur.

La formation des usagers dans les bibliothèques publiques

Bien qu'elles soient très nombreuses à s'en occuper, on parle peu de la formation des usagers dans les bibliothèques publiques, ceci parce que leur rôle éducatif est trop souvent considéré comme secondaire par rapport à celui de fournisseur d'une lecture de loisir. Pourtant, les bibliothèques de lecture publique ont aussi des lecteurs qui ont besoin d'une information assez poussée. De plus, s'agissant d'établissements ouverts à tous, la formation des usagers prend un sens plus large et inclut la promotion de la bibliothèque, sa publicité et un appel vers les non usagers. D'autre part, une catégorie importante des lecteurs des bibliothèques publiques a un grand besoin de formation : ce sont les écoliers et lycéens. Ceci parce que les bibliothèques scolaires sont souvent trop petites et ne sont pas gérées forcément par du personnel spécialisé. Aussi, une bibliothèque scolaire ne peut-elle donner qu'une orientation pour son simple usage (technique des catalogues sur un fonds limité, par exemple) alors que la bibliothèque publique peut élargir ce champ d'expérience.

C'est là le terrain où les bibliothèques publiques ont certainement le plus travaillé (les visites guidées pour des classes de telle ou telle école sont très nombreuses en vérité). Enfin, comme elles doivent aussi s'occuper des adultes, les bibliothèques publiques ont une position unique : elles peuvent combiner le court et le long terme : en effet, l'écolier d'aujourd'hui sera le lecteur adulte de demain.

La formation des adultes dans les bibliothèques publiques.

Par rapport au nombre d'usagers potentiels d'une grande ville par exemple, on pourrait croire que ces usagers sont peu favorisés en matière de formation par les bibliothèques publiques. Il y a une raison à cela : c'est que l'usager adulte des bibliothèques publiques est un groupe amorphe, pas bien délimité, à moins qu'il ne soit connu au travers d'une association ou d'une entreprise. C'est pourquoi les efforts faits par les bibliothèques publiques sont surtout des efforts promotionnels grâce à des moyens extérieurs : journaux, radios, affiches, etc. Cette approche non spécifique se comprend car dans beaucoup de pays les bibliothèques publiques sont les plus nombreuses et elles peuvent ainsi bénéficier de campagnes officielles qui coûtent cher. Le marketing est pourtant hors de propos car la bibliothèque publique est une institution qui ne fait pas de profits et elle doit agir comme telle (encore que l'information soit un produit vendable, ne l'oublions pas). Au total donc malgré les réalisations entreprises assez nombreuses et variées : lectures commentées d'un livre, présentation d'un auteur et de ses ouvrages, expositions à propos d'un événement historique, « signature »..., les résultats semblent assez décevants. Ce n'est pas surprenant. les seuls éléments quantifiables étant le plus ou moins grand nombre de lecteurs inscrits et de prêts faits.

Les centres d'échanges nationaux

La formation des usagers dans les bibliothèques évolue selon les années avec des hauts et des bas, le matériel pédagogique sert ou ne sert plus. Cet état de fait a conduit à la création, dans plusieurs pays, d'organisations spécifiques : les centres d'échanges pour la formation des usagers. Ces établissements collectent le matériel pédagogique, le reconditionnent et le redistribuent. Il se crée, grâce à eux, un réseau coopératif d'expériences et d'idées, avec un point central où, quand il y a problème, les formateurs s'adressent en premier lieu. Trois de ces centres sont nationaux et fonctionnels : un aux Etats-Unis, l'autre en Australie, le troisième en Grande-Bretagne. Leur création et leur fonctionnement ont posé et posent encore nombre de problèmes :

Problèmes financiers bien sûr, seule la Grande-Bretagne a su créer un centre avec un financement national au moins partiel et du personnel spécialisé affecté à plein temps, tandis qu'aux Etats-Unis le centre doit s'autofinancer.

Problème d'accessibilité ensuite : en Australie et aux Etats-Unis, les bibliothèques doivent prendre une souscription annuelle à un service complet (publications, service des questions/réponses, accès à la base de données, prêt du matériel), en Grande-Bretagne, non;

Acquisition du matériel pédagogique, le plus difficile étant d'obtenir des bibliothécaires communication de ce qu'ils ont créé !

Repérage de l'information spécialisée, une grande partie de celle-ci étant disséminée dans la littérature générale.

Répartition de l'information : cette répartition se fait par plusieurs canaux : les services des questions/ réponses, les bases de données, les bulletins ou revues (la plus remarquable publication étant le périodique anglais « Infuse » de portée internationale qui publie des programmes de recherche, des comptes rendus de conférences, congrès, livres, qui indique les moyens audio-visuels offerts à la vente et donne une bibliographie courante)...

L'organisation des conférences, séminaires ou congrès qui demande beaucoup de temps et d'efforts.

Dissémination du matériel : faut-il que les centres achètent un ou deux exemplaires de chacun d'eux ou huit ou dix (c'est le cas en Australie et en Grande-Bretagne) et les prêtent ?

Problème du rôle de conseil des centres qui doivent évaluer la qualité du matériel pédagogique et ce n'est pas toujours facile.

Problème de la coopération internationale enfin : les spécialistes de la formation des usagers sont assez isolés dans leurs pays respectifs et encore plus internationalement. Il y a donc largement place pour une coopération entre les centres existants et vers d'autres pays ou systèmes (le centre anglais répond déjà, en effet, à nombre de demandes venant de l'étranger).

Quoi qu'il en soit, la création et l'existence de tels centres ne seront justifiées que si la formation des usagers progresse valablement en nombre et en qualité dans les pays où ils sont implantés.

Coopération et coordination

Si l'on entend par coordination combiner ou intégrer harmonieusement le travail de nombreux participants pour un même but et par coopération simplement une répartition plus ou moins grossière de certaines responsabilités, il peut et il doit y avoir coopération et coordination dans le domaine de la formation des usagers des bibliothèques. Des progrès ont été faits dans ce sens dans certains pays par des associations ou organisations qui se sont limitées à des objectifs spécifiques ou ont agi à un niveau éducatif donné (les bibliothèques universitaires en l'occurence). A titre d'exemple on peut citer en Grande-Bretagne, le groupe « SCONUL » qui s'occupe de l'usage des bandes vidéo pour la formation des usagers; aux Etats-Unis, le groupe « Library Media », qui étudie et produit des moyens audiovisuels et multiplie les échanges avec des établissements commerciaux. Pourtant, si la coordination et la coopération semblent très souhaitables et importantes au niveau national, elles sont plus facilement réalisables au niveau local ou régional car les contacts entre les enseignants sont alors plus rapides et productifs. Quoi qu'il en soit, pour réussir dans ces entreprises il faudra constituer des groupes de travail cohérents sur les différents aspects de la formation des usagers, organiser des rencontres générales ou des conférences, publier des bulletins ou revues.

Formation des usagers : quel profit pour la bibliothèque ?

Depuis des années nous constatons, dans nos universités, un accroissement constant du nombre des étudiants alors que les effectifs du personnel spécialisé stagnent dans les bibliothèques. C'est peut-être pour cela que la formation des usagers est souvent considérée par des bibliothécaires comme un luxe, un surcroît de travail indépendant des fonctions principales qu'ils ont à remplir. Pourtant la bibliothèque idéale n'est pas, ne peut pas être celle où les lecteurs ignorent tout de la façon de trouver et d'obtenir de la documentation. Il faut s'y faire, la formation des usagers est une partie essentielle du fonctionnement de la bibliothèque et ses programmes dépendent en partie de la pratique qui s'y est installée au fil des jours. Heureusement, cette fonction enseignante apporte au bibliothécaire des retours bénéfiques sur l'adéquation des collections, la classification utilisée, l'accessibilité réelle des fonds, la valeur des catalogues de la bibliothèque... Mieux encore, certains services des bibliothèques sont directement affectés par la formation des usagers, en particulier le prêt interbibliothèques et les interrogations automatisées. Mais pour faire de la formation des usagers il est nécessaire d'avoir des moyens financiers (crédits spécifiques ou sommes apportées par des cours payants) et du personnel motivé, ainsi que l'accord profond du directeur de l'établissement. Toutes ces conditions remplies, il faudra encore penser à la formation du formateur. En vérité. les bibliothécaires savent souvent peu de choses des techniques d'éducation et de communication, et ce sont les programmes des écoles des bibliothèques qui doivent ou devront être changés dans de très courts délais. Quoi qu'il en soit, pour préparer les cours, les bibliothécaires enseignants doivent avoir toute la tranquillité et les instruments pédagogiques (livres, revues, moyens audiovisuels) indispensables. Ceci dit, une question importante peut être posée : comment cette formation des usagers doit-elle être conçue, comme une unité séparée ou comme une partie du service public ou comme un service externe incorporant d'autres activités : liaisons avec les bibliothèques des laboratoires, avec l'environnement extérieur ? Il est important en tout cas que le responsable de la formation des usagers soit d'un niveau scientifique et culturel élevé et qu'il ait un sens aigu de la communication. N'oublions pas que l'efficacité d'une bibliothèque peut se mesurer en termes divers, à savoir : la qualité de ses fonds, c'est-à-dire leur valeur propre mais aussi celle relative par rapport aux usagers potentiels; la quantité d'usage qui en est fait, ce qui dépend d'une part, du type de stockage des fonds, d'autre part, de la connaissance extérieure que l'on en a, enfin et surtout de la formation (ou non formation) de ses usagers; l'usage de l'information obtenue, qui sera bien utilisée ou non, ici encore, selon que les usagers seront formés ou non (notons au surplus que ces trois paramètres sont interférents). Un programme de formation des usagers d'une bibliothèque vise donc à en accroître la fréquentation non seulement en nombre mais aussi en qualité. C'est pourquoi, en termes de coût/bénéfice, il est d'un haut profit.

Par la « mise au point » faite ci-dessus, qui n'est qu'une adaptation très résumée et commentée du texte original, on voit combien, je l'espère du moins, le livre de Nancy Fjällbrant et lan Malley est riche de renseignements, de remarques pertinentes et d'idées nouvelles. Comme en outre chaque chapitre est soutenu par une abondante bibliographie rigoureusement sélectionnée (et parfois jugée dans le texte) on dispose là d'un instrument de travail sérieux. D'autant plus que dans une deuxième partie, les auteurs nous décrivent ce qui est fait en matière de formation des usagers du Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Scandinavie et en Australie. Chaque fois tout est dit en détail et une évaluation critique montre les points forts comme les faiblesses des systèmes existants ou mis en place. Un bon livre pas trop gros (enfin 250 pages quand même) où l'on est surpris de trouver quelques à peu près. Par exemple, que veut-on nous faire comprendre quand on écrit simplement que la Chine dispose d'un potentiel « tremendous » en ce qui concerne notre sujet ? Citer la République fédérale d'Allemagne et la République démocratique allemande parmi les pays qui s'occupent sérieusement de la formation des usagers c'est bien, mais ce n'est pas suffisant, surtout quand les bibliographies ne donnent aucune référence en langue allemande. Il n'empêche, voici le livre qu'il fallait pour le bibliothécaire formateur.