Le cAFB et son public : l'expérience du CRFP Paris

Catherine Gaillard

Marie-Françoise Bisbrouck

Daniel Renoult

Au moment où une réforme de la formation professionnelle est à l'étude, il nous a paru intéressant de publier l'analyse faite par le centre régional de formation de Paris sur le rapport demande/offre en ce domaine. Le certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire est-il (peut-il être ?) une réponse à tout ?

Un centre régional de formation professionnelle constitue un observatoire du marché de la formation et de celui de l'emploi, notamment dans les régions où les emplois sont nombreux et diversifiés comme la région parisienne. En effet un Centre régional de formation professionnelle n'est pas seulement un organisme d'enseignement mais il joue aussi un rôle d'intermédiaire entre employeurs et demandeurs d'emploi; il assure également un service d'orientation et d'information spécialisé dans les carrières des bibliothèques.

Les demandes de formation

La formation initiale est la demande la plus fréquente en région parisienne. Elle concerne des bacheliers, mais aussi, et de plus en plus, des diplômés de l'enseignement supérieur (65,5% des inscrits au Centre régional de formation professionnelle de Paris à la rentrée 1983/1984) qui sont à la recherche d'une qualification en vue d'un premier emploi dans les bibliothèques ou les organismes documentaires spécialisés. Cette demande concerne le CAFB et ses quatre options (Bibliothèques publiques, Documentation, Musique, Jeunesse), beaucoup moins le concours de bibliothécaire adjoint en raison du faible nombre d'emplois mis au concours.

Ces demandeurs trouveront surtout des emplois de bibliothécaire-adjoint dans les bibliothèques publiques, ou d'aide-documentaliste dans les secteurs public, para-public ou privé. Nombre d'entre eux espèrent faire valoir à terme, après quelques années d'expérience professionnelle, leur formation supérieure, et être nommés sur des postes de bibliothécaires de 1ère ou 2e catégorie ou de documentalistes.

Demande de formation des candidats déjà en poste. Ce type de demande provient de personnes recrutées sans titres professionnels dans une bibliothèque ou dans un organisme de documentation. Le profil des demandeurs est différent selon les secteurs.

En général, les personnes travaillant en bibliothèque publique désirent acquérir a-posteriori une qualification en vue d'une promotion (d'employé de bibliothèque à bibliothécaire-adjoint) ou d'une stabilisation de leur situation (titularisation). Elles sont la plupart du temps titulaires du seul baccalauréat et éprouvent des difficultés à réussir les épreuves de sélection, pourtant d'un niveau moyen, organisées par les centres de formation. Soutenues par leurs employeurs, elles souhaiteraient vivement être dispensées de ces épreuves. Cela pose le problème des critères de recrutement initialement retenus par ceux-ci.

Dans le domaine de la documentation, les demandeurs sont en général de formation supérieure. Ils ont été recrutés au vu de leur spécialité scientifique, et souvent de connaissances linguistiques, et sont à la recherche d'une qualification professionnelle complétant leur formation. Ils n'éprouvent pas de difficultés particulières à franchir les épreuves de sélection.

Les demandes de formation permanente ou de recyclage. Formulées par les professionnels eux-mêmes, elles concernent surtout les applications dans les bibliothèques des nouvelles technologies, mais aussi des sujets très spécialisés (élaboration d'un thesaurus par exemple).

Les demandes de formations sur profil sont en général formulées directement par les employeurs qui souhaitent affecter une catégorie de leur personnel à des tâches nouvelles d'information et de documentation. Ce type de demande peut provenir de divers milieux professionnels.

En 1980 et 1981 le Centre régional de formation professionnelle de Paris a organisé à la demande de la Commission de coordination de la documentation administrative un cycle de formation destiné à des agents de l'administration centrale catégories A et B assurant régulièrement des tâches documentaires sans toutefois avoir bénéficié de formation initiale préalable. Ces deux stages ont duré respectivement 20 et 10 semaines à raison d'une séance hebdomadaire d'une journée. En 1982, il a également été sollicité par l'Assistance Publique pour étudier la possibilité d'organiser une formation courte pour des bibliothécaires des écoles d'infirmières.

Ces demandes ponctuelles qui reflètent les besoins réels des employeurs et des salariés supposeraient des réponses adaptées à chaque cas aussi bien en niveau qu'en durée. Elles ne peuvent en aucune façon s'inscrire dans le cadre d'une formation nationale banalisée.

Les demandes de formation de niveau recherche, bien que peu nombreuses, méritent d'être mentionnées. Elles proviennent d'étudiants désireux d'approfondir des sujets abordés au cours de leur formation initiale. Ils souhaiteraient poursuivre des études de type universitaire soit en science de l'information, soit en bibliologie.

L'offre : carences et améliorations possibles

Face à cette diversité des demandes, un centre régional de formation professionnelle ne peut fournir actuellement qu'une formation unique : proposer la préparation du CAFB, ou bien orienter vers d'autres filières, diplôme universitaire de technologie - documentation ou Institut national des techniques de la documentation (dans ce dernier cas pour les titulaires d'une maîtrise). Dans leur majorité, les demandeurs préfèrent le CAFB : il s'agit en effet d'une formation courte, gratuite, débouchant sur un diplôme national reconnu par les employeurs, notamment dans le domaine des bibliothèques publiques. En région parisienne, on évalue à un millier le nombre de personnes postulant aux cinq centres préparant le CAFB. A l'issue de l'examen probatoire, 350 d'entre elles y seront admises, tandis que d'autres tenteront leurs chances comme candidats « libres » (un peu plus de 200 en 1983 d'après les inscriptions à l'examen).

Quels que soient ses mérites, le CAFB ne peut cependant constituer la réponse unique à tous les problèmes de formation. Il apparaît clairement aujourd'hui qu'il faudrait prendre en considération chaque type de demande, chaque catégorie de débouchés et implanter des structures dotées de moyens suffisants pour mettre en place des formations spécifiques et adaptées.

Formation initiale. Il est indispensable de distinguer au moins deux niveaux de formation et de recrutement : le premier débouchant sur des emplois de techniciens (bibliothécaires-adjoints et aides-documentalistes), le second sur des postes d'encadrement (bibliothécaires et documentalistes) ; ce second débouché implique notamment des responsabilités de plus en plus importantes en raison du développement en cours et à venir des bibliothèques et des centres de documentation dans les domaines de l'organisation et de la gestion (administrative et comptable) d'un service et de la conduite d'équipes de personnel de plus en plus étoffées et qualifiées.

Cette distinction sera conçue différemment selon l'évolution des structures administratives et en particulier du statut des personnels territoriaux. En tout état de cause, il est exclu que la même formation continue à déboucher sur des emplois de catégorie B, A' et A.

Quelle que soit l'évolution, il serait nécessaire que l'ENSB continue à délivrer des diplômes nationaux. Il faut en effet penser à tous ceux qui se dirigent vers les secteurs hors fonction publique (bibliothèques d'entreprise, bibliothèques d'hôpitaux, centres de documentation privés), et pas seulement à ceux qui préparent les concours municipaux, départementaux ou d'Etat.

Formation des candidats déjà en poste. Le fait d'avoir été recruté préalablement par un employeur ne constitue pas en soi un critère suffisant d'aptitude à une profession. Les critères de sélection varient en effet beaucoup d'un employeur à l'autre. On souhaiterait que des efforts particuliers continuent à être menés par les administrations centrales afin d'imposer l'idée que les diplômes professionnels restent les critères de recrutement les plus objectifs.

Cependant, on ne doit pas oublier que la faible capacité d'accueil et de moyens de l'ensemble des centres de formation ne favorise pas spécialement, lors de la sélection préalable, les candidats déjà en poste.

Formation permanente. Cette tâche incombe en premier lieu à la DBMIST (Direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique), à la DLL (Direction du livre et de la lecture) et au CFPC (Centre de formation des personnels communaux). L'ADBS (Association des documentalistes et bibliothécaires spécialisés) organise également des cycles de formation.

Dans l'optique de la décentralisation, on pourrait envisager que les centres régionaux de formation professionnelle mènent également des actions de formation permanente. Jusqu'ici, le CRFP Paris n'a assuré que des stages de recyclage de formateurs (bibliologie contemporaine en 1978 et 1980, bibliographie générale en 1983, bibliographie spécialisée en 1984).

Formations sur profil. On ne peut dans ce cas proposer une formation nationale banalisée comme le CAFB. Il s'agit au contraire de mettre en place des formations « sur mesure » qui doivent être prises en charge financièrement par les organismes demandeurs. Les Centres régionaux de formation professionnelle assureraient une réponse plus efficace à ce genre de demande s'ils bénéficiaient de structures plus solides et de moyens accrus.

Les formations de recherche posent un problème général. Une filière complète de formation devrait déboucher aussi sur la recherche, ce qui impliquerait un développement de la collaboration entre l'ENSB et l'Université.

Les demandes adressées à un centre de formation sont donc des plus diverses : les propositions que l'on peut faire pour aboutir à une meilleure efficacité portent sur l'organisation de la formation et son contenu.

Pour une carte de la formation

Les principales missions d'un centre régional de formation professionnelle se décomposent en :

Formation

- Formation initiale du personnel des bibliothèques et des organismes de documentation : bibliothécaire, bibliothécaire adjoint... On peut penser également à des formations s'adressant à d'autres catégories de personnel (employés de bibliothèque, magasiniers, dépositaires de BCP). Or
ganisation du contrôle continu et des examens nationaux correspondant à ces formations;
- Formation continue des personnels de bibliothèque de la région en relation avec les organismes de formation continue (CFPC-ASFORED);

- Edition de matériel pédagogique.

Information et orientation

- Information et orientation concernant les carrières des bibliothèques et de la documentation ;
- Constitution et diffusion d'une documentation spécialisée;
- Information sur les offres d'emploi disponibles.

Sur les 28 centres régionaux de formation professionnelle fonctionnant en 1983, peu disposent des moyens et des structures nécessaires pour accomplir l'ensemble de ces missions. Il paraît indispensable de redéfinir la carte de la formation et de redéployer les moyens de l'ENSB au profit d'un nombre limité de centres. Cette hypothèse n'est pas nouvelle : elle est évoquée régulièrement lors de la réunion des responsables des centres régionaux de formation professionnelle. En ce qui concerne la nécessité de disposer dans chaque région de centres de formation professionnelle, on peut observer que d'autres professions acceptent le principe de centres régionaux moins nombreux.

Par ailleurs, la diversité des statuts et des ressources des centres régionaux de formation professionnelle est un élément dont devra tenir compte toute réforme : certains centres dépendent pour la totalité de leurs ressources de l'ENSB, d'autres reçoivent une subvention de l'ENSB, mais vivent en réalité sur le budget d'une bibliothèque (universitaire dans la plupart des cas), d'autres se sont associés à un IUT ou à une université. Cette diversité s'explique par la faiblesse des structures comme des budgets, qui contraint chaque responsable à trouver des solutions locales pour faire vivre son centre.

- L'intégration de la formation professionnelle des bibliothécaires dans l'université est également une question fréquemment soulevée. Bien que nous soyons très attachés à une collaboration avec l'Université sur le plan de l'enseignement et de la recherche, notre expérience en région parisienne nous contraint à être beaucoup plus réservés sur les structures. En ce qui concerne les préparations au CAFB dans un cadre universitaire, l'essentiel des enseignements est en effet donné par des conservateurs de bibliothèque, l'université jouant seulement le rôle de logeur, souvent dans de médiocres conditions, et de bailleur de fonds pour la rémunération des enseignants. Il n'y a pas d'encadrement ni de suivi pédagogique.

Placés sous la tutelle de l'ENSB, un nombre limité de centres régionaux de formation professionnelle, dotés à la fois de statuts associant au niveau régional employeurs, professionnels, universitaires et aussi de moyens réels en locaux et en personnel, assureraient l'ensemble des niveaux de formation. A ce tissu solide pourrait s'ajouter un nombre restreint de centres régionaux de formation professionnelle à vocation plus limitée mais dont le maintien s'avérerait indispensable pour des raisons géographiques.

Pour une réforme de la formation

Les cours organisés au centre de Paris portent sur la préparation au tronc commun et aux options « Bibliothèques publiques » et « Documentation » conformément aux textes actuellement en vigueur. La préparation au CAFB s'adressant pour un grand nombre de cas à des personnes qui travaillent, l'enseignement est dispensé à temps partiel (2 jours par semaine). Par ailleurs, les exigences actuelles du calendrier des examens contraignent à réduire la scolarité respectivement à 12 semaines pour le tronc commun et 12 semaines pour les deux options.

La suppression de cette coupure entre le tronc commun et les options permettrait aux centres régionaux de formation professionnelle de mettre à profit un temps supplémentaire (7 semaines minimum) non seulement pour approfondir certains points du programme, mais encore pour développer visites et stages en bibliothèque. En effet ces deux dernières possibilités pour un candidat au CAFB de pratiquer son futur métier occupent une place beaucoup trop restreinte dans la formation telle qu'elle est organisée actuellement. La transformation de cette organisation en une scolarité effectivement annuelle structurée autour de modules d'enseignement (certains obligatoires, d'autres à option), assortis du contrôle continu des connaissances permettrait d'allonger le temps de formation et d'en approfondir le contenu. En ce qui concerne l'évolution du contenu, il serait indispensable de disposer des moyens nécessaires pour initier plus concrètement les étudiants aux procédures d'information des bibliothèques et des organismes documentaires, à la recherche documentaire automatisée et à l'utilisation de nouveaux médias.

Tout en adaptant l'enseignement aux évolutions en cours, il faut cependant se garder d'ajuster trop strictement la formation aux profils d'emploi tels qu'on peut les percevoir aujourd'hui. Ce n'est pas seulement la préparation à des postes de travail qui doit être envisagée mais, d'une manière plus générale, la formation à des fonctions : par exemple spécialiste des nouveaux médias dans un équipement culturel, technicien de la gestion et de la diffusion de la formation, spécialiste de systèmes documentaires, directeur d'une bibliothèque... Or, ces fonctions diverses évoluent, et il paraît nécessaire de favoriser au maximum les capacités d'adaptation des professionnels à les dominer intellectuellement et à les faire évoluer. C'est dire qu'à côté des enseignements techniques, la formation théorique et critique devrait avoir une large place; sur ce dernier point une réflexion concertée (et non limitée aux seuls bibliothécaires) serait indispensable.

  1. (retour)↑  Les épreuves de sélection organisées par l'ensemble des centres de la région parisienne (CRFP Paris et Massy, Universités de Censier, Créteil et Villetaneuse) le même jour et portant sur le même sujet, visent essentiellement à apprécier si les candidats maîtrisent à peu près correctement la langue française d'une part, et à leur faire préciser leurs motivations pour le métier de professionnel des bibliothèques ou de la documentation d'autre part.
  2. (retour)↑  Les épreuves de sélection organisées par l'ensemble des centres de la région parisienne (CRFP Paris et Massy, Universités de Censier, Créteil et Villetaneuse) le même jour et portant sur le même sujet, visent essentiellement à apprécier si les candidats maîtrisent à peu près correctement la langue française d'une part, et à leur faire préciser leurs motivations pour le métier de professionnel des bibliothèques ou de la documentation d'autre part.