Buch, Bibliothek und geisteswissenschaftliche Forschung

zu Problemen der Literatur- Versogung und der Literaturproduktion in der Bundes Republik Deutschland [zum Geleit von Rolf Müller].

par Albert Labarre

Bernhard Fabian

Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1983. - 346 p.; 21 cm. - (Schriftenreihe der Stiftung Volkswagenwerk ; Bd 24.).
ISBN 3-525-85368-8 : DM 26.

Dans cet ouvrage, un professeur de l'université de Munster se demande dans quelles conditions la recherche allemande en sciences humaines peut se procurer la littérature qui lui est nécessaire. Il pose ainsi le probléme des relations entre les bibliothèques d'étude et la recherche, et les réflexions qu'il émet à ce sujet peuvent souvent être transposables en deçà du Rhin. Cet ouvrage ne se prétend pourtant pas bibliothéconomique, dans la mesure où les questions ne sont pas envisagées de l'intérieur, mais de l'extérieur, du point de vue de l'usager.

La bibliothèque est une condition institutionnelle de la recherche intellectuelle, et l'auteur souligne la dimension historique que prend cette recherche en sciences humaines. Ainsi les bibliothèques doivent-elles être des archives, non seulement de la science moderne, mais aussi de la tradition culturelle. Le développement moderne des bibliothèques allemandes est ensuite évoqué; la fin du XVIIIe siècle est marquée par le rôle pilote joué par la bibliothèque de l'université de Gôttingen, et sur celle du XIXe pèse le développement de la bibliothèque royale de Berlin. La période 1918-1945 se caractérise par un manque de littérature consécutif à la guerre, par l'extension du prêt inter-bibliothèques et l'antagonisme entre les bibliothèques universitaires centrales et les bibliothèques d'instituts. La situation actuelle est en partie conditionnée par l'héritage du passé. Après 1945, un compromis s'est établi entre la centralisation et le fédéralisme. Actuellement, le réservoir documentaire demeure insuffisamment ouvert à l'exploitation. Les fonds sont nombreux, souvent importants, mais inégaux et disséminés. Les catalogues sont souvent anciens et très peu (sauf de manuscrits, d'incunables et de certains fonds spéciaux) sont publiés. Quant aux catalogues centraux des Länder, constitués surtout pour faciliter le prêt, ils ne semblent pas une base suffisante pour un regroupement et une publication. Le réseau du prêt s'alourdit; le nombre de demandes insatisfaites sur place augmente et les délais de transmission s'accroissent. La régionalisation des bibliothèques gêne une politique nationale et la spécialisation des fonds nuit à la recherche interdisciplinaire.

Quelles solutions peut-on envisager ? Il faut être réaliste; le souhaitable n'est pas toujours possible. Les conditions actuelles ne permettent pas de songer à une bibliothèque centrale exhaustive, ni même à un catalogue collectif comme le NUC [National union catalog] américain. Du moins, l'exploitation et la conservation des fonds historiques et rétrospectifs demandent-ils la constitution de réserves précieuses, la publication d'un manuel détaillé sur le contenu et l'accès aux fonds, ainsi qu'une politique concertée sur leur conservation. Quant à l'archivage de la littérature nationale, il ne peut pas se contenter d'un dépôt légal tardif et disparate. L'auteur suggère de l'appuyer, selon les époques de production, sur quatre bibliothèques particulièrement riches, la Bibliothèque d'Etat de Bavière à Munich, celle de l'université de Gôttingen, celle du duc Auguste à Wolfenbüttel et celle de l'université de Francfort, sans oublier l'apport de la Bibliothèque nationale de Berlin-ouest. Pour le prêt inter-bibliothèques, il ne faut plus le considérer comme la panacée universelle à l'insuffisance des fonds, ce qui a provoqué son alourdissement. Il peut être limité par une meilleure utilisation des ressources locales, notamment pour les simples études académiques. Une meilleure information des utilisateurs potentiels éviterait les demandes inutiles. Enfin, il faut rechercher toutes les possibilités de séparer le contenu du livre de son support matériel par des moyens techniques modernes, pour limiter au maximum le transport physique des documents. Ces techniques modernes doivent être développées dans plusieurs directions : recherche de photocopieurs n'abîmant pas les livres, utilisation des microformes pour répondre aux demandes d'ouvrages non protégés par le copyright, équipement des principales bibliothèques en ateliers photographiques pour la confection rapide de ces microformes, établissement d'un catalogue général des ouvrages ainsi reproduits selon l'exemple américain, étude d'appareils de saisie de textes pour développer leur télétransmission etc. Par ailleurs, le système d'information a besoin d'être amélioré. D'abord par la confection de divers guides pour que les chercheurs puissent mieux connaître et aborder les fonds des bibliothèques. Aussi en utilisant l'automatisation pour faciliter le catalogage de ces fonds et permettre des répertoires collectifs. Dans la hiérarchisation des tâches des bibliothèques, l'auteur estime qu'il faut privilégier la disponibilité des fonds sur place par rapport au prêt inter-bibliothèques, en limitant celui-ci dans son volume et ses délais et en n'hésitant pas à doubler les collections essentielles pour la recherche. En somme, les bibliothèques doivent être des centres de recherche. Pour cela, il faut qu'elles distinguent bien ce qui correspond aux besoins de la simple étude et à ceux de la recherche, et qu'elles soient aptes à accueillir des travaux à long terme au lieu que ceux-ci suscitent la création de mini-instituts. Il faut enfin que l'activité bibliothéconomique y soit orientée vers l'exploitation de la tradition culturelle qu'elles conservent, ce qui est une de leurs tâches essentielles.

Se procurer la littérature scientifique nécessaire n'est pas seulement affaire d'organisation des bibliothèques, mais concerne aussi les conditions de production de cette littérature. Il y a là des problèmes actuels nombreux et apparemment contradictoires. S'il devient de plus en plus difficile pour un chercheur de publier le résultat de ses travaux, la masse de la production imprimée n'en est pas moins en augmentation constante. L'auteur insiste aussi sur la tradition allemande de publier automatiquement les dissertations inaugurales qui signifient plutôt aptitude à la recherche que recherche élaborée; elles gonflent facticement la masse des monographies et surchargent les bibliothèques.

Dans les hypothèses d'avenir, apparaissent aussi des contradictions. Si la maniabilité de la forme actuelle du livre lui préserve sa chance face aux nouveaux supports, il n'existe pas moins une crise, d'une part de surproduction, d'autre part de restriction des tirages à cause d'une spécialisation accrue, ce qui entraîne des prix élevés et par là même limite encore plus les ventes, bel exemple de cercle vicieux. Face à la surproduction, l'auteur préconise une remise en ordre dans les formes de publication : réduire la publication de la littérature secondaire, publier d'abord les dissertations en microforme et n'y choisir que les meilleures pour l'impression en monographies ; exploiter les procédés modernes de stockage et de diffusion pour la littérature hautement spécialisée et les vastes corpus de textes; concentrer les ressources disponibles sur la publication de monographies de haute qualité. Quant au prix des livres, il peut être réduit en transférant de l'éditeur à l'auteur la charge de la composition matérielle des textes grâce aux procédés modernes, et en dotant les institutions dont dépendent les auteurs du matériel automatisé nécessaire. Resteraient à l'éditeur le conseil et le contrôle de l'auteur et la diffusion de son œuvre.

Voilà donc un ouvrage d'un grand intérêt par la variété des réflexions qu'il soulève sur les rapports des bibliothèques et de la recherche, réflexions qui n'ont pu être qu'évoquées dans ces quelques lignes.